Le chef de Nobunaga – tomes 1-2 – Nishimura/Kajikawa

J’ai choisi ce manga sous les conseils de Sylvain Démenti – qui ne l’avait pas lu – pour le Shiny Spring Challenge de Floris. C’était totalement dans le thème et en plus, il y avait du voyage dans le temps et du Japon!

De quoi ça parle

Ken est chef cuisinier à notre époque. Au tout début du manga, nous le retrouvons toutefois à l’époque Sengoku où il atterrit sans trop savoir pourquoi et surtout sans souvenir de son passé à l’exception de ses connaissances culinaires et historiques sur l’époque. Son talent va attirer l’attention du célèbre daimyo Nobunaga, qui va le désigner comme son chef attitré.

Mon avis

Je n’ai lu que deux tomes de ce manga, que je qualifierais comme « bien… mais pas non plus fantabuleux ». En fait, j’aime beaucoup le côté historique, qui nous permettent de rencontrer plusieurs personnages importants de l’époque : Nobunaga Oda, Tokugawa Ieyasu, Toyotomi Hideyoshi ainsi que plusieurs généraux de l’époque. Quand on revient du Japon et qu’on en a entendu parler en long, en large et en travers, c’est top. Disons que je ne les mélangerai plus! Ici, Nobunaga est dépeint comme un chef de guerre puissant, sans pitié mais aussi très charismatique. C’est profondément ancré dans la culture japonaise de l’époque, on y voit plusieurs traditions et le dessin nous permet de voit le Japon imaginé de ces années-là, que j’ai aimé imaginer en me promenant des les rues lors de mon voyage.

J’ai toutefois moins apprécié le côté « nourriture ». Lucky me, j’avais mangé pas mal de mets japonais lors de mon voyage alors je comprenais un peu ce qu pouvait être innovant ou particulier. J’ai du mal à croire au rôle si important du chef dans toutes ces négociations mais je comprends l’intérêt du truc pour lier toute cette histoire. Dans ces deux premiers tomes, il n’y a pas d’explication sur la raison de sa présence et il ne semble pas vraiment perturbé. J’espère que ça va arriver plus tard dans la série mais j’aurais aimé que cet aspect soit présent plus rapidement.

Ceci dit, je vais poursuivre ma lecture au moins jusqu’au tome 6 vu que je les ai jusque là! Je pense qu’il y a 37 tomes en tout alors j’imagine que la trame va s’épaissir!

Illusions perdues – Balzac

Ce roman faisait partie de ma liste ultime de 2024. Bon, c’est d’ailleurs le seul que j’ai lu à date. Je sais, c’est fort mal parti. Et c’était aussi mon premier Balzac. Il n’est jamais trop tard pour bien faire!

De quoi ça parle

Lucien Chardon, jeune homme de province, a de grandes ambitions : il souhaite devenir un grand écrivain. Un homme d’influence. Parrainé par Madame de Bargerton, dame en vue d’Angoulême, il va aller à Paris pour tenter sa chance. Et vu le titre, vous pouvez deviner que ça ne se passera pas nécessairement bien.

Mon avis

Les Illusions perdues, ce sont d’abord celles de Lucien face au monde littéraire et à l’univers de l’édition. Mais ce sont aussi celles de sa famille face au dit Lucien et à son caractère. Car disons que le jeune homme n’est pas facile à aimer.

Quel défi pour un auteur de nous faire suivre un personnage à ce point antipathique, à ce point inconséquent et de nous garder captivés! C’est que ce Lucien prend systématiquement toutes les mauvaises décisions, il considère que tout lui est dû et il est impossible de ne pas soupirer à le voir tomber systématiquement dans tous les pièges qui sont tendus par la bonne société parisienne. Entendons-nous, je n’ai pu lire le tout d’unt traite. J’étais tellement, tellement fâchée à plusieurs reprises que je devais refermer le volume pour me déchoquer! Presque tout le monde est détestable dans ce roman, à l’exception d’Eve et David Séchard ainsi que des membres du Cénacle, cercle d’écrivains rencontrés à Paris. Lucien était jeune, naïf, certain que tout lui souriait mais jamais il ne va apprendre de ses erreurs et il va entraîner à sa suite tous ceux qui l’aiment.

