La Parabole
du Bon Samaritain
Béatrice de Chancel-Bardelot
baccalauréat arts plastiques
Centre national de documentation pédagogique
Remerciements
Marie Bardelot, collégienne ; Philippe Bardelot, conservateur
des antiquités et objets d’art du département du Cher ;
Karine Boulanger, ingénieur d’études au CNRS, Centre André
Chastel, équipe de recherche sur le vitrail ;
Véronique David ingénieur d’études au Ministère de la Culture
et de la Communication, Centre André Chastel, équipe de
recherche sur le vitrail ; Gilles Dinéty, graphiste ;
Claudine Lautier, chargée de recherche au CNRS, Centre André
Chastel, équipe de recherche sur le vitrail et vice-présidente du
Comité international du Corpus vitrearum ; Françoise Perrot,
historienne d’art, directrice de recherche honoraire au CNRS ;
Brigitte Stiévenard, attachée de conservation honoraire, ville
de Bourges. Anna Moirin, Responsable du service Patrimoine,
Bourges.
Le service du patrimoine de Bourges, dans le cadre du label
Ville d’art et d’histoire, propose visites et ateliers sur le thème
du vitrail. La programmation peut être adaptée à la demande.
Service éducatif patrimoine : 02 48 57 83 32
Couverture
Épilogue. Attou et l’enfant « à l’éclat de lune ».
Ci-contre : vitrail du Bon Samaritain, vu de l’extérieur.
© Ph. Bardelot
Page de titre
Parabole du Bon Samaritain, détail. © Ph. Bardelot
Page 4 : Épilogue. Le pilon magique.
4e de couverture
Souleymane Cissé
(London Film Awards, 2009).
© Caroline Penn/Corbis
Pilotage et coordination :
Jean-Yves Moirin, IGEN arts plastiques.
Pierre Laporte, responsable du suivi des enseignements
artistiques et littéraires à la DGESCO
Frédérique Lorenceau, directrice- adjointe de l’édition
Christophe Jouxtel, directeur-adjoint de l’édition, Estelle Beline,
chargée de mission arts plastiques, CNDP.
Édition et iconographie : Catherine Douçot.
Secrétariat d’édition : Julie Desliers-Larralde, Laétitia Pourel
Maquette : Michel Delon, Concordance(s)
© CNDP, dernier trimestre 2010
ISBN : 978-2-240-03176-1
ISSN : 755A3629
Avant-propos
Dans sa préface à l’ouvrage de Jean-Yves Ribault, Alain Erlande-Brandebourg, Directeur des Archives de France, faisait très justement remarquer la place trop longtemps en retrait réservée à
la cathédrale de Bourges dans l’histoire de l’architecture gothique et cela malgré un parti-pris
architectural et technique jugé révolutionnaire par Robert Brauner dans l’étude qu’il lui consacra
en 1962.
La cathédrale Saint-Étienne de Bourges, inscrite depuis décembre 1992 au patrimoine mondial de
l’Unesco, présente, entre autres particularités, celle du traitement original de ses volumes et l’absence de transept mais aussi la parfaite conservation d’une grande partie de ses vitraux originaux
du XIIIe siècle.
Toute la plastique de la cathédrale, tant dans l’expression générale que dans le moindre détail,
est subordonnée aux modalités d’emploi de la lumière qui en chaque circonstance sont aussi différentes que les effets qui en découlent. Il est évident que le « Maître de Bourges », architecte
anonyme mais de génie, a su accorder chaque forme architecturale à ces conditions particulières
d’éclairement.
Par leur position dans la cathédrale et pendant que la lumière solaire scande les heures, les vitraux
déterminent un éclairage qualifié pour chaque moment du jour et de l’année. Les parois murales
gothiques percées de vastes espaces ajourés en appellent à l’art du contraste et du contrejour et
laisse le vitrail régler la quantité de lumière diffusée. Là où la fenêtre répond aux nécessités plastiques d’éclairement de l’extérieur vers l’intérieur, la vitrerie inscrit la polychromie de la narration
et de l’ornementation. La surface ainsi animée organise le vide de cet espace plan. Cette habile
confrontation d’ombres et de lumières permet à l’image d’y développer ses complexités. Désormais, le vitrail se substitue au mur peint roman et devient mur de lumière.
Grâce à l’étude de la vitrerie consacrée à la parabole du Bon Samaritain, le lecteur est amené à
prendre contact avec un art dont la complexité narrative et symbolique doit se plier aux exigences
techniques pour aboutir à ce que Focillon nommait « un tableau transparent », mais où le rendement inégal des couleurs intervient dans l’effet d’ensemble.
Cela conduit à mieux appréhender l’entreprise spirituelle et collective, lien entre une construction
et le climat intellectuel d’une époque. La parabole, récit central, demande attention et quelques
clés de lecture. Celle du vitrail du Bon Samaritain présente une exception comparée à la plupart
des vitraux qui lui sont contemporains. C’est en partant de ce constat d’exception que l’exégèse
iconographique à laquelle se livre l’auteur doit être perçue mais aussi sous un aspect méthodologique transférable aux vitreries d’autres cathédrales afin d’offrir à chacun l’expérience sensible,
symbolique et spirituelle de ce lieu
Prendre acte n’est pas nécessairement prendre parti. Comme le note Régis Debray dans son introduction au séminaire de novembre 2002 sur le fait religieux, il ne s’agit pas d’introniser la théologie en matière obligatoire, mais de considérer que la connaissance des religions comme celle de
l’athéisme fait partie de la culture. Il s’agit d’éclairer de manière circonstanciée ses incidences sur
l’aventure humaine et de s’en tenir au religieux comme terrain d’observation et de réflexion sur ce
qui relève des connaissances communes.
L’exploration d’un monde symbolique est ainsi inscrite dans le cadre d’une laïcité éclairée.
Les enseignements artistiques doivent permettre à chacun d’être attentif à la manière dont chaque
civilisation a tenté de symboliser son propre rapport au monde.
Jean-Yves Moirin,
Inspecteur général de l’Éducation nationale
Arts plastiques
Sommaire
5
La Parabole du Bon Samaritain
23
Le vitrail contemporain
41
Technique du vitrail
45
Glossaire
47
Bibliographie
48
Sitographie
Présentation du DVD
Sommaire des encadrés 9 Le sens de lecture des images au Moyen Âge
19
43
Clés pour lire une verrière médiévale 23 L’apparition du jaune d’argent
« Avoir toujours un fer au feu »
La Parabole du Bon Samaritain
Lecture d’un vitrail :
la parabole du Bon Samaritain
Introduction
édifice, en style gothique (on disait alors opus
Le vitrail peut être défini comme une clôture
francigenum, autrement dit « construction à la
translucide portant un décor. Cet art complet
française ») était donc, en quelque sorte, une
associe trois métiers différents : celui du ver-
manifestation de l’appartenance du Berry au
rier, du maître-verrier et du serrurier. Le verrier
royaume de France, avec l’emploi d’un type de
fabrique les feuilles de verre, colorées ou non. Le
construction apparu quelques années plus tôt à
maître-verrier réalise le vitrail (choix de verres,
Saint-Denis, Paris ou Chartres.
coupe, peinture et mise en plomb). Enfin, le ser-
Un volume architectural
propice à la lumière
rurier fabrique les éléments métalliques nécessaires à la pose de la verrière.
Le vitrail est né dès la fin de l’Antiquité et le Haut
Moyen Âge (compositions translucides trouvées
La cathédrale de Bourges offre une interprétation très originale et ambitieuse de l’architecture
à Pompéi). Il a pris son essor au moment du plus
gothique : elle présente un espace allongé, divisé
grand développement de l’architecture romane,
longitudinalement en cinq vaisseaux ; à l’est,
puis de l’architecture gothique en France, dans
l’édifice se termine en arrondi, les vaisseaux laté-
l’Empire (actuels pays de Hollande, Belgique,
raux se rejoignant pour former un double déam-
Allemagne, Suisse et Autriche), en Italie, en
bulatoire. L’originalité réside dans le traitement
Espagne et en Grande-Bretagne.
des volume, à l’intérieur, le vaisseau central étant
Après une période de déclin, l’art du vitrail a
très largement ouvert sur les vaisseaux collaté-
connu un renouveau dès la fin du XIX siècle dans
raux par de très hautes arcades. Aussi, les baies
les édifices civils comme religieux. La France
(fenêtres) sont-elles réparties pour offrir trois
conserve soixante pour cent du patrimoine mon-
niveaux d’éclairement : les baies des collatéraux
dial de vitraux anciens. À côté d’édifices qui ne
bas (dont seulement quelques-unes ont subsisté,
possèdent plus qu’un vitrail, certaines églises,
en raison de l’ouverture des chapelles aux XVe-XVIe
comme la cathédrale Saint-Étienne de Bourges,
siècles), les baies hautes des collatéraux intermé-
sont encore dotées de nombreuses verrières.
diaires et les fenêtres hautes.
e
La cathédrale
Saint-Étienne de Bourges
La cathédrale Saint-Étienne de Bourges a été
construite entre 1195 et 1324, dans une ville qui
se trouve aujourd’hui au centre de la France mais
Par ces dispositions, l’architecte anonyme de la
cathédrale, le « maître de Bourges », a su créer,
pour le visiteur, une impression de continuité des
espaces où la lumière circule de façon homogène.
Les commanditaires de Bourges
siècle, était à la pointe sud
La construction de la cathédrale a été financée
des terres administrées directement par le roi de
par des donations de l’archevêque de Bourges,
France (les parties du royaume encore plus au
des chanoines regroupés au sein du chapitre, et
sud relevaient certes du roi mais étaient admi-
des fidèles. Le roi de France lui-même, Philippe le
nistrées par des seigneurs locaux). L’immense
Bel a offert une somme importante pour l’achè-
qui, à la fin du
XIIe
5
La Parabole du Bon Samaritain
E
6
1
S
s’être déroulée plutôt de l’est vers l’ouest, avec
Christ
une progression en partie niveau par niveau.
En même temps que la cathédrale se construi-
O
3
Sa
4
sait, les commanditaires de l’édifice, l’arche-
int
5
vêque et les chanoines se préoccupaient de son
Vierge
Saint-Étienne
D
E
Apôtres + Évangélistes
Saints
C
décor : les sculptures en haut et bas-relief qui
Archevêques
Évêq
ue s
s
Prophètes de l'Ancien Testament
N
Vierge
B
vement de la façade. La construction semble
A
2
ornent les différents portails et les vitraux qui
viennent fermer ses fenêtres.
Des verrières narratives et iconiques
remarquablement conservées
K
La cathédrale de Bourges, comme celle de Chartres, a conservé une grande partie de ses vitraux
J
originauxdu
XIIIe
siècle. Lorsque, par la suite, de
puissantes familles de Bourges ont fait édifier,
entre les culées* des arcs-boutants, des cha-
F
pelles privées, ces dernières ont aussi été dotées
de vitraux à la fin du Moyen Âge (XVe siècle) ou
à la Renaissance (XVIe siècle), pour la plupart en
bon état de conservation. L’un d’eux date du
début du XVIIe siècle.
Le visiteur perçoit très bien la différence entre
les vitraux plus tardifs, des
ceux du
G
XIII
e
XVe
et
XVIe
siècles, et
siècle. Dans ceux-ci, placés dans les
fenêtres basses, les formes sont plus menues
L
et les couleurs plus intenses ; chaque verrière
« raconte » une séquence d’une histoire ou tisse
I
des liens entre plusieurs histoires. Ce type de
vitrail s’inscrit dans les « œuvres narratives ».
Les verrières hautes du
XIIIe
siècle situées autour
du chœur sont aussi très colorées, mais occupées
par des grands personnages. Dans les fenêtres
hautes de la nef et du collatéral intermédiaire,
les verrières sont en grande partie des grisailles*
anciennes, avec seulement quelques zones coloA.
B.
C.
D.
E.
F.
G.
H.
I.
J.
K.
Vitraux A à N
Chapelle d’axe (vie de la Vierge), XVIe siècle
Vitrail Bon Samaritain, XIIIe siècle
Chapelle Jacques-Cœur (Annonciation), XVe siècle
Chapelle Trousseau, XVe siècle
Chapelle du Breuil, XVe siècle
Chapelle de Bar, XVIe siècle
Chapelle de Beaucaire, XVe siècle
Chapelle Montigny, XVIIe siècle
Vitrail Coppin, vitrail de Jean Lecuyer, XVIe siècle
Chapelle Tullier, vitrail de Jean Lecuyer,XVIe siècle
Chapelle Aligret, XVe siècle
rées. Les verrières basses des XVe et XVIe siècles sont
globalement plus claires ; leurs personnages, de
grande stature, représentés dans des niches, sont
figés, comme des sculptures ou des panneaux
peints. Ces verrières ont une « valeur iconique » :
elles sont là pour inciter les fidèles à se recueillir et
à adresser leurs prières aux saints. Le cas échéant,
des parties narratives se trouvent reportées dans
les ajours* des tympans, en partie haute.
e
1.
2.
2.
4.
5.
Vitraux du XIII siècle
Nouvelle Alliance
Parabole de l’Enfant prodigue
Parabole du Bon Samaritain
Histoire des reliques de Saint-Étienne
Parabole de Lazare et du mauvais riche
Le Bon Samaritain
À l’époque de la construction de la cathédrale
de Bourges et de la réalisation de sa vitrerie, la
tradition du vitrail est déjà établie. Les verrières
La Parabole du Bon Samaritain
du chœur de l’abbaye de Saint-Denis, les vitraux
de la façade ouest de la cathédrale de Chartres
ou ceux du
XIIe
siècle de la partie romane de la
cathédrale du Mans sont d’importants exemples antérieurs aux vitraux de la cathédrale de
Bourges. Ils comportent tous un large encadrement, très décoré ; les panneaux sont structurés
en médaillons ou en scènes inscrites dans des
carrés. Ils ont une fonction narrative, l’ensemble
des médaillons permettant de reconstituer la
légende d’un saint, des scènes bibliques, ou
d’offrir une lecture des dogmes chrétiens. Il en
va de même pour le vitrail du Bon Samaritain.
La lecture des vitraux anciens nécessite de la
patience : les médaillons sont nombreux, les personnages petits. L’effet d’ensemble, par la vivacité des couleurs, peut suffire à occuper quelque
temps l’œil du spectateur et à l’émerveiller par
la minutie des détails. Mais entrer dans un tel
vitrail demande quelques clés de lecture. Des
jumelles peuvent aussi faciliter cette démarche.
Le « catéchisme des illettrés »
Le vitrail du Bon Samaritain raconte une histoire
qui repose sur un texte des Évangiles (littéralement : « bonne nouvelle » – c’est-à-dire les récits
de la vie et des enseignements de Jésus, écrits
peu après sa mort). Il s’agit ici d’un passage de
l’enseignement de Jésus rapporté par saint Luc
(chapitre X, versets 25 à 37). Ce court passage
est une parabole (le mot, d’origine grecque,
signifie « comparaison »), une histoire concrète,
un cas pratique que Jésus relate à ses auditeurs
de l’époque, pour leur faire comprendre l’enseignement de Dieu, son amour, ou la façon dont
il faut se comporter. Aujourd’hui encore, cette
parabole est lue à la messe, le 15e dimanche
ordinaire de l’année liturgique C, pour les catholiques. Il s’agit d’une parabole morale comparant différentes conduites humaines en fonction
d’une situation donnée. D’autres paraboles, qui
commencent souvent par les mots : « Le Royaume
des cieux est semblable à… », proposent toute
sorte de comparaisons ou d’images pour que les
chrétiens approchent la réalité de Dieu.
À l’époque où les vitraux de Bourges ont été réalisés, les textes de la Bible et ceux de l’Évangile
étaient lus par les clercs, nom donné aux religieux au Moyen Âge. Saint Augustin (354-430),
a expliqué en quoi les paraboles parlent de Dieu
et sont une approche vers lui. Ses écrits ont
ensuite été abondamment lus et commentés.
Au Moyen Âge, les principaux textes bibliques
étaient connus des laïcs mais les clercs allaient
au-delà d’une simple lecture : ils étudiaient
chaque ligne, chaque mot. Pour un texte d’évangile, ils recherchaient, dans l’Ancien Testament,
des passages qui pouvaient être mis en regard
de ce dernier, en constituer une annonce ou
présenter un épisode analogue. Ils cherchaient
aussi à dire comment ce texte peut constituer un
enseignement pour les chrétiens. Ces comparaisons étaient développées dans les sermons.
Les vitraux de la cathédrale doivent être regardés
en tenant compte de ces données historiques et
intellectuelles. Leur complexité iconographique,
qui relie des épisodes des Évangiles à ceux de
l’Ancien Testament, s’explique ainsi.
mettre Jésus à l’épreuve, un docteur de la
“LoiPour
lui posa cette question : « Maître, que dois-je
faire pour avoir part à la vie éternelle ? » Jésus lui
demanda : « Dans la Loi, qu’y a-t-il d’écrit ? Que
lis-tu ? » L’autre répondit : « Tu aimeras le Seigneur
ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute
ta force et de tout ton esprit, et ton prochain comme
toi-même. » Jésus lui dit : « Tu as bien répondu. Fais
ainsi et tu auras la vie. » Mais lui, voulant montrer
qu’il était un homme juste, dit à Jésus : « Et qui donc
est mon prochain ? »
Jésus reprit : « Un homme descendait de Jérusalem
à Jéricho, et il tomba sur des bandits ; ceux-ci, après
l’avoir dépouillé, roué de coups, s’en allèrent en le
laissant à moitié mort. Par hasard, un prêtre descendait par ce chemin ; il le vit et passa de l’autre côté.