Nous avons ici une dénonciation du mercantilisme du monde littéraire et de l’univers de l’imprimerie de l’époque. On y explore aussi les méandres administratifs des clercs et avocats qui ruinent leurs clients à coups de frais et procédures coûteuses et souvent inutiles. Les déboires de David Séchard avec son père (le vieux cr…) ainsi que de son entourage fait peine à lire. Non mais comment peut-on en arriver là! Balzac a le don pour créer de nombreux personnages, tous crédibles, tous définis, et à les rendre étonnament vivants. Il nous plonge dans les faux semblants, dans les codes et les hypocrisies quotidiennes et on manque d’air parfois.

Bref, une très bonne lecture pour moi. Pas toujours facile à lire car les chapitres sont longs, la prose est typique de l’époque et nous avons besoin de toute notre concentration pour bien profiter de la plume et du propos, tout en profitant de la complexité des personnages. Avec la fin (et surtout la rencontre de la fin), j’ai bien envie de lire Splendeur et Misère des Courtisanes maintenant!

The Fall of the House of Usher – Edgar Allen Poe

J’avais lu cette nouvelle à quoi… 14 ans. J’avais aimé et quand j’ai vu que T. Kingfisher avait réécrit cette nouvelle, je me suis dit que je pourrais bien la relire avant, n’est-ce pas!  Question de bien profiter de ma lecture

De quoi ça parle

Un homme – qui restera sans nom – est appelé par un ami d’enfance, Roderick Usher, qui lui demande de venir le voir dans sa maison isolée car il a besoin d’aide et est malade. Sa soeur, Madeline, est encore plus mal en point que lui.  Sauf que la maison est lugubre et que les seuls héritiers de la maison Usher semble y dépérir…

Mon avis

Entendons-nous, il s’agit d’une nouvelle. Gothique la nouvelle. Et ici, il y avait clairement matière à faire davantage, quoique l’atmosphère soit magnifiquement recréée.  La maison est un personnage en elle-même, pleine de courants d’air et de bruits étranges.  De plus, Roderick ne va pas bien et il semble croire que la demeure est vivante.  Le récit est étoffé de descriptions riches et évocatrices et il y a de très nombreuses références à l’art pictural et à la poésie. Natures et bruits étranges parsèment le texte. On y sent l’influence des légendes et de l’imaginaire sur la santé mentale de Roderick qui ne distingue plus le vrai du faux… mais est-ce vraiment le cas?

J’aime la plume de Poe et sa façon de faire entrer la terreur dans le quotidien. Je l’ai lu en pleine nuit, ce qui a clairement aidé à m’imprégner de l’ambiance.  Bien entendu, on se questionne…  mais pourquoi Roderick n’a pas… (je ne peux pas vous dire quoi sinon je vous révèle l’intrigue). Même chose pour la scène finale. Le personnage de Madeline n’est qu’évoqué rapidement et je l’aurais aimé un peu plus développé, mais ce n’est qu’une nouvelle. Ceci explique probablement cela!

Bref, j’ai envie de relire toutes les Nouvelles Histoires Extraordinaires. Parce que Edgar Allen Poe. 

Les chroniques de l’Érable et du Cerisier – 3 – L’ombre du Shogun

Pas facile de parler d’un tome 3 sans spoiler les deux premier, surtout dans ce cas précis. La couverture parle un peu mais si vous n’avez pas lu les deux premiers, je ne suis pas certaine que je peux vous dire qui est le personnage principal car ici, on délaisse un peu Ichirô, que nous suivions dans les deux premiers tomes… et on s’en va ailleurs.