De même, un lévite arriva à cet endroit ; il le vit et
passa de l’autre côté. Mais un Samaritain, qui était en
voyage, arriva près de lui ; il le vit et fut saisi de pitié.
Il s’approcha, pansa ses plaies en y versant de l’huile
et du vin ; puis il le chargea sur sa propre monture,
le conduisit dans une auberge et prit soin de lui. Le
lendemain, il sortit deux pièces d’argent et les donna
à l’aubergiste en lui disant : « Prends soin de lui ; tout
ce que tu auras dépensé en plus, je te le rendrai quand
je repasserai. » Lequel des trois, à ton avis, a été le
prochain de l’homme qui était tombé entre les mains
des bandits ? » Le docteur de la Loi répond : « Celui
qui a fait preuve de bonté envers lui. » Jésus lui dit :
« Va, et toi aussi, fais de même. »
”
Texte de l’Évangile selon saint Luc.
Chapitres X , versets 25-37 (version de l’Association
épiscopale liturgique pour les pays francophones).
7
8
La Parabole du Bon Samaritain
La Parabole du Bon Samaritain, œuvre attribuée au
Maître de Bourges, XIIIe siècle, 6 m x 1,20 m.
Médaillons centraux : La Parabole du Bon samaritain
A
Au centre : la parabole
Dans le vitrail de Bourges, l’histoire est racontée
dans les médaillons situés au milieu, sur l’axe
vertical du vitrail. Tout comme dans une façade,
la place centrale est en effet la meilleure. Les
vitraux se lisent ici de haut en bas, pour évoquer
la chute liée au péché originel.
Dans le médaillon du haut (A), un homme part
en voyage : il quitte Jérusalem. Les deux éléments principaux sont la ville et l’homme.
B
C
D
E
Dans le deuxième médaillon (B) le voyageur est
roué de coups : il est représenté torse nu, au
moment où il est bastonné par quatre hommes.
En fait, ce médaillon devrait logiquement être
interverti avec celui qui le suit car, ce n’est que
dans le troisième médaillon que le voyageur est
dépouillé, privé de sa tunique et de ses chausses.
L’erreur provient sans doute d’une ancienne
dépose de la verrière, pour son entretien, puis
d’une mauvaise repose, car elle est avérée
depuis 1840.
Dans le troisième médaillon (C), l’homme est
détroussé : un individu à tunique rouge le maintient et lui enlève sa tunique verte ; le soldat
à droite de la scène lui a déjà pris ses chausses
rouges. Un personnage en blanc tient un bâton
et surveille la scène, à gauche de l’image. Un
arbre, au tronc blanc, à trois branches chargées
de feuillages, sert de cadre à la scène. On aperçoit quelques rochers.
Dans le quatrième médaillon (D), le blessé, torse
nu, est allongé, toujours sous l’arbre aux trois
branches, sur la droite du médaillon. Un prêtre
(vêtu d’une chasuble et d’une étole) et un diacre
(portant la dalmatique*) passent à proximité et
le désignent mais ne s’arrêtent pas. Ces deux
personnages représentent, pour les contemporains de Jésus, des gens « bien », du point de vue
social comme du point de vue religieux.
Le médaillon inférieur (E), de plus grand diamètre est subdivisé thématiquement en trois parties : dans la partie haute, le blessé, pourvu d’un
turban, est juché sur le cheval d’un Samaritain
qui l’a secouru et l’amène chez un aubergiste.
La Parabole du Bon Samaritain
Le Samaritain tend de l’argent à ce dernier, pour
qu’il prenne soin du blessé. Or, dans la culture
judaïque à l’époque du Christ, le Samaritain personnifiait l’étranger dont les croyances diffèrent
de celles des juifs et qui éveille leur méfiance. Les
scènes de la partie intermédiaire se rattachent
aux médaillons latéraux (à gauche, la Flagellation, à droite : la Crucifixion)
Dans la partie basse (E), deux personnages travaillent à un métier à tisser, dont la chaîne est
tendue horizontalement. De part et d’autre, des
corbeilles sur pied contiennent des écheveaux.
Cette représentation n’a pas de rapport avec la
parabole du Bon Samaritain, mais elle est traditionnelle : les deux tisserands représentent
la corporation des tisserands qui ont financé la
réalisation de ce vitrail.
On note que le concepteur du vitrail a fait des
choix significatifs pour illustrer la parabole : l’attaque des bandits est traitée en deux médaillons,
tandis que les personnages qui passent sans
porter secours au blessé sont regroupés en une
seule scène et transposés en personnages du
début du XIIIe siècle. En revanche, toute la fin de
l’histoire est concentrée en un médaillon, et ne
présente pas le moment où le Samaritain s’arrête et soigne le blessé au bord de la route.
(A) Un homme
part en voyage
(B) L’homme est
roué de coups
(C) L’homme est détroussé
Le sens de lecture des images
Au Moyen Âge, il y a encore peu de
normalisation. Un livre, qui est alors manuscrit,
se lit comme aujourd’hui de gauche à droite.
Mais pour une peinture murale ou un vitrail,
il n’y a pas de code universel. Habituellement,
le vitrail se lit de bas en haut comme les tympans
des portails lorsqu’ils ont des registres* ; il peut
aussi se lire à l’inverse, de haut en bas. Mais
certaines œuvres se lisent de gauche à droite,
puis de droite à gauche, et de nouveau de
gauche à droite, l’œil suivant un cheminement
continu : c’est ce qu’on appelle la lecture en
boustrophédon (du grec « à la manière dont les
bœufs tournent en labourant »), attestée par
exemple pour certaines inscriptions grecques
très anciennes. Aujourd’hui, avec la diffusion des
mangas, nous savons que les livres ne se lisent
pas tous dans le sens « occidental ». Le vitrail
du Bon Samaritain ne suit pas le sens de lecture
le plus courant pour les vitraux du XIIIe siècle.
À Sens également, le vitrail du Bon Samaritain
se lit de haut en bas (voir p. 19).
9
(D) Deux religieux passent
devant l’homme blessé et nu,
sans le secourir
(E) Partie supérieure : l’homme, à cheval, devant l’auberge ;
Au milieu : à gauche la Flagellation ; à droite la Crucifixion ;
Partie inférieure : deux personnages travaillent sur un métier à tisser.
10
La Parabole du Bon Samaritain
La Parabole du Bon Samaritain, œuvre attribuée au
Maître de Bourges, XIIIe siècle, 6 m x 1,20 m.
Médaillon latéraux : L’histoire chrétienne du Salut
Sur les côtés : l’histoire chrétienne
de la création et du Salut
La verrière du Bon Samaritain ne se résume pas
au récit principal. Sur les côtés, des demi-cercles
abritent eux aussi des scènes bibliques. Elles
A
racontent, en quelques épisodes marquants,
l’histoire chrétienne du Salut et comportent des
épisodes de l’Ancien et du Nouveau Testament.
La lecture se fait ici d’une façon assez originale,
qui n’obéit pas à une règle vraiment fixe. Étant
donné les formes différentes et dissymétriques
des quarts de cercle, on ne peut pas supposer
d’erreur de remontage, les panneaux n’étant
pas interchangeables entre eux, contrairement
aux médaillons circulaires de l’axe central.
B
Une première série de demi-médaillons (A) est
située entre le départ du voyageur et le premier
médaillon de l’agression. La lecture se fait dans
ce premier groupe selon un schéma en S.
Dans le premier quart en haut à droite, Dieu
crée les anges. Cette scène évoque la séparation
des ténèbres d’avec la lumière et la création de
la lumière, au premier jour de la Genèse (cha-
C
pitre I, versets 3-5). Ensuite, dans l’ordre de l’histoire, vient le médaillon en haut à gauche, dans
lequel Dieu crée le soleil et la lune (quatrième
jour, selon le récit de la Genèse, chapitre I, versets 14-19). Puis au deuxième quart à droite :
Dieu crée Adam (sixième jour, selon le récit de
la Genèse, chapitre II, versets 4-7). Le quatrième
D
quart de cercle figure la création d’Ève également au cours du sixième jour (Genèse, chapitre II, versets 21-23).
La deuxième série de demi-médaillons (B) se
trouve entre les deux scènes d’agression. Le sens
de lecture suit un X. L’histoire de la création se
poursuit avec le récit de la faute commise par
Adam et Ève au Paradis.
Premier quart en haut à gauche : Dieu installe
E
Adam et Ève au Paradis (Genèse, chapitre I, versets 38-41). Deuxième quart en bas à droite :
Dieu ordonne à Adam et Ève de prendre soin
des animaux (Genèse, chapitre II, versets 19-20).
Troisième quart en haut à droite : tentés par le
serpent (un immense serpent rouge au corps
La Parabole du Bon Samaritain
1
2
(A) Lecture en S
La séparation des ténèbres
et de la lumière et la création de la
lumière, au premier jour de la
Genèse
1. Dieu crée les anges
2. Dieu crée le Soleil et la Lune
3. Dieu crée Adam
4. Dieu crée Ève
3
4
(B) Lecture en X
Le récit de la faute
5. Dieu installe Adam et Ève au
Paradis
6. Dieu ordonne Adam et Ève de
prendre soin des animaux
7. La tentation et la faute
8. Dieu cherche Adam et Ève qui se
cachent
(C) Sens de lecture courant
Le récit de la faute (fin)
9. Dieu chasse Adam et Ève
du Paradis
10. Un ange ferme les portes
du Paradis
9
5
7
8
6
10
11
12
La Parabole du Bon Samaritain
(D) Lecture en U
Livre de l’Exode
11. Dieu apparaît à Moïse
dans un buisson ardent
12. Les Hébreux apportent
à Aaron des bijoux
13. Les Hébreux adorent
le veau d’or
14. Moïse furieux casse
les tables de la Loi
11
14
12
13
15
16
17
18
(E) Sens de lecture courant :
La Passion
15. Flagellation
16. Crucifixion
17. Boureau flagellant le Christ
18. Saint Jean recueillant Marie
dans ses bras
sinueux), Adam et Ève mangent le fruit défendu
de cercle situés sous eux. Troisième quart en bas
(Genèse, chapitre
à gauche : Dieu apparaît à Moïse dans le Buisson
III,
versets 1-6). Quatrième
quart en bas à gauche : Dieu cherche Adam et
ardent (Exode, chapitre III). Moïse est dans une
Ève qui se cachent après la faute (Genèse, cha-
attitude de conversation animée. On aperçoit
pitre III, versets 7-13).
sur les côtés de sa tête deux cornes discrètes.
Dans le quart de cercle isolé, à gauche, appa-
Dans la troisième série de demi-médaillons (C),
raît une iconographie rare : les Hébreux appor-
un registre (un niveau horizontal qui se lit de
tent à Aaron (frère de Moïse) des bagues et des
gauche à droite) est consacré à la fin de l’histoire
boucles de ceinture en matériaux précieux, or et
de la Chute. Premier quart en haut à gauche :
argent, afin d’avoir le métal nécessaire à la fonte
Dieu chasse Adam et Ève du Paradis (Genèse,
du Veau d’Or (Exode, chapitre XXXII, versets 2-3).
chapitre III, versets 23-24). Deuxième quart en
Dans cette scène figure la seule inscription de la
haut à droite : un ange armé d’une épée ferme
verrière : « Aaron » (dans un bandeau, assez peu
les portes du Paradis (Genèse, chapitre III,
lisible, sous la représentation du personnage).
verset 24). Les deux quarts inférieurs appar-
La suite se lit au quart de cercle sur la même
tiennent à une autre histoire, racontée dans le
ligne à droite (D) : les Hébreux adorent le Veau
deuxième livre de la Bible : l’Exode. Ils forment
d’Or, placé sur une colonne (Exode, chapitre
un schéma de lecture en U avec les deux quarts
XXXII,
versets 4-6).
La Parabole du Bon Samaritain
Enfin, au quart de cercle situé au-dessus, à
droite, Moïse, furieux de trouver les Hébreux en
adoration devant le Veau d’Or, casse les Tables
de la Loi dans sa colère (Exode, chapitre
XXXII,
versets 19-20). Sur cette dernière image, Moïse,
qui a rencontré Dieu sur le mont Sinaï, a, selon
le texte biblique, le front rayonnant de lumière :
saint Jérôme, premier traducteur de la Bible
de l’hébreu en latin, a traduit le verbe qaran
(« resplendir ») apparenté au mot qèrèn (« les
cornes »), par « cornu ». L’artiste, comme nombre
de ses prédécesseurs et bien d’autres après lui,
a donc représenté Moïse pourvu de cornes, qui
sont devenues son attribut dans l’iconographie
du Moyen Âge.
De part et d’autre de l’arrivée à l’auberge (E), la
verrière présente la Flagellation du Christ et la
Crucifixion, épisodes de la Passion relatés dans
La Parabole du Bon Samaritain (détail).
Personnage nu chevauchant un oiseau.
le Nouveau Testament, qui constituent le nœud
de l’histoire du Salut.
Les parties ornementales,
l’image et son cadre
Le décor
Chaque médaillon comporte un cerclage composé de trois parties : un filet interne rouge, un
filet intermédiaire blanc et le cerclage, par la
barlotière*, noir.
Entre les médaillons, des panneaux décoratifs,
dits panneaux mosaïques, sont composés de cercles, avec des quartiers alternativement rouges
et bleus, se détachant sur une sorte de losange
curvilinéaire jaune. Ces motifs rappellent les
carreaux de pavement en terre cuite contemporains de la verrière. On les retrouve aussi sur
certains morceaux de verre peint employés pour
décorer le relief de la Crucifixion, provenant du
jubé*, qui se trouve dans la crypte de la cathédrale de Bourges.
Tout autour de la baie, un encadrement est
composé d’un entrelacs de tiges blanches, semblant sortir, à la manière romane, de la gueule
d’un cochon et se développant autour d’une
tige verte axiale ; des feuillages stylisés rouges
et verts, occupent l’intérieur de la mandorle*
délimitée par les tiges blanches, tandis que
des petites feuilles jaunes viennent animer des
écoinçons* à l’extérieur des mandorles.
Dans les deux angles inférieurs de la verrière,
des personnages nus chevauchent des cigognes ;
ces représentations ne s’inscrivent pas dans le
sens général de la verrière tout comme les petits
sujets en marge des manuscrits sans lien direct
avec le texte ou les reliefs animaliers et les scènes
humoristiques qui se retrouvent dans le décor
sculpté des églises. Ces illustrations « en marge »
sont caractéristiques du monde médiéval, sorte
de contrepoint aux réflexions savantes. Dans la
verrière, il y a donc une nette prédominance des
parties illustrées et historiées par rapport aux
zones décoratives.
La question du cadre
Contrairement à ce que l’on a parfois écrit, le
cadre de l’image ne constitue pas, à l’époque
médiévale, une barrière infranchissable pour
les personnages. Le vitrail du Bon Samaritain le
démontre à plusieurs reprises.
Tout d’abord, les pieds de nombreux personnages, et certains accessoires, prennent appui
sur le filet rouge (et parfois aussi sur le filet
blanc) du médaillon : le bâton du voyageur,
dans la première scène ; le nimbe* de Dieu
dans le premier « quartier » de l’histoire de la
Genèse ; le croissant de lune que Dieu accroche
dans le ciel, dans le deuxième « quartier », etc.
Dans les deux scènes de l’attaque du voyageur,
les pieds des agresseurs et leurs bâtons chevauchent eux aussi les filets. Quand les deux religieux passent leur chemin, ce sont les pieds du
diacre qui, en franchissant le filet, cherchent à
13
14
La Parabole du Bon Samaritain
la robe de Dieu dans la scène de la création des
astres et une autre pour la tunique du bourreau
flagellant le Christ, en bas du vitrail. Les pièces
de verre blanc, ici assez discrètes, équilibrent le
vitrail en l’éclaircissant et en séparant les couleurs les unes des autres. De loin, ou sur une
reproduction, l’effet de mosaïque domine. Les
grandes plages rouges se détachent tandis que
les parties bleues unifient la verrière. Quelques
détails dénotent des restaurations, comme par
exemple le morceau d’auréole crucifère rose de
Dieu, dans la scène de la création d’Ève.
Une représentation de convention
L’évocation du paysage ou du cadre des scènes
La Parabole du Bon Samaritain (détail).
Dieu crée le Soleil et la Lune.
répond à des conventions utilisées dans les arts
figurés du Moyen Âge : enluminure ou peinture
murale. Ainsi les tours de la ville de Jérusalem
mettre de la distance entre le blessé et les deux
ecclésiastiques.
Un exemple assez exceptionnel se trouve tout
en haut de la verrière : parmi les bâtiments qui
composent la ville de Jérusalem, une tour à toi-
dans le premier médaillon, avec leurs petites
ture blanche est surmontée d’une grande croix
l’Antiquité tardive. Ils évoquent un Orient alors
jaune qui se détache sur toute la largeur de l’en-
mal connu, en dépit du déroulement des pre-
cadrement à rinceaux*.
mières Croisades.
Les empiétements les plus visibles se trouvent
coupoles, leurs portes munies de pentures* ou
le mur appareillé dans la scène de l’aubergiste
dérivent des représentations architecturales
figurant sur les mosaïques et les manuscrits de
Un traitement stylisé
dans les deux demi-médaillons de la Passion
L’atmosphère est représentée dans les deux
(voir p.12) : l’un des bourreaux de la Flagellation
premiers médaillons de la Création. Les anges
est placé hors du demi-cercle de la scène, sur le
semblent émerger de nuages blancs et Dieu,
côté du grand médaillon inférieur ; et saint Jean
qui accroche le soleil et la lune, se détache sur
recueille la Vierge dans ses bras, au moment de
deux registres de ciel, bordés de nuages blancs :
la Crucifixion, comme en marge du médaillon où
un registre rouge ponctué d’astres verts et un
est figuré le Christ. Certains historiens d’art ont
registre bleu constellé d’étoiles rouges. Partout
attribué ces sorties du cadre à un problème de
ailleurs, les scènes se dessinent sur un fond bleu
manque de place, l’artiste ayant peut-être mal
abstrait.
évalué la taille des compartiments nécessaires
Des arbres stylisés sont présents dans treize
au déroulement de l’ensemble des scènes.
médaillons sur vingt-deux. Les plus visibles sont
Questions de style, questions formelles
L’emploi des couleurs
ceux des deux médaillons figurant le voyageur
détroussé et le voyageur blessé au bord de la
route. Chaque branche se termine par un disque
La verrière est composée de nombreuses pièces
de feuillage, décomposé le plus souvent en un
de verre. Pourtant, la gamme des couleurs,
morceau central et une sorte de couronne de
certes vives, est restreinte : bleus, rouges et
couleur contrastée, interrompue par quatre
blancs dominent ; on note des pourpres, plus ou
fleurs ou fruits grenus.
moins soutenus et des verts. Les carnations des
Le sol est suggéré par des pierres rondes ou des
personnages (visages, membres laissés nus) sont
pièces de verre évoquant des quartiers de fruit,
en verre de teinte dite « pourpre rose », rappe-
ombrées de touffes d’herbe noire. Seul le sol
lant le ton chair. Les pièces de verre jaune sont
de la création d’Adam, en haut à droite de la
souvent de petite taille, avec une exception pour
verrière, est composé de mottes de différentes
La Parabole du Bon Samaritain
couleurs, avec une source au premier plan.
Il y a peu d’accessoires et de mobilier : Aaron est
assis sur une banquette à coussin ; la corbeille où
les Hébreux déposent leurs boucles d’or et d’argent est identique aux corbeilles des tisserands.
Seul détail simplement ornemental : une large
bande horizontale jaune, bordée de vert, anime
le fond de la Crucifixion.
La représentation des personnages
Sur les vingt-deux médaillons de la verrière, on
dénombre soixante-six personnages, y compris
les anges. Les attitudes sont variées, avec des
gestes évoquant des mouvements ; les jambes
sont jointes ou écartées, dans des attitudes de
marche ou de danse. Les visages sont principalement de trois quarts ou de profil, les cheveux
La Parabole du Bon Samaritain (détail).
La tentation et la faute.
stylisés en mèches et les yeux parfois très grands
comme ceux du voyageur blessé. Les oreilles
de sculptures antiques : ce style est souvent uti-
ont une facture caractéristique, en palmette tri-
lisé par les artistes entre 1180 et 1230, donc à
lobée*. Les vêtements sont soit des robes longues, avec un manteau passé sur l’épaule (qui
la période de réalisation de la verrière du Bon
Samaritain. Plus tard, au milieu du XIIIe siècle, les
est le vêtement traditionnel du Christ dans les
plis des vêtements reprennent de l’ampleur, et
représentations romanes et gothiques), soit des
certains, plus creux, se cassent en formant une
tuniques courtes pour les hommes au travail et
sorte de bec.
les voleurs, soit des habits plus typés, comme
ceux des ecclésiastiques, ou la cotte de mailles
Le « maître du Bon Samaritain »
pas sûr que le verrier ait voulu suggérer qu’ils
Par ses caractéristiques, l’auteur de cette verrière demeure un homme assez « traditionnel »,
comparé aux auteurs de l’histoire des reliques
de saint Étienne ou la verrière de la Nouvelle
Alliance (voir portfolio du DVD) par exemple.
Ses drapés sont un peu « à l’ancienne », ses arbres
très schématisés ; on retrouve un type de visage
similaire dans la verrière de l’Apocalypse et la
même palette chromatique dans la verrière de
la Passion. Les historiens d’art, après avoir supposé que cet artiste s’était formé dans l’Ouest
de la France, pensent maintenant qu’il avait travaillé à Semur-en-Auxois, en Bourgogne.
À l’époque, les artistes signaient rarement leurs
œuvres mais certains le faisaient, en particulier
les sculpteurs et les orfèvres. Quand les historiens d’art sont d’accord pour reconnaître la
main d’un individu dans une œuvre ou un groupe
d’œuvres, ils lui donnent un nom de convention,
parlaient.
partant de la plus remarquable d’entre elles. Le
Les drapés sont encore en partie schématisés,
verrier qui a créé les verrières de la Passion, de
à la façon des années 1170, avec des plis en « V
l’Apocalypse et du Bon Samaritain à Bourges
emboîtés » ; mais on note aussi des tentatives
est ainsi connu sous le nom de « maître du Bon
de plis souples, inspirés soit de la réalité, soit
Samaritain ».
d’un soldat.
Les sentiments sont exprimés par certains gestes
ou attitudes : dans le médaillon où les dignitaires passent auprès du voyageur blessé, ce
dernier porte la main à sa joue, dans un geste
qui sert aux artistes du Moyen Âge à exprimer
la douleur. Le prêtre et le diacre regardent le
blessé, mais leurs pieds dirigés dans l’autre sens
montrent bien qu’ils vont passer leur chemin.
Dans les autres scènes, les bras se tendent pour
exprimer la tâche en cours et pour montrer,
donner ou signaler qu’un personnage parle.
Les représentations anatomiques sont simplifiées ; les émotions sont révélées par les gestes
et les compositions, et non par les traits des
visages. Certains personnages de profil semblent avoir la bouche entrouverte, mais il n’est
15
16
La Parabole du Bon Samaritain
la vie ; les voleurs personnifient le démon et le
péché. Les deux dignitaires juifs sont assimilés à
l’ancienne Loi, incapable de racheter l’homme
de son péché. Le Bon Samaritain représente le
Christ Sauveur, et l’auberge est le lieu du Salut,
la nouvelle Église. La parabole peut aussi être
lue comme une incitation à pratiquer la charité : c’est le sens sur lequel l’Évangile de saint
Luc met l’accent. Nous avons noté dans la description du vitrail (p. 9) que l’attaque du voyageur est décrite à Bourges en deux médaillons,
alors qu’à Chartres et à Sens, un seul a suffi. Ce
parti pris n’est pas lié au souhait de dramatiser
le « fait divers », mais répond sans doute à la
volonté des concepteurs du vitrail de placer sur
La Parabole du Bon Samaritain (détail).
Dieu crée les anges.
les côtés dans un souci pédagogique davantage
de médaillons de l’Ancien Testament en lien
avec la parabole.
Une œuvre conçue
à des fins pédagogiques
La lecture des verrières de Bourges a attiré, de
bonne heure, les historiens de l’art et de la religion. C’est ainsi qu’a vu le jour qu’entre 1841 et
1844, un livre de 79 cm de haut et plus de 300
pages, illustré de magnifiques planches gravées
en couleurs, représentant en détail chacune des
verrières du XIIIe siècle de la cathédrale et les rapprochant d’autres verrières contemporaines.
Plus récemment, un couple d’historiens d’art,
Colette Manhès et Jean-Claude Deremble, a
consacré un ouvrage à trois verrières de la parabole du Bon Samaritain à Chartres, Sens et, naturellement, Bourges. Leur étude, plus détaillée
en ce qui concerne la verrière chartraine et
complétée par d’autres lectures, permet de bien
comprendre le vitrail berruyer.
S’il y a tant à dire sur ces œuvres, c’est que leur
conception n’a pas été le fait du verrier seul, ni
d’un artiste et d’un verrier. Pour certains historiens d’art, le programme a pu être élaboré par
un clerc, ou par quelqu’un de missionné par le
chapitre*, voire l’archevêque de Bourges luimême, pour déterminer le choix des scènes et
donner des directives sur la façon de les représenter.
Un résumé de l’histoire du Salut
La parabole du Bon Samaritain peut être lue
comme un résumé de l’histoire du Salut : le
voyageur évoque l’humanité, sur le chemin de
Un récit de la Création
Les scènes de la Genèse représentées sur les
registres latéraux sont en effet fréquentes dans
l’iconographie religieuse et reposent sur de
très anciennes traditions iconographiques. La
Genèse offre un récit de la Création et permet,
par là même, d’aider tout un chacun à se situer
dans l’histoire du monde et de l’humanité.
Le premier médaillon latéral représente la création des anges, sujet abondamment développé
par les clercs au Moyen Âge depuis le De caelesti
hierarchia (La Hiérarchie céleste, fin du Ve siècle)
du « pseudo-Denys ». Cet auteur était alors identifié avec un disciple de saint Paul et saint Denis,
premier évêque de Paris. Son ouvrage détermine différentes sortes d’anges, plus ou moins
proches de Dieu.
La création du soleil et de la lune (deuxième
médaillon) n’est pas un thème exceptionnel. On
en retrouve des représentations analogues dans
plusieurs récits en images ou en sculptures de
la Genèse. Un ensemble de mosaïques à la basilique Saint-Marc de Venise en est un des exemples fameux à l’époque romane.
Dans les deux scènes de la création de l’homme,
puis de la femme, la représentation de Dieu
modelant Adam dérive peut-être d’un manuscrit
brûlé en partie dans un incendie au
XVIIIe
siècle
et appelé « Genèse Cotton » (Londres, British
Library) du nom d’un de ses propriétaires au
XVIIIe
siècle, l’anglais John Cotton. Sans doute
La Parabole du Bon Samaritain
copié en Égypte du nord, au Ve siècle, cet
ouvrage comportait de très nombreuses illustrations de la Genèse et il a influencé quantité
de cycles carolingiens et romans de la Genèse,
et en particulier les mosaïques de Saint-Marc
de Venise, où Dieu modèle également une silhouette d’homme.
Les scènes figurant Adam et Ève au Paradis,
mangeant le fruit défendu, puis chassés, sont
importantes car elles témoignent de l’arrivée
du Mal dans le monde, selon une présentation
légendaire, et montrent que la responsabilité est
partagée entre l’homme et la femme, même si
la femme semble avoir eu l’initiative. Ces scènes
rappellent aussi au chrétien qu’il est pécheur.
Elles sont situées entre les deux médaillons de
l’attaque du voyageur, assailli par le péché.
Les scènes consacrées à Moïse sont également
assez fréquentes dans l’iconographie de cette
époque. Moïse a apporté de l’ordre dans le
monde, en transcrivant la loi divine. Mais les
Hébreux ne l’ont pas bien écouté, puisqu’ils ont
fait fabriquer le Veau d’Or. En choisissant de
représenter la colère de Moïse brisant les tables
de la Loi, après que les Hébreux ont fabriqué
le Veau d’Or, le concepteur du programme berruyer rappelle que la loi de l’Ancien Testament
n’a pas suffi au rachat de l’humanité.
La présentation parallèle d’épisodes de la Passion (Flagellation et Crucifixion) met en évidence
le sacrifice du Christ qui a racheté les hommes
pécheurs en mourant sur la croix.
Contexte intellectuel et religieux
des verrières de Bourges
La Parabole du Bon Samaritain (détail).
Dieu crée Adam.
au Talmud, recueil d’écrits des rabbins du Moyen
Âge, pour convertir ses anciens coreligionnaires
au christianisme. Il est probable que la connaissance poussée des textes rabbiniques, au sein du
chapitre et de l’école de la cathédrale, a infléchi
les deux cycles de la Genèse visibles à la cathédrale : celui des soubassements des portails occidentaux et celui du vitrail du Bon Samaritain,
et plus généralement l’ensemble des vitraux
du déambulatoire. Certaines scènes ne s’expliquent en effet qu’à la lumière de l’utilisation de
sources écrites juives.
Une parabole qui s’inscrit dans une suite
Bien des remarques pourraient encore être
tirées de l’observation du vitrail : la croix se
Comme dans toute ville épiscopale pourvue d’un
trouve sur le même axe vertical que deux de ses
évêché, il y avait à Bourges une école liée à la
antithèses : l’arbre de la connaissance, avec le
cathédrale. D’autre part, les sources anciennes
serpent enroulé autour, et le Veau d’Or.
mentionnent une communauté juive durant
Sur le même axe, on voit Dieu confier les ani-
siècle et la première
maux au couple des premiers hommes, pour
siècle. Plusieurs synagogues sont
qu’ils en prennent soin, et les hommes asservis
la deuxième moitié du
moitié du
XIII
e
XII
e
attestées dans le diocèse. Le musée de Bourges
au Veau d’Or.
conserve une stèle funéraire hébraïque datant
Dans l’ensemble des verrières du chevet de la
d’environ 1230 et un juif, converti par l’arche-
cathédrale de Bourges, celle du Bon Samaritain
vêque Guillaume du Donjon, a été ordonné
est placée en regard de celle de l’Apocalypse
diacre à la cathédrale. Ce personnage, connu
(par rapport à l’axe est-ouest de la cathédrale).
sous le nom de Guillaume de Bourges, est
Cela est un peu surprenant car, habituellement,
l’auteur d’un ouvrage polémique, Liber bellorum
il n’y a pas de mise en rapport de ces deux parties
Domini (Le Livre des guerres du Seigneur, daté
de la Bible. En revanche, deux autres paraboles
sans doute vers 1233), et de deux homélies.
sont visibles dans les baies nord du déambula-
Guillaume de Bourges s’appuie sur des références
toire : celle de Lazare et le mauvais riche, et celle
17
18
La Parabole du Bon Samaritain
de l’Enfant prodigue. Le vitrail du Bon Samari-
quatre scènes, elle est structurée en grands
tain s’inscrit donc dans une suite.
quadrilobes* qui présentent la parabole du
Bon Samaritain, puis les scènes de la Genèse,
Remarque sur l’état
de conservation des vitraux
jusqu’au meurtre d’Abel par son frère Caïn. Au
sommet de la verrière, Dieu est représenté en
Dans l’étude d’un vitrail, il importe aux histo-
majesté. Le médaillon central figure l’homme au
riens d’art de déterminer les pièces anciennes et
Paradis terrestre, donc sous le regard du Créa-
les pièces restaurées. En effet, les verrières ont
teur. Par là, l’iconographie chartraine souligne
subi les affres du temps (dégâts liés aux intem-
la place de l’homme dans le monde.
péries, à la dégradation des matériaux, aux
À Sens, le programme compte seize scènes.
accidents, au vandalisme, à la guerre…) et bon
Comme à Bourges, le sens de lecture se fait
nombre de réparations. Aux
XVIIe
XVIIIe
siècles,
de haut en bas, pour évoquer la chute liée au
celles-ci étaient faites
péché originel. La parabole est racontée dans
de pièces provenant d’autres verrières démon-
quatre médaillons. Des inscriptions, plus nom-
tées. On essayait d’harmoniser les morceaux de
breuses qu’à Bourges, sans être systématiques,
remplacement d’un point de vue esthétique,
viennent confirmer la lecture. Le cycle de la
ou de couleur, mais sans forcément respecter
Genèse ne comporte pas de scène de la Créa-
la date des morceaux et en opérant parfois des
tion, mais quatre épisodes de la faute originelle.
changements iconographiques.
L’Exode* est traité en quatre images mais avec
À partir de la Monarchie de Juillet, des ver-
une différence : la représentation de Moïse et
riers interviennent pour restaurer les panneaux
Aaron devant le Pharaon se substitue à la scène
dans un souci d’esthétique, mais aussi dans le
où les Hébreux apportent des bijoux à Aaron.
but de préserver l’homogénéité médiévale. Les
Enfin, le verrier a étendu le récit de la Passion à
verrières du déambulatoire de la cathédrale de
quatre scènes, comprenant la confrontation du
Bourges ont à ce titre fait l’objet d’interventions
Christ avec Pilate, et l’évocation de la Résurrec-
parfois étendues, avec remplacement de pièces
tion, par la scène des saintes femmes se rendant
de verre anciennes.
au tombeau du Christ au matin de Pâques, et le
Dans le cas du vitrail du Bon Samaritain, des opé-
trouvant vide. La verrière de Sens qui a égale-
rations d’entretien ont certainement eu lieu sous
ment pour thème le Salut poursuit quant à elle
l’Ancien Régime. Une seule restauration d’en-
le message jusqu’à la Résurrection.
ainsi qu’au début du
XIXe,
et
vergure, orchestrée par les ateliers Steinheil et
Coffetier, est attestée par les sources, entre 1855
et 1858. Elle a aussi concerné d’autres verrières
siècle : les plombs ont été changés et un
Au dessus des vitraux du déambulatoire, les
pourcentage plus ou moins important de pièces
baies du collatéral dans l’axe représentent le
a été remplacé. Comme l’ensemble des vitraux
Christ juge et la Vierge assise et, autour d’eux,
de la cathédrale de Bourges, la verrière a été
dix grandes figures de saints archevêques de
déposée de 1940 à 1946-1948. Depuis, elle a
Bourges, ainsi qu’un saint Laurent.
bénéficié de simples opérations de révisions (en
Dans les baies hautes de la nef centrale, les
particulier l’intervention du verrier Jean Mauret,
fenêtres d’axe comportent une Vierge à l’En-
dans les années 1980), mais pas de restauration
fant debout et un saint Étienne. À leur gauche,
fondamentale.
au sud, les dix-neuf verrières représentent les
du
XIIIe
Traitement comparé de la parabole
à Bourges, Chartres et Sens
1. Voir aussi le
portfolio du DVD..