De quoi ça parle

Je vais vous parler davantage de la série que de ce tome… Mais nous sommes dans une saga jeunesse se situant dans le Japon du début du 17e siècle (pendant la période le siège d’Osaka en fait). La série est bien ancrée dans l’histoire de l’époque et nous allons croiser plusieurs personnages célèbres historiques de l’époque.

L’histoire du premier tome commence avec Ichirô, jeune garçon ayant été élevé par un grand maître qui lui a enseigné la Voie du Sabre. Toutefois, quand son maître sera tué par un homme à la solde du Shogun, il va s’enfuir et se réfugier dans un théâtre kabuki, rencontrer des amis, des acteurs et surtout Hiinahime, une jeune fille défigurée qui porte toujours un masque de No.

Mon avis

J’ai pris ce livre tout de suite en revenant du Japon, où j’avais entendu parler de toute cette époque par notre guide et que j’avais visité plusieurs des lieux mentionnés dans le roman dont le fameux château d’Osaka. Bon… une partie du fameux château d’Osaka!J’avoue avoir relu une bonne partie des deux premiers tomes pour mieux situer le roman dans la grande Histoire et j’avoue que les connaissances de « fond » que j’ai acquises au Japon étaient exactement ce qui me manquait pour bien comprendre et appréhender ce récit. Bien entendu, l’autrice prend un parti pour déterminer qui étaient les « bons » et les « méchants » (pas nécessairement le même que dans Shogun de Clavell… quoique bon!) et plus je lis cette série, plus je peux placer les pièces de puzzle.

Encore une fois, c’est un très bon roman, fouillé, très bien écrit, alternant entre des passages pleins d’action et des moments plus poétiques et contemplatifs. La partie « voyage intérieur » est moins intense que dans le tome 2 mais nous suivons un personnage différent, qui a un vécu différent et qui éclaire l’histoire différemment. Oui, je sais, ça fait beaucoup de « différent ». Bref, un autre point de vue. Nous revoyons également plusieurs personnages des premiers tomes (je ne vous dirai pas comment on les retrouve) et les nouveaux personnages secondaires sont aussi très attachants. Nous sommes ici davantage dans un monde de femmes et celles-ci ont une façon bien différente de tenter de faire changer les choses.

J’aime beaucoup la façon qu’a Camille Monceaux de faire passer ses idées. Ce n’est jamais preachy, jamais martelé, mais ça amène le jeune lecteur à réfléchir. Plusieurs thèmes sont abordés, toujours subtilement et j’ai beaucoup aimé la façon de traiter l’amitié, l’homosexualité ou encore la non-violence. J’ai très hâte de lire le tome 4 qui devrait sortir en 2025.

Peuple de verre – Catherine Leroux

J’ai tou lu ce qu’a écrit Catherine Leroux. Je l’ai découverte avec La marche en forêt et j’ai tout aimé d’elle par la suite. Du coup, quand j’ai su qu’elle avait écrit un roman d’anticipation avec pour sujet de fond la crise du logement, je ne pouvais qu’avoir une envie folle de le lire. En plus, on en parle, de cette couverture? Bref, je l’ai lu… et ce que j’ai pu aimer!

De quoi ça parle

Sidonie est une jeune journaliste qui n’a pas froid aux yeux. Dans un univers où la crise du logement a pris une ampleur folle, des familles entières se retrouvent à la rue et des gens disparaissent sans laisser de traces.

Sauf qu’un jour, elle se retrouve de l’autre côté du miroir et devient une inlogée…

Mon avis

Encore une fois, une réussite pour moi que ce nouveau roman de Catherine Leroux. On y retrouve encore une fois sa plume ciselée, évocatrice, pleine d’images mais aussi très fluide, au point que les pages se tournent toutes seules. De plus, il y a certes le thème le plus évident, celui de la crise du logement, mais il y a également toute une question sous-jacente, celle de la création mais aussi de la différence entre art et mensonges. Qu’est-ce qui est créativité, qu’est-ce qui est dissimulation ou même carrément mensonge ou désinformation? Entre l’arrivée d’une novlangue pour que les choses semblent moins dures, les semi-vérités du gouvernement et les mensonges que l’on se raconte à soi-même, il y a toute une réflexion qui nous est proposée, sans pour autant nous être imposée. En effet, parfois, la vérité est juste trop difficile à assumer.