Les autres verrières figuratives
du XIIIe siècle
apôtres, les deux évangélistes non-apôtres et
d’autres saints. À leur droite, au nord, dix-neuf
prophètes et patriarches sont figurés. Avec ces
Les trois verrières de Chartres, Sens et Bourges1
représentations de prophètes, d’apôtres et de
sont presque contemporaines. Seule celle de
saints archevêques qui enserraient le chœur de la
Chartres se lit de façon ascendante, de bas en
cathédrale, les chanoines, qui y célébraient leurs
haut. La verrière de Chartres est à plus grande
offices, avaient sous les yeux des modèles de sain-
échelle et placée plus haut. Comportant vingt-
teté à imiter. Le choix de placer les prophètes et
La Parabole du Bon Samaritain
patriarches de l’Ancien Testament au nord et les
apôtres et saints issus du Nouveau Testament au
sud est volontaire, indiquant ainsi la suprématie
du message du premier sur le second.
Le traitement est très différent si l’on compare
les verrières du déambulatoire et des chapelles
rayonnantes (très menues) et les très grands
personnages qui occupent les baies hautes,
pour de simples raisons de lisibilité, en fonction
des emplacements. Les verrières hautes ont sans
doute été mises en place vers 1215.
Cependant, les spécialistes en iconographie religieuse ne s’accordent pas sur l’existence, ou non,
d’un programme pour les verrières du déambulatoire de la cathédrale. Pour Yves Christe et
Laurence Brugger, « une interprétation globale
et cohérente des grandes verrières du déambulatoire paraît peu crédible ».
Certains historiens ont tenté de dégager des
cohérences : les deux verrières situées de part et
d’autre de l’axe, la verrière de la Nouvelle Alliance
et celle du Jugement dernier se répondent assurément. Du côté nord, on a ensuite trois paraboles
et l’histoire des reliques de saint Étienne. Du côté
sud, on trouve la Passion, l’Apocalypse et deux
verrières légendaires : l’une consacrée à saint
Thomas, l’autre au patriarche Joseph. On perçoit donc une nette symétrie entre les deux verrières légendaires des reliques de saint Étienne,
au nord, et de l’histoire de saint Thomas, au sud.
Globalement, les verrières du déambulatoire ont
trait à la Rédemption et au Salut.
Clés pour lire une verrière médiévale
•Repérerlesensdelecturegénérale:debas
en haut, en général, mais des exceptions
existent.
•Repérersilevitrailoffreuneseulethématique
(récit) ou si plusieurs histoires s’entremêlent
et se juxtaposent. Dans ce deuxième cas, il
y a normalement des correspondances entre
l’histoire principale et les histoires annexes.
•Confronterlevitrailet,sipossible,ses
sources.
•Repérerl’exploitationquelevitrailfaitdu
texte. En fait, cette exploitation s’appuie sur
une tradition iconographique, qui peut être
retrouvée dans d’autres œuvres : illustrations
de manuscrits de la Bible par exemple, ou
ornements sculptés.
•Repérerlespersonnages,lecadre.
Archevêque. Baies collatérales hautes.
Cathédrale de Bourges.
19
20
La Parabole du Bon Samaritain
Un exemple de chapelle privée :
la chapelle Jacques Cœur
2. Le portfolio
du DVD. propose
d'abondantes
reproductions des
autres chapelles
privées.
Au XIIIe siècle, les corporations participaient
financièrement au programme iconographique.
À partir du XIVe siècle, apparaissent des chapelles
privées2 représentant les riches donateurs en
personne, bien mis en valeur dans des portraits
raffinés au détriment du message théologique.
La plus remarquable des verrières du XVe siècle
est celle qui a été commandée par Jacques Cœur,
pour sa chapelle au nord du chœur. Les quatre
lancettes* sont occupées, au centre, par une
Annonciation représentant la Vierge Marie et
l’Archange Gabriel – lui annonçant qu’elle va
concevoir un fils qui sera le Sauveur – et de part
et d’autre par deux saints. Le premier n’est autre
que saint Jacques, le saint patron de l’homme
d’affaires berruyer et l’autre sainte Catherine,
souvent représentée et invoquée à la fin du
Moyen Âge. Cela permettait peut-être aussi
au verrier de ne pas avoir à chercher comment
représenter saint Macé, patron de la femme de
Jacques Cœur, Macée de Léodepart.
Cette verrière allie une grande qualité picturale
à une facture virtuose des teintes pour les verres
et à une mise en plomb multipliant les montures
en chef-d’œuvre*, avec de délicates découpes
fermées, comme dans les auréoles, où les pierres
précieuses sont des morceaux de verre insérés avec
un plomb dans la pièce de verre blanc percée.
Datée des années 1450-1451, l’influence de la
peinture flamande y est frappante. La curiosité
des historiens d’art et les progrès de la recherche
n’ont pas permis, jusqu’ici, de percer l’anonymat
de l’exceptionnel créateur de cette œuvre, ni de
savoir si c'est une exemple précoce de collaboration entre un peintre de métier et un maîtreverrier qui a permis d'atteindre une telle qualité
picturale et technique.
La Parabole du Bon Samaritain
21
Annonciation. Verrière de la chapelle Jacques-Cœur. Cathédrale de Bourges.
La révolution du jaune d’argent
Au début du XIVe siècle, une évolution technique décisive modifie l’entrée de la lumière dans l’édifice et le traitement
de l’image : les verriers parisiens et normands introduisent le jaune d’argent, un mélange d’ocre et de sel d’argent.
On applique cette teinte sur les morceaux de verre plat*, sur la face interne, ou au revers du verre (donc sur la face
qui sera à l’extérieur, une fois le vitrail mis en place). Après cuisson, le verre se teinte de couleur jaune plus ou moins
intense, suivant la concentration des sels et la température de cuisson. Cette technique présente l’intérêt de pouvoir
être pratiquée directement par le verrier et de modifier tout ou partie de la coloration d’une pièce de verre, sans ajouter
un plomb qui, par son tracé noir, vient durcir le dessin. Un morceau de verre incolore peut être partiellement teint en
jaune pour représenter des cheveux autour d’un visage, un galon sur un vêtement ou encore suggérer différents plans
ou détails d’une architecture complexe. Le jaune d’argent peut aussi modifier la couleur de verres déjà teintés ; par
exemple, un verre bleu, auquel on applique du jaune d’argent, deviendra un vert.
À Bourges, il n’existe pas d’exemple de vitrail au jaune d’argent de la première moitié du XIVe siècle. Mais il est mis en
œuvre dans plusieurs verrières de la fin du XIVe ou du début du XVe siècle ; et toutes les verrières du XVe au XVIIe siècle en
montrent l’utilisation (verrières de Jacques Cœur, des chapelles du Breuil, Fradet, etc. voir portfolio du DVD).
Des morceaux de verre plus grands
Une autre évolution, que l’on perçoit très bien dans cette cathédrale, est l’augmentation de la taille des morceaux de
verre. Aux XIIe et XIIIe siècles, les morceaux de verre sont petits et les plombs nombreux. À partir du XIVe siècle, les verres,
plus homogènes, permettent aux verriers de tailler de plus grandes pièces. Le recours au jaune d’argent contribue aussi
à réduire l’utilisation des plombs.
22
La Parabole du Bon Samaritain
Fenêtre et lumière
dans les édifices gothiques
Un élément de décoration
permettant de raconter une histoire
À l’intérieur des édifices gothiques, les murs
comportaient souvent un décor peint, habituellement assez simple : de faux joints rouges
qui unifiaient les différentes parties de l’architecture. Certains espaces pouvaient recevoir des peintures murales : près de l’entrée,
au revers de la façade, dans l’abside des édifices romans… À partir du
XIIIe
siècle, le vitrail
(comme la peinture murale) permet des représentations figurées.
Une sorte de mur qui laisse passer la lumière
Mais le plus grand intérêt de l’introduction de
vitraux dans les édifices réside dans son rôle
sur la lumière et l’ambiance du lieu. Le vitrail
constitue en effet une cloison, une sorte de mur
singulier. Il ne doit pas être transparent, pour
que sa lecture ne soit pas gênée par l’interférence avec des objets placés à l’extérieur. Mais
il laisse passer la lumière et la modifie. Dans un
édifice sans vitraux, ou pourvu de vitraux très
peu colorés, comme dans les édifices cisterciens
l’espace semble froid, la pierre grise, ou la pein-
ture très blanche. Dans une église pourvue de
vitraux, la lumière vibre, se teinte des couleurs
du vitrail et offre une perception toute différente de l’espace (perception qui évolue en
fonction du temps et de la course du soleil).
Selon les moments, les pierres ou le sol reflètent les couleurs du vitrail. « Qu’ils soient laïcs
ou religieux explique le maître-verrier Philippe
Andrieux, les vitraux sont toujours propice à la
méditation. »
Une manifestation de la présence divine
Le vitrail en outre ne « vit » que dans la lumière :
un panneau, à plat sur une table, semblera terne,
marron, et les peintures qui le décorent comme
une couche grisâtre. Même si on ne le regarde
pas le vitrail impose sa présence au visiteur.
Le fait que le verre laisse passer la lumière et
qu’elle se charge alors du message de la fenêtre
a semblé, aux hommes du Moyen Âge, comme
une manifestation de l’incarnation et de la présence divine dans les églises d’où l’importance
de son essor dans le monde gothique. Les architectes ont alors cherché à agrandir au maximum
les ouvertures, afin de faire entrer une lumière
plus abondante. Au XXe siècle, les artistes ont de
nouveau été sensibles à la possibilité de réaliser,
avec le vitrail, des murs de lumière.
n
Le vitrail contemporain
Le vitrail contemporain
Après une éclipse aux XVIIe et XVIIIe siècles, l’art du
religieux, sous l’égide de deux dominicains, les
vitrail reparaît au XIXe siècle. La mode néogothique
pères Marie-Alain Couturier (1897-1954) et Pie-
et l’intérêt pour les monuments historiques amè-
Raymond Régamey (1900-1996), est un facteur
nent un certain nombre d’ateliers à restaurer des
très important dans le développement du vitrail,
verrières anciennes et à en créer de nouvelles,
à partir de la Seconde Guerre mondiale. Les deux
d’inspiration gothique ou Renaissance.
religieux préfèrent faire appel à des artistes
D’autre part, les artistes décorateurs de la
de génie, même non croyants, plutôt qu’à des
seconde moitié du XIXe siècle et des années 1900
artistes croyants sans talent, l’idéal étant toute-
utilisent le vitrail dans l’architecture civile et le
fois, pour le père Couturier, « d’avoir des génies
décor de meubles. La mode pour le vitrail s’étend
qui soient en même temps des saints ».
à toute l’Europe, et plus particulièrement à
Les deux conflits mondiaux attirent l’attention
Bruxelles, Paris, Barcelone ou encore Vienne.
sur cette expression artistique. En 1939, de très
Les verres utilisés présentent parfois des effets
nombreux vitraux anciens sont déposés ; c’est
de relief dans les surfaces du type « verre cathé-
l’occasion de les étudier avant leur remise en
drale ». L’esthétique des verrières est moderne,
place. Par l’absence temporaire des verrières, le
figurative ou ornementale, sans aucune volonté
public prend conscience de leur rôle dans la per-
de pastiche.
ception d’un espace, d’une architecture. Après
XXe
siècle, de
1945, de nouvelles possibilités s’ouvrent donc
nouveaux besoins apparaissent, du fait des
pour des créations, lorsque les vitraux anciens
reconstructions liées aux guerres. Les techniques
sont détruits, lorsque les verrières du
évoluent, avec l’utilisation du béton dans l’archi-
ne conviennent plus, ou dans le cas de recons-
tecture et les innovations dans le domaine du
tructions. Certains responsables de la gestion
verre : association du pavé de verre et du béton,
du patrimoine ou de la création jouent un rôle
Puis dans la première moitié du
utilisation des pâtes de verre (début
XXe
XIXe
siècle
siècle),
primordial à cet égard : François Mathey (1917-
recherches de René Lalique (1860-1945) et de
1993), conservateur du musée des Arts décoratifs
François Décorchemont (1880-1971), mise au
à Paris, et Robert Renard (1908-1979), architecte
point des dalles de verre à partir de 1925 par
en chef des Monuments historiques. Ils encoura-
le verrier Jean Gaudin (1879-1954). Dans le cou-
gent les peintres et les maîtres-verriers à travailler
rant du développement des arts plastiques, l’art
ensemble, même si cette collaboration comporte
abstrait, ou non figuratif, fait également son
parfois des rivalités et des tensions.
apparition.
Dans les années 1980-2000, le vitrail contem-
En outre, les conditions de la création artistique
porain connaît un deuxième essor, lié au déve-
changent. Les Ateliers d’art sacré, du peintre
loppement de la commande publique*. La
nabi Maurice Denis (1870-1943) et de George
Délégation aux arts plastiques promeut auprès
Desvallières (1861-1950) sont à l’origine de la
de responsables politiques et religieux l’entrée
recherche d’un art chrétien à partir de 1919. Le
de l’art contemporain dans les édifices anciens
dialogue entre les artistes et les responsables
par le biais, entre autres, du vitrail.
23
Le vitrail contemporain
Ci-dessus : Vie de la vierge. Œuvre de Marguerite Huré et Maurice
Denis (1922-1923). Église Notre-Dame, Le Raincy.
À droite: Christ de pitié (ou Christ assis de la Passion). Œuvre de
Paul Bony et Georges Rouault (1950). Baie n° 3 mur Ouest. Église
Notre-Dame-de-Toute-Grâce, Plateau d’Assy.
La spécificité du vitrail contemporain français
réside dans le fait que, contrairement aux autres
pays comme l’Allemagne ou les États-Unis, il
s’inscrit en grande majorité dans des édifices
religieux.
L’entre-deux-guerres
L’église Notre-Dame du Raincy (1922-1923),
édifice en béton construit par les frères Perret,
constitue une des réalisations les plus marquantes de l’entre-deux-guerres. La structure
repose sur de minces colonnes en béton, tandis
© Yves Bouvier. © ADAGP, Paris 2010.
© P. Razzo / CIRIC . © ADAGP, Paris 2010.
24
murs latéraux. Dix verrières figuratives sont
insérées dans les parois : neuf sont consacrées
à la vie de la Vierge et la dixième, dite « NotreDame des taxis », rend hommage aux taxis de la
Marne, réquisitionnés en septembre 1914 pour
acheminer les fantassins. Les cartons* ont été
donnés par le peintre Maurice Denis et le décor
vitré a été exécuté par une jeune femme maîtreverrier, Marguerite Huré (1896-1967). Maurice
Denis n’en était pas à sa première expérience
du vitrail. En 1919, il avait effectivement fondé
les Ateliers d’art sacré et promouvait une esthétique épurée dans la représentation des scènes
religieuses.
À la veille de la Seconde Guerre mondiale, en
mai-juin 1939, Jean Hébert-Stevens (1888-1943),
peintre et maître-verrier, sa femme Pauline
que les parois, entièrement dégagées de leur
Peugniez (1890-1987) et le père Couturier orga-
fonction de support, sont uniquement consti-
nisent au musée du Petit Palais à Paris une expo-
tuées de vitraux insérés dans des claustra *.
sition de vitraux et de tapisseries : les modèles
Les nuances du verre varient selon les empla-
sont confiés par des peintres de renom et les
cements : des teintes froides près de la façade,
œuvres transcrites par Jean Hébert-Stevens ou
du bleu avec une croix suggérée par un liseré
par des lissiers. Les vitraux sont réalisés d’après
rouge derrière l’autel, des variations de jaune
Marcel Gromaire (1892-1971), Jean Bazaine
avec des touches de bleu et de vert pour les
(1904-2001) et Georges Rouault (1871-1958).
© Yves Bouvier. © ADAGP, Paris 2010.
Le vitrail contemporain
L’exposition annonce alors le développement de
ces deux techniques artistiques après la guerre.
Les artistes et le vitrail : 1948-1950
Alors que l’art abstrait (ou la non-figuration)
est présent dans la peinture depuis déjà plusieurs années, les peintres le transposent dans le
vitrail à partir de 1948, à l’invitation de religieux
désireux de faire entrer dans les églises des
œuvres empreintes de beauté, sans être nécessairement marquées par la figuration, toujours
très « typée » en fonction de son époque. Les
premiers ensembles prennent indifféremment
place dans des églises neuves ou anciennes, non
protégées par le classement au titre des monuments historiques.
Baptistère. Œuvre de Jean Barillet et Jean Bazaine (19491951). Église du Sacré-Cœur, Audincourt.
Plateau d’Assy,
église Notre-Dame-de-Toute-Grâce
Pendant la décennie 1940-1950, l’église du plateau d’Assy, en Haute-Savoie, joue un rôle de
« laboratoire » pour l’art sacré. L’initiative du
projet revient au père Jean Devémy qui, en 1937,
souhaite construire une église pour les malades
séjournant dans les sanatoriums voisins. Il fait
appel au père Marie-Alain Couturier, qui assure
la coordination du chantier après la guerre, et
fait intervenir de grands artistes, jusqu’alors
non spécialisés dans l’art chrétien. Les vitraux
de la nef représentent des saints guérisseurs ;
les cinq vitraux de Georges Rouault, réalisés par
25
Le vitrail contemporain
© Yves Bouvier. © ADAGP, Paris 2010.
26
Le Linceul et l’échelle (figuration d’une descente de croix).
Œuvre de Jean Barillet et Fernand Léger (1949-1951). Baie n° 15.
Église du Sacré-Cœur, Audincourt.
un vitrail. Il choisit de collaborer avec François
Lorin (1900-1972), à la tête d’un grand atelier de
le maître-verrier Paul Bony (1911-1982), gendre
verriers fondé en 1863 et chargé, notamment,
de Jean Hébert-Stevens, installés dans le mur
de la restauration des vitraux de la cathédrale
de la façade, sont le fruit de recherches techni-
de Chartres. Manessier souhaite en effet que le
ques pour transcrire dans le verre la texture du
verrier soit respectueux de sa recherche esthé-
modèle peint.
tique, comme un restaurateur respecte l’œuvre
sur laquelle il travaille. Il décide que la réalisa-
Audincourt, église du Sacré-Cœur
tion suivra la tradition : le verre ne recevra que
Un autre chantier rencontre un grand écho :
très peu d’application de grisaille* puis, dans
c’est celui de l’église du Sacré-Cœur d’Audin-
ses créations suivantes, il n’utilisera plus la gri-
court (1949-1951), paroisse ouvrière récente
saille. Le parti de la non-figuration s’inscrit aussi
située non loin de Montbéliard (Doubs). Sur
dans la recherche des origines de l’art chrétien :
la suggestion du père Couturier, les vitraux de
Manessier compare ses vitraux au chatoiement
l’église, en dalles de verre, sont réalisés d’après
des orfèvreries cloisonnées wisigothiques.
les cartons de Fernand Léger (1881-1955) sur le
Si la demande initiale ne portait que sur les deux
thème de la Passion ; ceux du baptistère, éga-
vitraux du chœur, le programme réalisé s’étend à
lement en dalles de verre, sont conçus par Jean
l’ensemble des six baies de l’église. Manessier les
Bazaine (1904-2001) tandis que, dans la crypte,
conçoit en se rendant sur place et en étudiant le
Jean Le Moal (1909-2007) conçoit la mosaïque et
paysage dans lequel l’église s’inscrit et la façon
les vitraux. L’exécution revient au maître-verrier
dont la lumière entre dans l’édifice. Les églises
Jean Barillet (1912-1997).
sont habituellement orientées, c’est-à-dire que
Les Bréseux,
église Sainte-Agathe (1948-1951)
l’entrée est à l’ouest et le chevet à l’est. De ce
fait, les baies situées dans le mur sud reçoivent
plus de lumière, tandis que les ouvertures du
L’église Sainte-Agathe des Bréseux (Doubs) est
mur nord bénéficient d’un éclairage plus faible.
XVIIIe
siècle, d’un type fré-
Alfred Manessier et François Lorin prennent en
quent en Franche-Comté, et se situe dans un
compte cet aspect, pour placer dans le chœur, au
environnement rural. Le curé, l’abbé Comment,
sud, un vitrail bleuté, de tonalité un peu sombre,
souhaitait la mise en place de deux vitraux dans
et au nord un vitrail où les tons de jaune, plus
le chœur. Il reçoit l’aide du chanoine Ledeur,
lumineux, dominent. Ces deux vitraux du chœur,
alors président de la commission d’art sacré
non figuratifs, sont comme une louange du pay-
de Besançon, qui entre en contact avec Alfred
sage et de la nature franc-comtois. Les vitraux de
Manessier (1911-1993), peintre engagé dans des
la nef, évoquent deux saintes (la Vierge Marie
recherches non figuratives, mais aussi artiste
et sainte Agathe) et deux sacrements (le bap-
croyant. À cette époque, Manessier n’avait
tême et la réconciliation) ; ils ont donc un thème
jamais travaillé dans la perspective de réaliser
religieux.
une construction du
Le vitrail contemporain
27
effet au niveau plus obscur de l’âme
“SixUnvitraux
de Manessier y ont été posés de 1948 à
1950 : ce sont de hautes verrières (3 m sur 1 m) où
l’on chercherait en vain à « lire » les images. Comme
le rêvait Claudel, l’effet n’est pas calculé au niveau des
notions toutes faites, mais à un niveau plus humble et
plus obscur de l’âme. Le baptême, à gauche, tout en
tons frais, bleus et verts, avec des oves, des courbes,
un chapelet de gouttes ; en face, la pénitence, jeu de
pièces rouges en losange, tressées, tendues, dramatisées. Sur les deux autres fenêtres de la nef, correspondant aux deux petits autels latéraux, la Vierge,
bleu et blanc, exprime doucement et irrésistiblement,
grâce aux fers obliques, une force ascensionnelle et
sainte Agathe, avec des jaunes dominants, des formes
suaves et paisibles.
Dans le chœur, des ors, des mauves, coupés d’arêtes
et d’épines, font face à des bleus à longues obliques
et semblent, comme l’a voulu l’artiste, convoquer le
paysage tout entier et ses couleurs fondamentales
dans le sanctuaire. Rien ne détonne : une inspiration,
un bonheur d’exécution parfaits ont seuls permis tant
de grâce et de simplicité. Le forgeron du village a
tordu les barlotières qui portent les plombs montés
par la maison Lorin.
© Yves Bouvier. © ADAGP, Paris 2010.
”
André Chastel, Le Monde, 13 décembre 1951.
Cet article, écrit par un grand historien d’art de
la seconde moitié du XXe siècle, vient en défense
de ces vitraux, qui ont suscité des réactions
hostiles vis-à-vis de leur caractère non figuratif. Cependant, grâce à ce type de démarche,
l’opinion publique a finalement accepté cette
première installation de vitraux contemporains
dans une église.
Vence, chapelle du Rosaire
(1948-1951)
Originaire du Nord de la France, Henri Matisse
(1869-1954) s’installe dans le Midi à partir de
1921, d’abord à Nice, puis à Vence (Alpes-Maritimes). Maître du dessin, du rythme et de la
couleur, il travaille beaucoup, dans les années
1940, la technique des gouaches découpées. Il
est associé au chantier de la chapelle du Rosaire
de Vence, que des dominicaines décident de
faire construire pour leur couvent. La conception vient des pères Rayssiguier et Marie-Alain
Couturier, intervenant en conseil. La commande
arrive toutefois à Matisse par le biais d’une de
Vitrail non figuratif de la baie sud du chœur.
Œuvre de François Lorin et Alfred Manessier (1948-1950),
Les Bréseux.
ses connaissances : une infirmière, qui l’avait
soigné en 1942-1943, devenue la sœur dominicaine Jacques-Marie. Cette dernière lui parle en
effet de la construction de la chapelle et Matisse
propose d’en réaliser l’ensemble du décor, en
décembre 1947. Il se consacre exclusivement à ce
projet pendant trois ans, de 1948 à 1951.
La chapelle est un espace très simple, comportant des vitraux sur les murs nord et est, et des
céramiques sur les murs sud et ouest, ce dernier
regroupant les quatorze stations du chemin
de croix. Pour Matisse, « il s’agit de prendre un
espace clos, de proportions réduites, et de lui
donner, par le seul jeu des couleurs et des lignes,
des dimensions infinies ».
Le vitrail contemporain
© Marie-Pierre Samel © Succession H.Matisse.
28
Chapelle du rosaire dite chapelle Matisse,
vitrail L'Arbre de Vie (au fond).
Œuvre de Paul Bony et Henri Matisse, (1948-1951), Vence.
un jaune citron dépoli, contrastant avec deux
verres plus transparents, un bleu outremer et un
vert bouteille. Les vitraux des hautes ouvertures
Pour les vitraux, Matisse passe par trois
étroites dans la nef et le chœur des religieuses
maquettes successives avant d’arriver à ce qu’il
(la colonnade) sont traités selon le thème de
souhaite. En novembre 1948, une première
l’Arbre de vie : de grandes feuilles jaunes et
maquette, intitulée Jérusalem céleste, se révèle
bleues alternent sur le fond vert. La double ver-
insatisfaisante au regard de l’artiste : il estime
rière située derrière l’autel semble un tissu bleu
que les vitraux, qui seront placés près des fidèles,
intense, ponctué de feuilles jaunes, accroché
prennent trop d’importance. Tous sont basés sur
sur un fond de même couleur. On y retrouve
des combinaisons géométriques, des rectangles
les formes de feuilles algues, qui rappellent les
ou carrés blancs se détachant sur un fond vive-
gouaches découpées, inspirées à Matisse par son
ment coloré.
voyage en Polynésie. Trois ans de travail lui ont
À partir de la deuxième maquette, il prend pour
donc permis d’aboutir à un projet d’une grande
point de départ des feuilles découpées ; c’est
sobriété, dont les couleurs, soigneusement choi-
l’ensemble appelé Vitrail bleu pâle, dans lequel
sies, chantent dans la lumière.
les vitraux sont unifiés par l’utilisation récurrente
Une fois au point, les cartons sont traduits par
de ce motif des feuilles découpées. Si Matisse a
le verrier Paul Bony (1911-1982). La chapelle est
tenu compte de la contrainte de la découpe du
consacrée en juin 1951 et son chantier est tout
verre, il n’a pas prévu l’emplacement des plombs
de suite accepté bien qu’il ne s’inscrive pas dans
et des barlotières, ce que lui fait remarquer le
l’espace public (à la différence de l’église des Bré-
père Couturier, en février 1949. Matisse reprend
seux, qui est une église paroissiale), mais dans le
alors le travail, une troisième fois, en restrei-
cadre privé de la chapelle d’un couvent. De par
gnant la gamme chromatique à trois couleurs :
la contemporanéité de l’architecture, l’unité de
Le vitrail contemporain
conception et la qualité de la réalisation, la chapelle de Vence a d’emblée été reconnue comme
Tout art digne de ce nom est religieux.
“
Pensez-vous qu’il existe un art religieux ? `
Matisse : Tout art digne de ce nom est religieux. Soit
une création faite de lignes, de couleurs : si cette
création n’est pas religieuse, elle n’existe pas. Si cette
création n’est pas religieuse, il ne s’agit que d’art
documentaire, d’art anecdotique… qui n’est plus de
l’art, qui n’a rien à voir avec l’art. Qui vient à une
époque de la civilisation pour expliquer et démontrer
aux gens sans éducation artistique des choses qu’ils
pourraient remarquer sans qu’on ait besoin de leur
dire. Les spectateurs sont paresseux d’esprit. Il faut
leur mettre sous les yeux une image qui leur laisse
des souvenirs et les entraîne même un peu plus loin…
Mais c’est là un art dont nous n’avons plus besoin
maintenant. Cet art-là est dépassé.
Quand je travaille dans une chapelle, je veux que
les visiteurs éprouvent un allégement de l’esprit.
Que même sans être croyant, ils se trouvent dans
un milieu où l’esprit s’élève, où la pensée s’éclaire,
où le sentiment lui-même est allégé. Le bénéfice de
la visite naîtra aisément, sans qu’il soit besoin de se
cogner la tête par terre.
© Éditions Gaud © ADAGP, Paris 2010.
un chef-d’œuvre.
”
Jean Mauret, Vitraux 1970-2000,
Maison du vitrail,2001, p. 15.
Les programmes des années 1960
Au cours des années 1960, avec l’installation
de vitraux contemporains, non figuratifs, dans
des églises classées monuments historiques, un
pas supplémentaire est franchi. Certains responsables de l’administration, les inspecteurs
des Monuments historiques Jean Verrier (18871963) et Jacques Dupont (1908-1988), ainsi que
l’architecte en chef des Monuments historiques,
Robert Renard, préfèrent l’intervention d’artistes
contemporains pour créer de nouveaux vitraux,
plutôt que de laisser des verres blancs ou de commander des imitations de vitraux anciens.
Metz, cathédrale Saint-Étienne
(1954-1968)
La première intervention importante a lieu dans
la cathédrale de Metz. Située dans la partie de
la Lorraine qui a été allemande de 1871 à 1918,
c’est un édifice gothique, en grande partie
du
XIIIe
siècle. Elle est connue pour ses vitraux
La Naissance d’Ève.
Œuvre de Charles Marq, Brigitte Simon et Marc Chagall, (1959-1961).
Détail de la baie du transept. Cathédrale Saint-Étienne, Metz.
29
30
Le vitrail contemporain
pour des baies basses, situées dans le déambulatoire et le bras nord du transept*, puis pour
seize fenêtres du triforium*. Dans les baies
basses, le programme est entièrement narratif,
avec de nombreuses scènes tirées de l’Ancien
Testament. Chagall fragmente ses compositions
pour les adapter au réseau des baies. La réalisation est faite avec grand soin : le choix des
verres est concerté avec l’artiste. Les verreries de
© Éditions Gaud © ADAGP, Paris 2010.
Saint-Just-sur-Loire créent un « jaune Chagall »,
Rose sud de la nef.
Œuvre de Charles Marq, Brigitte Simon et Roger Bissière
(1958-1960). Cathédrale Saint-Étienne, Metz.
e
e
anciens des XV et XVI siècles, mais aussi pour les
vitraux XIXe siècle de Laurent-Charles Maréchal.
L’architecte en chef des Monuments historiques, Robert Renard, souhaite y compléter les
vitraux, pour redonner une qualité à la lumière
qui pénètre dans la cathédrale. Dans un premier
temps, il fait intervenir le verrier Jean Gaudin
(1879-1954) pour les fenêtres hautes de la nef,
en 1954. L’expérience est prudente : les vitraux
représentent de grandes figures de saints et de
saintes, dans la tradition des verrières hautes
des cathédrales.
Pour la chapelle des évêques, le peintre Jacques
Villon (1875-1963), alors octogénaire, est sollicité.
Il conçoit un ensemble de cinq verrières figuratives
aux thèmes imposés : Moïse au rocher d’Horeb,
l’Agneau pascal, la Cène, les Noces de Cana et la
Crucifixion. Exécutées par Charles Marq (né en
1923) et Brigitte Simon (née en 1926), maîtresverriers de Reims, les verrières schématisent les
scènes dans un « réseau savant et solide de lignes
de force et de plans colorés ». Monumentales, lisibles, elles sont mises en place en 1957.
Pour trois baies hautes de la nef, Roger Bissière
(1888-1964) donne des modèles de vitraux abstraits, fragmentés en petites touches. La réalisation (1960) est aussi confiée à Charles Marq et
Brigitte Simon.
Les mêmes verriers se font ensuite les interprètes des cartons de Marc Chagall (1897-1985),
spécialement pour le chantier. La grisaille est
passée avec nuance et raffinement. Les vitraux,
posés de 1963 à 1968, rencontrent l’adhésion du
public : le passage de la lumière dans les vitraux
bas en révèle toute la richesse chromatique et
iconographique, tandis que les vitraux du triforium associent les couleurs et le verre blanc
atténué de lavis de grisaille.
L’expérience messine est prolongée, quelques
années plus tard (en 1974), par la réalisation
d’un nouveau programme de vitraux de Chagall
à Reims, toujours en collaboration avec Brigitte
Simon et Charles Marq.
Paris, église Saint-Séverin (1964-1970)
L’architecture de l’église Saint-Séverin remonte,
pour l’essentiel, à la seconde moitié du XVe siècle,
avec des parties plus anciennes. L’édifice est
remarquable par son double déambulatoire,
avec ses supports « gothique tardif », dont une
célèbre colonne torsadée d’où partent quatorze
arêtes de la voûte. L’église conserve des vitraux
anciens (fin du
XIVe
siècle et
XVe
siècle) dans ses
baies hautes. Dans les chapelles, se trouve un
ensemble de vitraux du
XIXe
siècle, par Édouard
Didron, et surtout Émile Hirsch. Située dans le
« quartier latin » de Paris, cette paroisse est fréquentée par les étudiants et les intellectuels.
En 1964, le curé de Saint-Séverin, le père Alain
Ponsar, souhaite remplacer la vitrerie
XIXe
des
baies de l’abside par des vitraux contemporains.
Un de ses proches lui suggère de s’adresser à
Jean Bazaine. Très vite, Bazaine accepte, heureux de relever le défi d’intégrer une œuvre
contemporaine et abstraite dans un monument
ancien. L’administration des Monuments historiques donne également son accord. Le projet
est financé par la ville de Paris, par l’État et par
une souscription, à l’initiative du diocèse et de
la paroisse.
31
© Alain Pinoges/CIRIC © ADAGP, Paris 2010.
Le vitrail contemporain
Le programme concerne huit baies : il est décidé
d’y réaliser des verrières sur le thème des sept
sacrements, en accordant au baptême les deux
Chapelle du saint sacrement.