Mais je m’égare! Nous avons donc Sidonie, notre « it girl ». Journaliste vedette, elle a fait son combat celui des sans abri et elle trône sur les pancartes et ses réseaux sociaux font le buzz. Ici, le personnage est plein de zones de gris que nous découvrirons petit à petit. Disons que malgré ce qui lui arrive, elle n’a rien de la parfaite victime et est loin de prendre toutes les bonnes décicions. Quand elle se retrouve dans ton HAPPI, centre pour « inlogés » où notre bon gouvernement a eu l’excellente idée de rendre tous ces gens « utiles »… en les faisant travailler. Bon, ils n’ont plus aucun droit et sont carrément en prison, il ne faut pas se le cacher. Le pire, c’est que je suis pas mal certaine que certains pourraient avoir cette « bonne » idée. Ou l’ont déjà eue. Bref… passons.

Dans mon cas particulier, ce qui est venue me chercher dans ce roman en tant que femme blanche quarantenaire de la classe moyenne, c’est que l’inlogée, ça pourrait n’importe qui. Ça pourrait être moi. Et là, on regarde la réalité, on voit où ça s’en va avec les prix du logement et on se dit que ouais… ça pourrait arriver. C’est presque en train d’arriver. Et en raison de ma situation personnelle (on se rappelle que ma maison est tombée dans un trou en 2022 et que je suis chez mes parents), j’ai beaucoup réfléchi sur le concept de domicile, de maison, de chez soi. Impossible de ne pas être particulièrement interpelée par ce thème.

Bref, une excellente lecture divertissante, bien écrite, qui propose sans imposer… j’ai tout aimé et je recommande chaudement.

Le Magicien – Colm Tóibín

Comme plusieurs me l’ont mentionné : « Mais quelle drôle d’idée de lire une biographie romancée de Thomas Mann alors que de lui, tu n’as lu qu’une seule nouvelle!! » En fait, j’aime la plume et la façon d’aborder les chose de Toibin. Et ce roman a fait son travail parce que maintenant, j’ai vraiment envie de tout lire Thomas Mann.

De quoi ça parle

Tout est dit dans le premier paragraphe… il s’git d’une biographie romancée de Thomas Mann, l’auteur de « Mort à Venise » et de « La Montagne magique », de son enfance à la fin de sa vie.

Mon avis

J’adore apprendre. De Thomas Mann, je connaissais un peu la réputation d’homme sérieux et très « comme il faut » dans la vie, alors que ses livres étaient beaucoup plus libérés. Colm Toibin a le talent de rendre passionnant la vie d’auteurs célèbres et à bien nous faire comprendre le monde dans lequel ils vivaient. Bref, j’aime. Et je pense que j’ai préféré celui-ci à l’autre que j’ai lu, qui traitait de Henry James.

Entendons-nous, si nous nous fions à cette biographie romancée, Mann était beaucoup moins sûr de lui que ce qu’il pouvait laisser transparaître dans son quotidien. Homosexuel refoulé (quoique…), avec une fascination pour les garçons plus jeunes (ici, nulle question d’agression mais certains passages provoquent clairement un malaise), il n’est ni un héros, ni un méchant et on réalise à quel point l’homme se projette dans ses romans, y faisait vivre ses pulsions et ses incertudes. Nous le rencontrons enfant, dans la petite ville allemande très conservatrice de Lübeck, avec son frère Heinrich, qui restera toujours un homme de gauche très engagé avec qui il aura une relation faite de hauts et de bas toute sa vie. Nous le verrons rencontrer Katia, sa future épouse fantasque (et patiente… tellement patiente) ainsi que le jumeau de celle-ci. Nous suivrons aussi la création de ses oeuvres et chaque fois, j’ai eu envie de lire le texte. En plus, il y a des moments qui font sourire et nous découvrons dans quelle situation se trouvaient les intellectuels de l’époque, qui ne pouvaient pas plaire à tout le monde. Et disons que quand tu ne plaisais pas, ça pouvait avoir des conséquences. Mann n’est pas celui qui va prendre le plus de risques, il est très politically correct, d’une certaine façon, pensant surtout à lui et à son oeuvre.