Œuvre de Bernard Allain, Henri Dechanet et Jean Bazaine,
(1964-1969). Église Saint-Séverin, Paris.
baies situées dans l’axe de la nef, derrière la
inauguré officiellement en mai 1970. Bazaine a
colonne torse. Jean Bazaine crée d’abord des
lui-même mené des conférences pour expliquer
maquettes au 1/10e d’exécution, présentées
son œuvre et fait réaliser un livret. Le projet n’a
en 1965, puis des cartons à grandeur. Il tra-
rencontré aucune opposition de l’administra-
vaille avec le maître-verrier Bernard Allain et le
tion ni de l’opinion publique ; l’insertion d’une
peintre verrier Henri Dechanet. Les huit baies
touche de modernité dans un édifice ancien
sont assez inégales, avec des réseaux différents
a même reçu un accueil favorable. Le clergé,
et la première de la série, au nord, est nette-
comme les fidèles, semblent désormais conquis
ment plus petite que les autres. La technique
par l’art abstrait.
reste entièrement traditionnelle avec des verres
plombs. Les verrières sont abstraites, avec une
Les programmes
des années 1970-1980
sorte de ruissellement coloré, modulé selon
Certains programmes monumentaux des années
les verrières : bleu intense pour les deux baies
1970 s’inscrivent dans la suite des réalisations
du baptême, jaillissement multicolore pour le
antérieures, comme c’est le cas dans les cathé-
mariage ; dominante rouge pour l’eucharistie
drales de Reims et de Nantes. Une expérience de
et la confirmation, dominante orange pour le
qualité a également lieu à l’abbaye de Noirlac,
sacrement des malades et l’ordre, dominante
dans le Centre de la France, permettant le dia-
violette pour la pénitence. Bazaine choisit des
logue d’un lieu et d’un artiste et la collaboration
citations bibliques, placées sous chaque vitrail à
féconde d’un artiste et d’un verrier. Une grande
la manière d’une étiquette dans un musée, qui
réalisation, à la cathédrale de Saint-Dié, fédère
font partie de son œuvre.
quant à elle des artistes actifs depuis le milieu
Les deux premières verrières, évoquant le Bap-
du siècle, tels Jean Bazaine et Alfred Manessier,
tême, sont posées en juin 1966. L’ensemble est
avec des artistes plus jeunes, comme Geneviève
de couleur, modulés par de la grisaille, et des
Le vitrail contemporain
© Éditions Gaud
32
Œuvre de Jean Mauret et Jean-Pierre Raynaud (1975-1977).
Abbaye de Noirlac
Asse (née en 1923), dans une expression collective, le chantier de la cathédrale de Nevers
reprend également.
Noirlac, abbaye (1975-1977)
L’abbaye de Noirlac (Cher) est un bâtiment monastique cistercien du XIIe siècle. Comme beaucoup
de monuments historiques, l’édifice a connu un
usage totalement différent après la Révolution
puisqu’il a accueilli une manufacture de porce-
laine au XIXe siècle, puis des logements collectifs
au XXe siècle. La remise en valeur des bâtiments
débute en 1949, sous l’action conjointe du conseil
général du Cher, de la région Centre et de l’État.
La première phase s’achève en 1977.
En 1975, l’architecte en chef des Monuments
historiques Pierre Lebouteux, en charge du dossier, entre en contact avec Jean-Pierre Raynaud
(né en 1939), créateur alors intéressé par l’art
conceptuel et l’utilisation de modules simples,
comme les carreaux de faïence. Il lui demande
de réfléchir à un projet de vitraux pour l’abbaye
33
© Éditions Gaud © ADAGP, Paris 2010.
© Éditions Gaud © ADAGP, Paris 2010.
Le vitrail contemporain
et lui propose de s’associer avec le maître-verrier
Jean Mauret (né en 1944), installé non loin de
là, à Saint-Hilaire-en-Lignières.
Dans sa volonté de respecter l’esprit des moines
cisterciens, qui refusaient la figuration, trop
distrayante, et la couleur, trop luxueuse, JeanPierre Raynaud élabore un projet reposant sur
le quadrillage, utilisant des verres de tonalité
presque neutre et jouant sur les transparences.
Comme l’écrit Jean Mauret, « le dessin des cartons était rigoureux et leur transposition en
vitraux concernait essentiellement, outre leur
adaptation aux baies irrégulières de l’édifice,
les problèmes de transparence et le choix des
verres : en un mot la lumière ». Ailleurs, Jean
Mauret a rappelé : « Les vitraux de Noirlac ont
été réalisés sans calibrage préalable, avec un système assez complexe de piges verticales et horizontales que j’avais improvisé, et qui me faisait
rentrer complètement dans le fondement même
du projet de Jean-Pierre Raynaud2. »
La technique utilisée est donc entièrement celle
du verrier traditionnel avec mise en plomb des
verres. Dans l’église, les fenêtres hautes sont
toutes traitées en quadrillage, avec des décalages
et des variations sur l’encadrement, les modules
et l’insertion de bandes. On retrouve des principes proches dans le réfectoire et dans le chauffoir. Jean-Pierre Raynaud explique : « Ces vitraux
jouent sur des carrés décalés comme s’il y avait
À gauche : Verrière haute de chœur.
Œuvre de Bernard Dhonneur et Claude Viallat (1992-1995).
Cathédrale Saint-Cyr-et-Sainte-Julitte, Nevers.
À droite : Couronnement de la Vierge.
Œuvre de Pierre Defert et Jean-Michel Alberola (1999).
Chapelle axiale du déambulatoire. Cathédrale Saint-Cyr-et-Sainte-Julitte, Nevers.
un glissement. Ce glissement en fait, c’est l’émotion 4. »En 2001, Philippe Saunier soulignait l’inscription remarquable des vitraux dans le lieu :
« L’adéquation demeure aujourd’hui parfaite
entre Mauret, Raynaud, les vitraux de Noirlac
et les tendances de l’art actuel, la modernité et
l’esprit cistercien5. »
Nevers, cathédrale Saint-Cyr
et-Sainte-Julitte (1973-2005)
La cathédrale de Nevers est un édifice original,
comportant deux chœurs : à l’ouest, un chœur
roman, ouvrant largement sur un transept
débordant ; puis une nef gothique du début
du
XIIIe
siècle, soudée par l’intermédiaire d’un
« pseudo-transept » à un vaste chœur gothique,
entouré d’un déambulatoire et de chapelles
rayonnantes. La cathédrale a été gravement
endommagée en 1944 par un bombardement.
En lien avec l’évêché, Alfred Manessier et Jean
Bazaine entreprennent en 1962 une réflexion
pour la réalisation d’un programme de vitraux
et la réfection globale du mobilier de la cathédrale. Cette démarche n’ayant pas abouti,
2. Jean Mauret,
op. cit., p. 14.
2. Le Vitrail en
Lorraine, Metz,
1983.
4. Philippe Saunier
et Lionel Bergatto,
Les Couleurs de la
lumière. Le vitrail
contemporain
en région Centre
(1945-2001),
Chartres, Édition
Gaud/Centre international du vitrail,
2001, p. 66.
5. Ibid.
Le vitrail contemporain
© Éditions Gaud © ADAGP, Paris 2010.
34
Vitraux du cœur roman. Œuvre de Charles Marq et Raoul Ubac,
(1977-1983). Cathédrale Saint-Cyr-et-Sainte-Julitte, Nevers.
Jean-Michel Alberola (né en 1953), peintre proche
de la figuration libre, pratiquant la gravure. Ses
l’administration des Monuments historiques
entame un nouveau cycle de vitraux, en s’adressant en 1974 à Raoul Ubac (1910-1985). L’artiste
avait eu une première expérience du vitrail
avec Georges Braque (1882-1963), à Varengeville-sur-Mer (Seine-Maritime). Pour l’abside
romane, à l’ouest, il crée trois panneaux réalisés par Charles Marq et mis en place de 1977 à
1983. L’artiste a travaillé sur une déclinaison de
lignes, dans deux gammes colorées (jaune-brun
et bleu), très sobres, évoquant les sillons d’un
champ, ou les ondes de l’eau et le passage du
temps. Ces verrières ont provoqué dans un premier temps des réactions très hostiles du clergé
et des fidèles. Un oculus* situé au-dessus de
l’abside n’est mis en place qu’après la mort de
l’artiste, en 1985.
Les vitraux suivants sont tous mis en place pendant les années 1990 et les diverses parties de
la cathédrale sont confiées à des artistes de
sensibilités différentes. Pour les choisir, le dialogue entre le clergé et l’administration des
Monuments historiques s’enrichit de la présence
active de la Délégation aux arts plastiques*.
Les treize baies du transept roman sont confiées à
vitraux évoquent l’Apocalypse et sont construits,
pour certains, autour d’une « fenêtre dans la
fenêtre ». L’artiste a étudié les œuvres romanes,
parfois citées dans ses compositions. Pour ce
chantier, il est associé au maître-verrier Pierre
Defert, qui pose les vitraux en 1993-1994.
Le troisième ensemble est situé dans les fenêtres hautes de la nef, avec des vitraux de Gottfried Honegger (né en 1917), réalisés par Jean
Mauret. Sur une trame orthogonale de plombs,
Gottfried Honegger a tracé des arcs de couleur,
bleus au nord et rouges au sud ; la modulation
des teintes, plus sombres à l’ouest, est une invitation à progresser vers le chœur gothique de
la cathédrale. L’artiste travaille la peinture et
la sculpture dans une démarche monumentale
épurée, reposant sur les intervalles et le hasard.
La sobriété et la rigueur dominent dans cette
réalisation de 1994.
François Rouan (né en 1943) a appliqué aux
vitraux des chapelles bordant la nef gothique
son travail sur les superpositions et ce qu’il
appelle le tressage. Les verrières, réalisées par
l’atelier Simon-Marq, sont mises en place de
1991 à 1996. La gamme colorée est réduite
Le vitrail contemporain
dans chaque verrière : un rouge (ou un bleu,
ou un jaune), en contraste avec un bleu-gris, un
blanc et un noir. On retrouve une impression de
Les programmes
des années 1990-2000
est associé au maître-verrier Bernard Dhonneur
D’importants programmes se réalisent ou s’achèvent durant cette décennie : le plus célèbre est
celui de Conques, mais il faut aussi penser, pour
les cathédrales, à Blois, Digne-les-Bains, Maguelonne, Évry, et à bien d’autres églises. L’intervention des artistes dans un contexte de monument
historique est désormais acceptée et facilitée par
les procédures de la commande publique*. Mais
l’originalité de chaque bâtiment et l’histoire de
leur chantier respectif en font des aventures singulières, artistiquement et humainement très
(né en 1928). L’artiste a poursuivi son travail sur
fortes.
découpage, qui rappelle l’œuvre de Matisse à la
chapelle de Vence, mais les effets de répétition
de motifs en font une sorte de pliage auquel se
superpose encore le réseau de la baie. Dans les
deux baies du « pseudo-transept » (2005), son
travail se fait plus aérien, avec seulement deux
teintes, rouge et blanc.
Dans les vitraux du chœur gothique, fenêtres
hautes et claire-voie*, Claude Viallat (né en 1936)
les taches de couleur, qui forment un réseau
coloré et modulé. Les recherches ont porté ici sur
les couleurs, leur symbolique et leur résonance
dans la cathédrale : Claude Viallat voulait que les
pierres reflètent les teintes des vitraux. Avec le
verrier, il a donc cherché à réduire au maximum
la taille des plombs cernant les formes, pour que
domine le chatoiement des couleurs, évoquant
la Jérusalem céleste de Matisse.
Jean-Michel Alberola a reçu la mission de réaliser
les vitraux des chapelles ouvrant sur le déambulatoire du chœur gothique. Pour ce nouveau
chantier, il a travaillé avec Dominique Duchemin
et Gilles Rousvoal (né en 1948). Les thèmes des
vitraux ont été choisis par l’évêque de Nevers
et sont en rapport avec la Genèse, l’histoire
d’Abraham, celle de Moïse et les Évangiles. Une
verrière évoque la Pentecôte et une autre saint
Cyr, l’un des saints patrons de la cathédrale.
Dans ces vitraux aux couleurs vives et aux formes
monumentales, la virtuosité des maîtres-verriers, au service du lyrisme de l’artiste, est manifeste : utilisation de verres tantôt transparents
tantôt opaques, modulation de certaines pièces
par le jaune d’argent, verres plaqués travaillés
à l’acide, montures en chef-d’œuvre*, gamme
colorée très étendue, souvent originale, mise en
plomb et grisaille se confondent parfois, pour
mieux cerner les formes.
Chantier pluriel, la cathédrale de Nevers juxtapose des expériences très différentes et donne
une vision de plusieurs approches de l’art contemporain et du vitrail. Les différents univers esthétiques actuels font écho à la diversité des volumes
architecturaux ; or, une pareille réalisation n’aurait
pas été possible dans un édifice homogène.
Conques, abbaye Sainte-Foy (1987-1994)
L’abbatiale Sainte-Foy de Conques (Aveyron) est
l’un des hauts lieux de l’art roman. Situé sur une
des routes du pèlerinage de Saint-Jacques-deCompostelle, ce sanctuaire a conservé la pureté
de ses lignes architecturales romanes, un très
beau tympan de sculpture romane représentant
le Jugement dernier et de somptueux objets de
dévotion, dont la célèbre statuette de la Majesté
de Conques*. Les plus anciens de ces objets sont
antérieurs à la construction de l’église et remontent à l’époque carolingienne. Cependant, les
baies de l’édifice étaient garnies, jusqu’à la fin du
XXe siècle, de vitraux XIXe et XXe siècles de production courante. C’est le ministère de la Culture qui
a eu l’idée de doter l’église de vitraux. Artiste de
renommée internationale, originaire de Rodez,
Pierre Soulages (né en 1919) avait connu dans
l’abbaye ses premières émotions artistiques ; il
était donc tout désigné.
N’ayant auparavant jamais voulu réaliser de
vitraux, le peintre a ici accepté. Avant tout travail, il est retourné à Conques, pour s’imprégner du lieu. Il en a noté le caractère à la fois
massif et élancé, l’abondance des ouvertures
(cent quatre au total), observé la couleur des
pierres et la façon dont la lumière pénètre dans
l’édifice. Dans le cas de Conques, la vision extérieure de l’église, inscrite dans son paysage, est
aussi importante que la perception intérieure ;
les vitraux devaient donc être conçus dans cette
double perspective. Pierre Soulages a tout de
suite pensé qu’il fallait éviter d’apporter des
couleurs qui fassent concurrence aux matériaux
de l’architecture et a privilégié un verre blanc,
c’est-à-dire translucide, mais non transparent.
35
Le vitrail contemporain
© Patrice Thebault / CIRIC © ADAGP, Paris 2010
36
Vitraux de l’abbatiale Sainte-Foy, Conques.
Œuvre de Jean-Dominique Fleury et Pierre Soulages (1987-1994).
lumière transmutée
“À laUne
transparence qui permet à la fois au regard et à la
lumière de passer, j’ai préféré la transmission diffuse
pour plusieurs raisons : d’une part, elle efface totalement la vue de l’extérieur et fait de l’édifice un lieu
clos, protégé de toute distraction, ce qui me paraît
nécessaire à tous points de vue ; d’autre part, elle
permet aux fenêtres d’apparaître comme une surface
continuant les murs, ne les trouant pas comme le fait
la transparence. Avec cette dernière, même brouillé
par des verres dits « antiques », on peut deviner l’extérieur. (Pour y pallier, la règle cistercienne développait
le réseau des plombs en exigeant un grand nombre de
morceaux de verre par unité de surface.)
J’ai voulu que la transmission diffuse provienne non
d’un état de surface comme avec le verre dépoli,
mais de la masse même de la matière. J’ai voulu aussi
qu’elle soit variée, c’est-à-dire produisant des modulations de luminosité sur la paroi de la fenêtre. Une
lumière vivante en quelque sorte, prise dans le verre
même, celui-ci devenant émetteur de clarté.
Cette lumière, que l’on pourrait dire « transmutée », a
une valeur émotionnelle, une intériorité, une qualité
métaphysique en accord avec la poésie de cette architecture comme avec sa fonction : lieu de contemplation, lieu de méditation.
”
Pierre Soulages et Christian Heck, Conques. Les Vitraux
de Soulages, Paris, Éditions du Seuil, 1994, p. 57-59.
L’une des difficultés a été de créer le matériau
idéal. De nombreux essais ont été réalisés, dans
des verreries en France et à l’étranger, avant
de parvenir à la création des échantillons souhaités, dans la verrerie allemande de Glaskunst
Klinge : le verre est un verre blanc, mis en grains
de différentes grosseurs, puis recuit dans des
moules, pour obtenir une cristallisation plus ou
moins dense. Le verre utilisé fait 8 mm d’épaisseur et est produit en plaques de 90 x 150 cm.
De l’extérieur, il prend une teinte gris-bleutée
qui rappelle la couleur des ardoises et crée un
contraste avec les pierres des parements à dominante orangée.
Selon les termes du cahier des charges élaboré
par le ministère de la Culture, les vitraux devaient
être posés de manière traditionnelle, avec des
plombs et des barlotières. Chaque fenêtre a donc
été rythmée par quatre barlotières, pour éviter
de créer un axe horizontal. Pierre Soulages a
Le vitrail contemporain
travaillé
sur
les
espacements
des
37
plombs.
L’oblique, présente dans de nombreuses baies,
rappelle que la lumière frappe presque toujours
les surfaces de façon oblique. Elle évite des redites
avec les lignes verticales très présentes dans l’architecture de l’église. Contrairement au choix de
Jean-Pierre Raynaud à Noirlac, qui a maintenu
la bordure des vitraux pour en jouer, Pierre Soulages l’a supprimée, la jugeant redondante par
rapport au dessin des baies.
La réalisation des verrières a été confiée au verrier toulousain Jean-Dominique Fleury (né en
1946). Soulages précise qu’il a beaucoup travaillé avec lui pour l’élaboration du verre et pour
la maturation des cartons. Les plombs et les barlotières ont été remplacés par du ruban adhésif
noir, déplacé jusqu’à l’obtention du tracé voulu,
pour la mise au point des cartons, faite soit dans
l’atelier de Soulages à Paris, soit à Sète, soit dans
l’atelier de Jean-Dominique Fleury à Toulouse.
Les éléments des vitraux étaient découpés et
préparés à Toulouse puis montés sur place, à
Conques.
À l’intérieur, les baies apparaissent dans des
teintes un peu changeantes, en fonction de
© Éditions Gaud © ADAGP, Paris 2010.
la luminosité extérieure. Le verre n’étant pas
homogène, certaines lames semblent plus
grises, d’autres plus blanches ou jaunes, selon
le degré de cristallisation des grains et les propriétés réfléchissantes des verres.
Digne, ancienne cathédrale
Notre-Dame-du-Bourg (1994-1996)
Au début des années 1990, dans l’ancienne
cathédrale de Digne, devenue église paroissiale,
le clergé et la municipalité ont voulu réaménager
Baie n° 2 de la nef.
Cathédrale Notre-Dame-du-Bourg, Digne (1994-1996).
Œuvre de Gilles Rousvoal et David Rabinowitch.
l’édifice et y rétablir le culte. Ils engagent donc
un dialogue avec les responsables de l’administration culturelle et des monuments historiques.
L’église, d’architecture romane et à nef unique,
est d’ailleurs classée Monument historique.
D’emblée, la volonté est de créer des vitraux,
mais aussi le mobilier, et de traiter le sol.
Le conseiller aux arts plastiques alors en poste
à la Direction régionale des affaires culturelles
de Provence-Alpes-Côte d’Azur évoque le nom
de David Rabinowitch (né en 1943), un artiste
originaire du Canada qui s’intéresse à l’art
roman, particulièrement en Allemagne, et réalise des sculptures intitulées « constructions
métriques ». David Rabinowitch a en outre reçu
de ses parents un double héritage, chrétien et
judaïque. En 1993, le musée du Jeu de Paume à
Paris a organisé une exposition, qui a contribué
à le faire connaître en France.
L'artiste accepte de participer au projet de Digne.
Comme toujours dans un contexte à la fois religieux et patrimonial, l’opération exige nombre
de concertations entre ministère de la Culture,
responsables politiques locaux, autorités religieuses, habitants et usagers… Dans le domaine
de la création du vitrail, le dialogue entre le plasticien et le verrier est lui aussi nécessaire.
38
Le vitrail contemporain
L’église comporte neuf fenêtres à vitrer. David
Rabinowitch prend contact avec le maître-verrier Gilles Rousvoal des ateliers Duchemin, à
Paris. Lors de la première visite de l’artiste aux
ateliers, Gilles Rousvoal lui présente de nombreux échantillons de verre : David Rabinowitch
s’intéresse aux cives*, cercles de verre soufflés
traditionnels. Il axe le projet des vitraux sur la
mise en valeur de cives colorées dans des verres
clairs, transparents, et construit un programme
iconographique : les trois baies du chœur symbolisent les trois personnes divines de la Trinité
(Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit) ; la baie
du bras sud du transept*, où se trouve la cuve
baptismale, représente le Christ, à la fois Dieu et
homme. Les vitraux de la nef évoquent, quant à
eux, la parole de Dieu.
Sur le plan technique, David Rabinowitch ne voulait pas utiliser les réseaux de plomb, qui habituellement permettent d’assembler les différentes
pièces de verre. Les vitraux sont donc constitués
par collage. Dans ces conditions, plusieurs difficultés techniques ont dû être résolues. Le maîtreverrier, Gilles Rousvoal, explique l’histoire de la
réalisation.
lisé un tracé à l’échelle 1 de l’ensemble des éléments
constitutifs, qui ont servi ensuite de gabarit pour la
coupe au jet d’eau ; le crayon parcourant le tracé et
indiquant très exactement ses itinéraires à la machine
a permis une grande précision.
Pour certaines baies, il était nécessaire de recouper
les cives à la forme et aux dimensions que souhaitait
David. C’est au diamant que nous avons dû couper
ces cives. L’innovation et l’originalité exceptionnelle de ce projet résident dans la nature même de
l’assemblage verre feuilleté-cive suivant la technique
VEC (verre collé extérieur) conduisant à définir cet
assemblage comme vitrail à “verres structurels”. En
effet, les cives placées dans la feuillure offerte par les
verres feuilletés ont été collées sur ceux-ci en atelier
à l’aide d’un mastic silicone de type Rhodorsil 6B.
Tous les choix techniques faits pour la mise en œuvre
de cette réalisation par les ateliers Duchemin l’ont été
à travers la collaboration étroite entre l’artiste David
Rabinowitch, l’architecte en chef des Monuments
historiques Francesco Flavigny, le représentant du
bureau Veritas M. Foucal et moi-même, consultant
auprès des ateliers Duchemin.
”
Jean-Michel Phéline, Rabinowitch
à Digne-les-Bains, Éditions Érème, Paris, 2004.
difficulté a été la réalisation des cives ;
“parLaleurpremière
taille exceptionnelle de nos jours, 70 cm de
Le résultat montre un travail sans équivoque
diamètre pour les plus grandes, elles exigeaient du
souffleur une grande maîtrise et surtout la volonté de
tenter ce qui se révélera, mais peu le croyaient, ne
pas être impossible. Ces cives sont constituées d’un
cristal incolore doublé d’une fine pellicule de verre de
couleur, cette technique offrant l’effet le plus délicat
de la couleur et la brillance la plus pure d’une pièce
doucie au feu. C’est M. Trindade, de la verrerie des
Quatre Vents, qui est parvenu à réaliser ces cives.
Seconde difficulté : verre feuilleté de formes et d’assemblages complexes. En général, un verre feuilleté
est composé de deux verres identiques, collés l’un à
l’autre par l’intermédiaire d’un film de butyral, l’ensemble étant pressé et passant dans une étuve. Ici,
l’un de ces deux verres est composé de plusieurs éléments, laissant parfois du vide entre eux, il y a une
face granitée à l’acide fluorhydrique, mais surtout [le
verre] est, à la périphérie de la cive, de plus grande
dimension que la cive, ménageant une feuillure pour
la cive. Après avoir exprimé de nombreuses réserves
sur la faisabilité de ces verres feuilletés, l’entreprise
Macocco SA est parvenue à réaliser l’ensemble de
ces collages. Pour chaque vitrail, nous avons réa-
grande sobriété, avec une structuration de la
sur le cercle et la couleur. Les vitraux sont d’une
surface vitrée par de discrètes lignes horizontales et verticales. Les cives, plus transparentes
que les verres dépolis, forment une sorte de
miroir du monde, dans chacune des neuf baies.
Blois, cathédrale Saint-Louis
(1991-2000)
Si la façade de la cathédrale de Blois semble
pour l’essentiel Renaissance, à l’intérieur, l’architecture du
XVIIe
siècle est plus perceptible ; la
construction a été menée par un architecte des
bâtiments du roi, Nicolas Poictevin. Le traitement des murs est classique, mais les dessins des
baies et les voûtes d’ogives reprennent la tradition gothique. La cathédrale de Blois comprend
alors trente-trois baies à vitrer, l’option ayant
été choisie de maintenir les vitraux
XIXe
siècle
néo-Renaissance de l’abside.
La volonté de doter la cathédrale de vitraux
émane de Jack Lang, en 1991, alors ministre de
la Culture (de 1981 à 1986 et de 1988 à 1993) et
maire de Blois (1989 à 2000). Il souhaite que la
Le vitrail contemporain
39
commande soit confiée à un artiste de renom,
mais sans expérience préalable du vitrail. La proposition est donc adressée à Jan Dibbets (né en
1941), artiste hollandais rattaché au Land Art
et à l’art conceptuel travaillant beaucoup avec
la photographie, et en particulier en juxtaposant des vues différentes sur un même plan, ou
la déformation d’un tracé géométrique par la
perspective. Après mûre réflexion, Jan Dibbets
accepte de relever le défi. Il décide de partir du
réseau oblique, losangique, traditionnel dans
les vitraux en verre plat*, autrement dit en
verre transparent. Ce type de réseau est très utilisé dans les baies des monuments historiques,
civils ou ecclésiastiques, dépourvus de vitraux
anciens. Le losange sert d’unité de travail ; Jan
Dibbets en change cependant le module habi© Éditions Gaud © ADAGP, Paris 2010.
tuel, pour réduire le quadrillage et atténuer sa
force visuelle. Le réseau donne une contrainte,
mais aussi une unité à l’ensemble des verrières.
La proposition de Jan Dibbets diffère pour les
baies des chapelles et pour les baies hautes mais,
dans les deux cas, il souhaite donner aux œuvres
un caractère religieux. Les verrières basses reçoivent des inscriptions latines, extraites de passages de l’Écriture ou de la liturgie. Le choix du
latin, langue universelle de l’Église, s’impose
Requiem aeternam dona eis Domine.
Œuvre de Jean Mauret et Jan Dibbets (1991-2000).
Détail de la fenêtre basse, porte nord. Cathédrale Saint-Louis, Blois.
pour Dibbets alors que le clergé aurait préféré
le français. Dibbets travaille les inscriptions pour
les transformer en images, les inscrire dans la
vision globale de chaque baie. En fonction de la
signification des phrases retenues, le traitement
est différent, mais l’oblique demeure une quasi
constante, en lien avec le réseau losangique.
Dans les verrières hautes, Jan Dibbets dispose
des symboles chrétiens : poissons et raisin, aisément lisibles et compréhensibles.
La transcription de ce travail est confiée à Jean
Mauret et dure cinq ans. Jean Mauret et Jan Dibbets sont de la même génération et se rejoignent
dans le souci de rigueur géométrique et la précision du travail. Jan Dibbets attend de la précision
de la part du verrier. Il souhaite un verre presque
transparent. Les deux artistes se concertent donc
quant au choix des couleurs, recherchent des
teintes pures, fortes. Des bleus et des verts, plus
froids, sont employés au sud, tandis que des roses
et des jaunes sont privilégiés au nord.
De façon spontanée, Jan Dibbets renoue avec
la transparence, caractéristique des verrières
XVIIe
siècle, par rapport à celles des siècles antérieurs (XIIIe-XVIe). Son travail se déroule donc dans
le lieu et la tradition de la technique du vitrail,
tout en imposant sa réflexion sur l’introduction
des images dans l’édifice religieux.
Regard sur les usages du vitrail
Par des phénomènes historiques complexes, les
vitraux conservés en France se trouvent en très
grande majorité, pour les périodes anciennes,
dans des églises : en effet, de tout temps, le
conservatisme et la transmission ont été plus
forts pour les églises que dans les maisons particulières, et même dans les demeures de personnages puissants. Les modes et le souci d’avoir
un éclairage naturel plus présent ont conduit à
déposer ou à recycler les panneaux colorés qui
ornaient les fenêtres des maisons particulières.
En règle générale, dans les édifices civils du
Moyen Âge, les vitraux comportaient seulement
un panneau central coloré, dans une huisserie
par ailleurs garnie de verre blanc ; que ce pan-
Le vitrail contemporain
© 2010 Musée du Louvre / Angèle Dequier © ADAGP, Paris 2010.
40
Escalier Lefuel décoré des vitraux de François Morellet (2010). Musée du Louvre.
neau soit rond ou carré, il est dénommé rondel*
verrière des galeries La Fayette, spectaculaire
par les historiens d’art. La présence de fenêtres
verrière du Palais de la musique catalane à Barce-
garnies de verres peints témoigne de la for-
lone, par Lluis Domènech i Muntaner (1908). Le
tune du propriétaire, car les fenêtres des mai-
vitrail fait partie d’un décor, d’une architecture.
sons moins aisées sont fermées par de simples
Le vitrail de plasticien s’est quant à lui développé
toiles huilées. Les sujets représentés sont variés :
dès la Seconde Guerre mondiale en Allemagne
scènes religieuses, saints protecteurs, armoiries,
et aux États-Unis. Le musée du Louvre vient éga-
scènes de romans courtois… Quelques exem-
lement d’entrer dans ce champ, en proposant
ples en sont visibles au palais Jacques-Cœur, à
à François Morellet (né en 1926) d’intervenir
e
Bourges. Collectionnés au XIX siècle, ces rondels
dans les ouvertures de l’escalier Lefuel, l’un des
ont parfois constitué des fonds de musées.
grands escaliers des parties
Au
e
XIXe
siècle du palais.
siècle, le vitrail a fait son retour dans le
Dans les baies et les oculi, Morellet a installé
décor de l’habitat, à la faveur de la mode du néo-
des vitraux constitués de verres de deux natures
gothique ; on le rencontre parfois dans des bâti-
différentes, blanc opale et incolore. La mise en
ments civils de prestige, mais aussi chez quelques
plomb joue sur les décalages, introduisant un
particuliers, ou dans le décor des parties com-
jeu formel, très caractéristique de la démarche
munes des immeubles, où il présente l’avantage
de l’artiste.
d’être translucide, mais pas transparent. Dans
Son œuvre intitulée L’Esprit d’escalier et réalisée
les pays où l’esthétique de l’art nouveau a été
par les ateliers Loire de Chartres a été inaugurée
importante, le vitrail est présent : verrière de Jac-
au début de l’année 2010, introduisant le vitrail
ques Gruber au siège du Crédit lyonnais à Paris,
contemporain dans le décor des palais.
XIX
n
3E PARTIE La technique
La technique
du vitrail
du vitrail
La technique du vitrail
Par définition, le vitrail est une cloison, consti-
impuretés, l’empêchant d’être réellement trans-
tuée de plaques de verre qui sont découpées,
parent. Les verres à fondants potassiques sont
puis éventuellement peintes et assemblées au
par ailleurs souvent fragiles. Lorsque le pour-
moyen de baguettes de plomb.
centage de silice est plus important, le verre est
Très tôt, des vitraux sont apparus dans le monde
plus solide, mais la grisaille adhère moins. Au
antique et arabe, enchâssés dans des cadres de
Moyen Âge, on a progressivement augmenté
bois et de stuc, ou de plâtre (exemples conservés
l’utilisation des fondants sodiques pour rendre
au musée national de Damas). Les morceaux de
les verrières plus résistantes.
verre étaient disposés pour former des motifs.
Les verres étaient colorés par des oxydes métal-
L’apport du Moyen Âge occidental a été d’as-
liques, introduits sous forme de poudre dans la
sembler le verre dans un réseau de plomb, don-
pâte de verre en fusion. Si la plupart des verres
nant ainsi son essor à la technique du vitrail,
étaient teintés dans la masse, le rouge était tou-
attestée par l’archéologie dès l’époque carolin-
jours un verre plaqué*, (comportant une fine
gienne. L’histoire des vitraux dans leur rapport
couche de verre rouge, naturellement opaque),
avec l’architecture s’appréhende donc à partir
sur un verre transparent ou blanc, pour rétablir
du XIIe et surtout du XIIIe siècle.
le caractère translucide du verre.
Matériaux et techniques
À partir du
Le verre
XIVe
siècle, les verriers utilisent aussi
la technique de plaquage pour d’autres couleurs que le rouge, ce qui permet de réaliser des
Le verre est le matériau de base du vitrail. Il existe
motifs bicolores, en particulier avec l’emploi du
sans doute depuis le troisième millénaire avant
jaune d’argent.
Jésus-Christ. Très utilisé dès l’Antiquité pour la
Le verre servant pour le vitrail est produit, dès le
vaisselle, il était aussi employé en clôture dans
Moyen Âge, dans des verreries indépendantes
des cloisons de bois ou de plâtre. Le verre est
des ateliers réalisant les vitraux. Il s’agit alors de
composé de silice (du sable), de calcaire et de
verre soufflé : une technique maîtrisée depuis
potasse (ou de soude). En chauffant à très haute
l’Antiquité. La pâte de verre, chauffée dans
température (environ 3 000 °C), la silice se trans-
des creusets, peut être travaillée entre 800 et
forme en une pâte (le verre) qui se solidifie et
1 500 °C. Elle est cueillie à la canne et soufflée
devient translucide en refroidissant. L’ajout d’un
en manchon, que l’on fend quand la pâte est
fondant (potasse ou soude) permet d’abaisser la
encore malléable, pour obtenir une plaque rec-
température de fusion de la silice entre 1 200 °C
tangulaire. La plaque est alors recuite dans un
et 1 500 °C. Au Moyen Âge, la potasse provient
deuxième four, pour réduire les tensions créées
surtout des cendres de végétaux, et en particu-
au soufflage, avant d’être ramenée lentement à
lier de la cendre de fougères. La soude, souvent
température ambiante. Le soufflage du verre en
sous forme de « pierre de soude », est constituée
manchon est toujours pratiqué à la verrerie de
de cendres de plantes marines.
Saint-Just-sur-Loire, dans la Loire.
Dans l’Antiquité et au Moyen Âge, les artisans
Un autre procédé est le soufflage en plateau, ou
cherchaient à travailler à partir d’un sable aussi
en cive*. La paraison* de verre, cueillie avec une
pur que possible, mais il comportait toujours des
canne, est fixée à un bâton appelé pontil*. En
41
3E PARTIE
La technique du
La vitrail
Parabole du Bon Samaritain
© Thieery Imbert
42
Échantillonnage.
tournant le pontil, par l’effet de la force centri-
Les maîtres-verriers se procurent des verres de
fuge, le verrier élargit la paraison en un disque,
différentes teintes et de différentes épaisseurs
ou cive de verre, d’un diamètre d’environ 80 cm
et caractéristiques. Ils ont, comme aujourd’hui,
à 1 m.
dans leur atelier des stocks de verres de cou-
Comme dans la technique du manchon, les
leurs, rangés dans des casiers par catégorie, et
feuilles soufflées sont posées sur un lit de cen-
réalisent les verrières à partir de ces matériaux
dres chaudes (ou dans un four) pour la mise à
Ils ajoutent seulement quelques « couleurs »
plat et le refroidissement. Les feuilles de verre
sous forme de peinture vitrifiable : la grisaille
ont alors une épaisseur inégale, entre 1,5 et
seule, aux XIIe et XIIIe siècles, puis la grisaille* et le
6 mm environ.
jaune d’argent, à partir du XIVe siècle (voir p. 22).
siècle, le verre est produit par
Au XVIe siècle, le verrier introduit la sanguine ou
coulage*, qui donne une feuille beaucoup plus
« jeancousin »* (du nom du peintre de la Renais-
régulière, et donc plus neutre. Aux XIXe et XXe siè-
sance Jean Cousin) dont la couleur est due à
cles, les verres en relief sont obtenus par cou-
l’oxyde de fer. À partir de la deuxième moitié
lage et passage entre des rouleaux lamineurs
du XVe siècle, le verrier a aussi la possibilité d’uti-
gravés.
liser des émaux, constitués d’oxydes métalliques
À partir du
XVIIe
Les couleurs
Au Moyen Âge, les jaunes, les verts et les bleus
sont obtenus à partir d'oxyde de cuivre. Le rouge
résulte du mélange d’oxyde de cuivre calciné et
et de fondants. Les vitraux se rapprochèrent
alors des tableaux, le verrier utilisant les émaux
comme un peintre ses couleurs.