Ceci dit, impossible de ne pas réfléchir et de mettre dans sa peau à certains moments, avec tout ce que ça implique de contradictions. Mann n’est pas toujours une personne aimable, les extraits de ses journaux et des ses textes sont fascinants… bref, j’ai envie de tout lire de l’auteur!

Très bonne lecture.

Le Pavillon d’Or – Yukio Mishima

Imaginez-vous donc que j’ai pu lire ce roman au Japon, et que je l’ai fini le même matin où j’ai pu visiter le pavillon d’or en question. Il faut donc vous imaginer que cette lecture a un petit goût très particulier pour moi. C’était un moment… fort japonais, quoi que c’était ma foi pas mal plus glauque dans le roman que dans le voyage. 

De quoi ça parle

Ce roman raconte l’histoire du prêtre qui a brûlé le Pavillon d’Or en 1950. Mizogushi, fils d’un prêtre boudhiste, a grandi avec l’idée, inculquée par son père, que le Pavillon d’or était le summum de la Beauté, avec un grand B. Cette image va devenir pour lui la référence du Beau, alors qu’il se voit comme laid et surtout handicapé par un bégaiement important.  Petit à petit, le bâtiment va tourner à l’obsession. 

Mon avis

Comme je vous l’ai dit ci-haut, j’ai lu ce roman à Kyoto. Et parce que je suis bizarre, je m’imaginais les personnages du roman se balader dans les rues d’aujourd’hui. Le novice Tsurukawa et son pas joyeux, le cynique Kashiwagi qui pose son regard cynique sur le monde et bien entendu Mizogushi, errant dans les rues en réfléchissant à la philosophie, à la beauté et à sa propre place dans ce monde, lui qui se considère laid et disgracieux. 

C’est avant tout un roman psychologique, que nous passons dans l’esprit d’un homme profondément perturbé, qui se pose beaucoup de questions et qui a l’impression que son bégaiement et le délai qu’il impose à sa parole crée une barrière entre lui et le monde, qu’il ne sait pas comment appréhender.  Sa vision de l’univers est teintée de son auto-perception et de sa vision très particulière du Bien et du Mal et de son évolution éclairée par ces thèmes. Il se laisse prendre par les apparences et sera secoué quand il réalisera que parfois, tout n’est pas visible. Il a une relation amour/haine avec le Pavillon d’or, qui représente ce qu’il ne pourra jamais être. 

La langue est magnifique et les descriptions très évocatrices. On se croirait dans ce monde mouvant et flottant, faire cette lecture est un véritable voyage dans le temps. Je n’ose même pas m’imaginer ce que ça doit être de lire le roman en japonais, langue truffée d’images et d’expressions poétiques. Entendons-nous, c’est une lecture exigeante, qui demande du temps et de l’attention. C’est loin d’être un roman réjouissant de plus. L’atmosphère est poisseuse, certaines pensées ne sont clairement pas confortables. Mais c’est pour moi une lecture marquante, très ancrée dans son époque vu que Mishima a imaginé l’un de ses contemporains. 

Bref, je relirai du Mishima. Confession d’un masque m’attend. 

Akuteu – Soleil Launière

C’est lors du salon du livre de Montréal que j’ai acheté cette oeuvre à l’autrice, alors que j’ai passé pour une totale nouille parce que je ne la connaissais pas et que ça a clairement paru. Je souhaitais lire un roman d’une ilnue de Mashteuiatch, qui est près de chez nous, sans savoir que la dame avait déjà une sacrée réputation. Bref, j’ai eu l’air épaisse.

De quoi ça parle

Dans cette oeuvre poétique, Soleil Launière explore l’identité, la sienne, celle d’une Ilnue qui « passe ». Qui passe pour blanche. Akuteu, ça signifie « Suspendue » en langue innue et ce mot est très représentatif de ce que nous lisons dans ce texte.

Mon avis

J’ai écouté le texte en audio, lue par l’autrice sur Radio-Canada OhDio, avec le livre sous les yeux. C’était parfait. Je l’ai écouté à vitesse « normale ». C’est tout dire.

Il s’agit donc d’un hybride entre théâtre, poésie et essai qui traite de l’identité, de la recherche d’identité et du sentiment de perte et de flottement quand on ne sait pas comment se situer par rapport à soi-même. Quand on se sait ilnue mais que personne ne s’en rend compte en nous regardant. Quand on est pas assez foncée. Quand on passe. Quand on a grandi à Montréal et qu’on a découvert notre culture sur le tard. Ce texte a été pour moi une totale réussite. J’ai trouvé le mélange de médias parfait, la lecture extrêmement émouvante. Ce n’est jamais misérabiliste, toujours intelligent mais les mots vont droit au but.

Nous avons ici une oeuvre engagée, militante mais aussi très émouvante et intime. J’ai toujours du mal à parler de poésie mais ici, les contradictions du Québec nous sont mises devant les yeux. J’ai adoré la plume et pour moi, c’est magnifiquement écrit.

Bref, je conseille.

Le miroir des courtisanes – Sawako Ariyoshi

À mon retour du Japon, j’ai eu envie de rester dans cette atmosphère si particulière, dont les codes et les coutumes diffèrent tellement des miennes. Du coup, une plongée dans le Japon de l’ère Shôwa était tout indiquée.

De quoi ça parle

Née dans la péninsule de Kii, Tomoko est élevée par sa grand-mère suite au remariage de sa mère, femme magnifiquement belle mais aussi vaine que dénuée d’instinct maternel. Elle sera vendue comme apprentie geisha et devra toute sa vie composer avec cette relation mère-fille houleuse et souvent malsaine.

Mon avis

Quel plaisir que de retrouver l’atmosphère d’un Japon rêvé, maintenant disparu, à travers ces pages. C’est tout le milieu du 20e siècle qui nous est raconté à travers la relation de Tomoko et de sa mère, dans un monde où les femmes ne sont qu’épouses et qui, si elles ne correspondent pas à ce modèle de douceur, de féminité et de dévotion, nageront toujours à contre-courant. Il ne faut pas s’attendre à beaucoup de « closure », il ne faut pas non plus s’attendre à voir les bonnes actions récompensées car nous sommes face à des femmes qui prennent des décisions très pragmatiques, logiques selon leur situation. Est-ce que ce sont toujours des bonnes décisions? Qui sommes nous pour juger? La culture est différente, l’époque est différentes et le monde des geishas et du quartier des plaisirs nous est pratiquement inconnu. Tout est tellement codifié.

Bref, lire ce roman, c’est être ailleurs et laisser notre cadre de référence à l’entrée. On y retrouve la délicatesse japonaise, le soin apporté aux détails, notamment à ceux des kimonos qui prennent énormément de place dans l’histoire et qui sont souvent révélateurs de la relation entre la mère et la fille. La vie de Tomoko ne sera pas toujours facile mais elle est travaillante, intelligente et réussira à se relever, envers et contre tous. Blessée par la relation avec sa mère, elle souffrira énormément par sa faute et sa personnalité s’en trouvera influencée. Et nous, comme lecteur, on a le goût de la secouer pour être si naïve, pour tomber dans le panneau même si au font, elle sait ce qui l’attend… bref, rien de simple.

Et je crois que ce qui m’a le plus plu est de voir le passage des années, de voir les traditions changer petit à petit et de les voir à travers le regard de la protagoniste qui perd par moments ses repères. On saute parfois plusieurs années, on se demande où nous en sommes, mais ça a très bien passé pour moi. Je ne sais pas si j’aurais saisi tant de détails si je n’arrivais pas tout juste du Japon et si je n’avais pas entendu parler de la culture par des japonais… mais j’ai eu un excellent moment de lecture.

Le quatrième mur – Sorj Chalandon

J’aime beaucoup l’auteur, comme vous le savez probablement. Et ici, impossible de ne pas être intriguée. Un homme qui décide de monter l’Antigone d’Anouilh à Beyrouth, en 1982, et un plus un favori de Floris de Floflyy, il FALLAIT que je le lise, non?

De quoi ça parle

Pour une rare fois, je placerai la quatrième de couverture parce que c’est tellement, mais tellement ça…

« L’idée de Sam était belle et folle : monter l’Antigone de Jean Anouilh à Beyrouth. Voler deux heures à la guerre, en prélevant dans chaque camp un fils ou une fille pour en faire des acteurs. Puis rassembler ces ennemis sur une scène de fortune, entre cour détruite et jardin saccagé. Samuel était grec. Juif, aussi. Mon frère en quelque sorte. Un jour, il m’a demandé de participer à cette trêve poétique. Il me l’a fait promettre, à moi, petit théâtreux de patronnage. Et je lui ai dit oui. Je suis allé à Beyrouth le 10 février 1982, main tendue à la paix. Avant que la guerre ne m’offre brutalement la sienne… »

Mon avis

Non mais quel texte bouleversant. C’est dur, réaliste, plein de moments poétiques et ça sonne des cloches par rapport à tout ce qui se passe actuellement. Je n’avais qu’une vague idée de ce qui s’était passée au Liban dans les années 80. J’avais de visions de ville détruites, de civils tués et de multiples clans mais je n’avais pas saisi à quel point le tout était complexe, à quel point les gens pouvaient se détester pour des raisons idéologiques au départ… et par la suite parce que bon, quand tel ou tel clan a tué ton fils, ton bébé, mettons que tu l’aimes juste moyen.

George, notre personnage principal, arrive donc au Liban sans trop savoir, avec une grande naïveté. Son objectif, monter la pièce, subtiliser deux heures à la guerre, avec des fils et de filles de clans différents, que nous allons d’ailleurs rencontrer, les uns après les autres. Ce ne sera pas si simple, bien sûr. Les idées et les croyances vont se confronter mais tous tentent de devenir un personnage au moment où ils entrent dans les répétitions. Ils n’ont peut-être pas tout compris (et d’ailleurs, l’Antigone d’Anouilh laisse tellement place à l’interprétation), personne ne s’entend à savoir qui est le bon, le méchant, le résistant glorieux ou la personne gardienne de la vertu… bref, c’est hyper intéressant. Et le tout va éclater. Parce que la guerre.

Certaines scènes sont déchirantes, on en sort à bout de souffle. Les horreurs de la guerre, ce n’est jamais beau, jamais subtil non plus. Et l’évolution du personnage principal est également tellement difficile mais tellement crédible. Comment revenir à la vie normale quand on a vu l’horreur? Comment trouver importantes et crédibles les pleurs d’un enfant parce qu’il a perdu sa boule de crème glacée? Les choses prennent une tout autre importance et son malaise, celui de sa famille, est très poignante.

Bref, un très bon roman, encore une fois. En sort-on avec de l’espoir? Je ne sais pas. Les dissensions sont tellement ancrées dans la vie et dans les esprits des gens, la haine tellement profonde… mais juste le fait de d’écrire pour tenter le coup est un peu un acte de foi, non?

À tenter!