Le plomb
de fer comme cément*. Le bleu est réalisé avec de
Les différents morceaux de verre sont tradi-
l’oxyde de cobalt importé d’Allemagne, auquel
tionnellement reliés entre eux par un réseau
on additionne éventuellement un peu d’oxyde
de plombs*, baguettes coulées, dont la section
de cuivre. Le manganèse* permet de teinter les
est en H. La partie analogue à la petite barre
verres en couleur de carnation, en mauve ou en
horizontale du H est appelée « l’âme » du plomb
marron, selon sa concentration.
et correspond à l’épaisseur du verre. Les parties
3E PARTIE La technique
La technique
du vitrail
du vitrail
verticales du H sont les « ailes » du plomb, qui
À partir du patron sont réalisés le carton de
vont être serrées autour des morceaux de verre
pour les maintenir et permettre de les associer.
Les plombs sont soudés entre eux, sur les deux
faces (futures faces interne et externe du vitrail),
avec un mélange comportant un tiers de plomb
et deux tiers d’étain. La pose des plombs s’appelle la « mise en plomb ». Elle permet d’obtenir
des panneaux* de vitrail.
coupe et le carton d’assemblage. Sur le carton
Les ferrures
Les panneaux sont posés dans les baies et maintenus à l’aide de ferrures composées de barlotières*, avec leurs feuillards*, et de vergettes*.
Les barlotières sont des pièces de section rectangulaire (3 à 6 cm x 1 à 1,8 cm). Elles comportent
des pièces rapportées (pannetons*), sur lesquelles les panneaux de vitrail prennent appui.
Le panneau est placé entre la barlotière et le
feuillard, qui sont maintenus ensemble par
des clavettes*, passées dans les pannetons.
Ces ferrures sont scellées dans la maçonnerie
des baies. Dans une baie comme celle du Bon
Samaritain, cinq barlotières horizontales délimitent et supportent autant de grands panneaux
de vitrerie. Les différents médaillons ou quarts
de médaillons sont cerclés de barlotières à la
forme* et l’encadrement est maintenu par des
barlotières verticales. Autrefois, les ferrures
étaient préparées à la forge.
Les vergettes* sont des baguettes de fer, de
section circulaire ou carrée (environ 0,6 à 1,2 cm
de diamètre ou de côté), placées à l’intérieur et
fixées dans la maçonnerie. Elles sont reliées au
panneau par des attaches en plomb, soudées
aux points de jonction du réseau des plombs.
Étapes de la fabrication
du vitrail
Ces étapes n’ont guère changé depuis le Moyen
Âge.
La maquette
Un artiste peintre, ou un maître-verrier, crée
le dessin d’un futur vitrail à petite échelle
(par exemple au 1/10e d’exécution) : c’est la
maquette*. À partir d’elle, l’artiste créateur
(ou ses assistants) fabrique le carton*, patron
à grandeur d’exécution de l’œuvre, éventuellement constitué de plusieurs morceaux de papier,
carton ou autre matériau rigide.
de coupe sont reportés le réseau des plombs et
les couleurs indiquées par un code (lettres ou
chiffres). Ce carton sert à découper les calibres*
des verres à l’aide d’un ciseau à plusieurs lames
qui permet d’ôter directement la largeur correspondant à l’âme du plomb et d’obtenir ensuite
des morceaux de verre de la taille voulue. Le
carton d’assemblage est conservé tel quel, pour
servir de modèle au « puzzle » que constitue le
vitrail.
L’échantillonnage
Le maître-verrier, seul ou en accord avec l’artiste, choisit la gamme de verres qui seront utilisés pour le vitrail. Éventuellement, il les traite :
passage à l’acide des verres plaqués* pour des
effets de bichromie, etc.
La découpe
Enfin, on découpe les morceaux de verre en
s’aidant des calibres. Au Moyen Âge, la coupe
s’effectue au fer chaud. Ce procédé permet des
coupes très précises, y compris avec des angles
rentrants. Il a néanmoins été abandonné, car
la coupe est plus lente qu’au diamant, et l’entretien du brasero dans l’atelier n’est pas sans
danger. À partir du XVe siècle, la découpe se fait
avec un diamant* (pierre montée sur un sabot
emmanché). De nos jours, les verriers utilisent
aussi des roulettes.
« Avoir toujours un fer au feu »
Dans un creuset, on chauffait deux fers en
forme de pointe d’ogive. Lorsqu’ils étaient
chauds, on en prenait un, on le posait sur le
morceau de verre à l’endroit où l’on voulait
obtenir une découpe. Puis on le remettait au
feu. En mouillant le verre, par exemple à la
salive, là où le fer avait été posé, on obtenait
une fêlure. Ensuite, on reprenait le fer et on
suivait le dessin de la future découpe : sous
l’effet de la chaleur, le verre se fendait alors
à un centimètre en avant du fer, la coupe
avançant au fur et à mesure que le verrier
déplaçait son fer. Quand le fer était trop
refroidi, on le replaçait dans le creuset, et on
continuait avec le second fer. D’où l’expression
« avoir toujours un fer au feu », c’est-à-dire être
capable de travailler sans s’interrompre.
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3E PARTIE
La technique du
La vitrail
Parabole du Bon Samaritain
L’assemblage provisoire et la peinture
Une fois découpées, les pièces sont assemblées
provisoirement sur la table du verrier, maintenues en place avec de la pâte. Le maître-verrier
(ou le peintre) applique la grisaille avec le pinceau à étendre, brosse large et souple en martre
ou en blaireau. Le pinceau à filets permet de réaliser les traits. Le putois, pinceau à poils durs que
l’on tapote après avoir étalé la grisaille permet
d’obtenir un effet de granulation. À l’aide de la
hampe du pinceau, le verrier peut aussi enlever
localement la grisaille, pour figurer des cheveux
blancs, des boutons… Pour imiter des tissus
damassés, le verrier pose un pochoir sur le verre
et y applique la grisaille. Dans le cas où le verrier applique aux mêmes pièces de la grisaille
(ou plusieurs sortes de grisailles) et du jaune
d’argent, il les pose avec des liants différents,
en laissant sécher entre chaque couche de peinture. Des détails peuvent également être retravaillés à l’acide, ou avec des outils, pour dégager
une couche d’un verre plaqué.
La cuisson
Les morceaux de verre sont décollés et passent
au four pour la cuisson de la grisaille. Au Moyen
Âge, on ne procède qu’à une seule cuisson : les
cuissons multiples apparaissent plus tard, particulièrement au
XIXe
siècle −, mais elles ont l’in-
convénient de fragiliser le verre.
La mise en plomb
Les pièces de verre sont prêtes à être mises en
plomb : jusqu’au
XVIIe
siècle, elles sont grugées*
(retaillées à la pince à gruger) avant d’être
encastrées dans les plombs. Le grugeage disparaît avec la généralisation du diamant et l’utilisation des calibres*. Actuellement, le verrier
procède ensuite au masticage (introduction de
mastic sous les ailes des plombs), qui renforce
l’étanchéité et la rigidité de la verrière. Avant
le
XVIIIe
siècle, il semble que les verriers n’aient
pas utilisé de mastic, mais réalisé des mises en
plomb très soignées, en introduisant probablement des argiles pour renforcer l’étanchéité de
la verrière.
La pose
À l’aide d’échafaudages, le maître-verrier procède enfin à la mise en place des vitraux dans
les baies. Il scelle ou fait sceller les barlotières*
dans les maçonneries, puis il pose les panneaux,
en commençant par le panneau supérieur, et en
serrant au fur et à mesure les panneaux entre la
barlotière (partie extérieure) et le feuillard*.
Des attaches soudées aux points de jonction des
plombs solidarisent les panneaux de verre et les
vergettes* (baguettes métalliques placées horizontalement) et renforcent la solidité du vitrail.
Les hommes et femmes du vitrail
Tout artiste peut créer le modèle d’un vitrail,
mais la réalisation et la mise en place exigent
des savoir-faire qui n’appartiennent qu’aux verriers. Pour les XIIe et XIIIe siècles, on ne sait pas
si les peintres préparent les cartons, indépendamment des verriers. En revanche, à la fin du
XIVe siècle, en Italie, et au XVe siècle, en France, cet
usage est avéré. Au XIXe, et surtout au XXe siècle,
la collaboration du peintre, auteur du modèle,
avec un maître-verrier est fréquente. En effet,
ce dernier a la connaissance technique du verre,
de ses nombreuses variétés, des exigences de
la mise en plomb ou de la mise en place de la
verrière. Il connaît les effets du passage de la
lumière à travers la cloison de verre. Il possède
également tout l’outillage requis ainsi que des
réseaux de fournisseurs et de fabricants de verre
dont le peintre n’a pas connaissance.
Dans certains cas, le maître-verrier peut être luimême un créateur. Ainsi, Jean Mauret, qui a collaboré avec plusieurs artistes, comme Jean-Pierre
Raynaud ou Jan Dibbets, a dessiné et réalisé de
nombreuses verrières pour des églises, en particulier dans la région Centre ou en Auvergne. À
noter que les maîtres-verriers ont aussi généralement une activité de restauration des vitraux
anciens. Certains d’entre eux exercent donc leur
art dans trois registres différents : créateurs,
interprètes et restaurateurs. Leur métier, très
spécialisé, est souvent pratiqué par les membres
d’une même famille pendant plusieurs générations : Jean Mauret est lui-même fils et petitfils de verriers. Dans la famille Simon-Marq, les
maîtres-verriers se succèdent depuis le XVIe siècle.
Ce métier n’est en outre pas exclusivement
réservé aux hommes : Brigitte Simon, par
exemple, a travaillé comme maître-verrier pour
plusieurs grandes réalisations des années 1960n
1970.
Glossaire
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2000, de nombreuses églises ont été dotées de
vitraux contemporains dans le cadre de la commande
publique. Au ministère de la Culture, le Centre
national des arts plastiques est le gestionnaire d’un
fonds financier destiné à la commande publique. Les
Directions régionales des affaires culturelles peuvent
aussi intervenir. Le financement des réalisations provient donc, en tout ou en partie, des crédits du ministère de la Culture et, éventuellement, de crédits des
collectivités territoriales.
Ajour : petite ouverture laissant passer le jour.
Barlotière : pièce métallique de section rectangulaire
(largeur 3 à 6 cm x épaisseur 1 à 1,8 cm), supportant
le panneau de vitrail sur les pannetons ; la barlotière
peut constituer un encadrement pour le panneau de
vitrail. Elle est scellée dans la maçonnerie de la baie
et se trouve, après la pose, à l’extérieur de la verrière.
Elle peut être droite ou courbe. Dans le cas de barlotière comportant des courbes, on parle de barlotière
à la forme.
Boustrophédon : écriture primitive (le grec et
l’étrusque notamment) dont les lignes vont sans interruption de gauche à droite et de droite à gauche, à la
manière des sillons d’un champ tracés par des bœufs.
Calibre : pièce de carton découpée à la taille exacte
d’un futur morceau de verre, portant généralement
l’indication de la future couleur et de l’emplacement.
Carton : modèle dessiné ou peint, ayant les mêmes
dimensions que l’œuvre définitive. Le carton, exécuté
par un artiste, sert de base au maître-verrier pour
la fabrication du vitrail. Plusieurs cartons peuvent
intervenir dans l’exécution du vitrail : un carton d’assemblage, qui sera conservé entier, et un carton de
coupe, qui sera découpé en calibres.
Cément : matériau (ocre, argile) que le verrier mêle à
un oxyde métallique. Le mélange est posé sur le verre
qui est ensuite recuit. Le cément permet la diffusion
de l'oxyde métallique dans le verre.
Chapitre : communauté des chanoines d’une église
cathédrale ou collégiale.
Chef-d’œuvre : pièce de verre sertie au milieu d’une
autre pièce de telle sorte que le plomb qui l’entoure
ne se joint pas au réseau de plomb du panneau.
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Cive : disque de verre obtenu par soufflage à la
canne puis par rotation, à l’aide d’un pontil.
Claire-voie : triforium dont le mur extérieur est remplacé par des verrières.
n
Claustra : cloison ajourée.
Clavette : petite cheville plate et métallique, que
l’on passe dans l’ouverture du panneton, pour bloquer l’assemblage barlotière, vitrail, feuillard.
Commande publique : processus de création artistique, par lequel une administration demande à un
artiste de concevoir pour un lieu une œuvre, permanente ou éphémère. Au XIXe siècle et au début du
XXe siècle, la commande publique concerne surtout
des sculptures à valeur commémorative (monuments
aux morts de la guerre de 1914-1918, statue d’un
grand homme). Depuis la fin du XXe siècle (années
1960), la commande publique s’est diversifiée :
création d’œuvres d’art contemporain pour des
lieux historiques (plafond de Marc Chagall à l’opéra
Garnier, colonnes de Daniel Buren dans la cour du
Palais Royal), à l’invitation du ministère de la Culture ;
création d’œuvres d’art pour des sites industriels
désaffectés (Claude Lévêque, Uckange, 2008), pour
des lignes de tramway… Dans les années 1980-
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Coulage : procédé de fabrication du verre utilisant
l’écoulement de la matière en fusion. Pour l’obtention d’un verre plat, le coulage a lieu sur une surface
plane (marbre ou métal). Pour l’obtention d’un verre
creux, il se fait dans un moule.
Culée : massif de maçonnerie destinée à contenir la
poussée d’un arc, d’une arche ou d’une voûte.
Dalmatique : vêtement porté par les diacres dans
la liturgie catholique : la dalmatique est une sorte de
grande tunique (forme de T-shirt) à manches larges
et mi-longues. Elle descend au-dessous du genou
et est ornée sur toute sa hauteur de deux bandes
verticales.
Diamant : pointe de diamant, roulette d’acier ou,
aujourd’hui, de carbure de tungstène, utilisée par le
verrier pour rayer le verre avant de le casser à la main
en suivant le trait de coupe. La découpe au diamant
est pratiquée depuis le XVe siècle et a remplacé la
découpe au fer rouge.
Écoinçon : partie de mur placée au-dessus de la
montée d’un arc ; l’écoinçon est le plus souvent triangulaire, avec un ou deux côtés verticaux déterminés
par l’arc ou les arcs qui le limitent.
Exode : émigration des Hébreux hors d’Égypte.
Feuillard : barre en lame, moins épaisse que la barlotière, mais de mêmes longueurs et forme qu’elle,
qui est utilisée pour maintenir le panneau en place.
Le feuillard comporte des fentes, permettant de fixer
les pannetons.
Grisaille : peinture composée d’un fondant (poudre
de verre) et d’un pigment, délayés dans des liquides
afin d’être étalés sur le verre, puis cuits. En France,
au Moyen Âge, le pigment est traditionnellement
constitué de raclures (battitures) de fer. En Allemagne, le pigment était plutôt de la battiture de
cuivre. Aujourd’hui, la grisaille est constituée de
« rocaille » (silice et monoxyde de plomb fondus à
haute température).
Gruger : corriger la découpe d’une pièce de verre et
diminuer d’épaisseur ses bords à l’aide d’une pince à
gruger ou grésoir, avant la mise en plombs.
Jubé : clôture monumentale séparant le chœur liturgique de la nef. Le jubé comporte habituellement
deux autels, de part et d’autre d’une porte centrale,
donnant accès au chœur. Il comporte une plateforme
à laquelle on accède par des escaliers, et d’où l’Évangile est lu aux fidèles. Avant la lecture de l’Évangile,
le célébrant demande à Dieu de bénir le lecteur, par
une formule commençant par le mot latin « juge »,
d’où le nom de jubé.
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Lancette : arc en tiers-point surhaussé, ressemblant
à un fer de lance.
Majesté de Conques : statuette représentant sainte
Foy, sainte martyre vénérée à Conques. Elle est assise
sur un trône, d’où l’appellation « majesté ».
n
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Mandorle : sorte de grande auréole, en forme
d’amande ou d’ovale terminé par deux pointes, entourant le corps du Christ, de la Vierge ou d’un saint. Dans
l’art roman, elle est en particulier utilisée pour mettre
en valeur le Christ en trône. Par extension, forme ovale
terminée par deux pointes.
Manganèse : au sens strict, élément atomique ; il
s'agit ici d'oxydes de manganèse complexes, utilisés
comme colorants du verre et pouvant donner des
teintes variées, en particulier des marrons, des violets, des roses.
Maquette : modèle définitif, à petite échelle, d’une
œuvre d’art. Dans le cas du vitrail, la maquette est
habituellement au 1/10e de l’exécution. La maquette
est précédée par des esquisses et des études.
Nimbe : cercle figuré autour de la tête des empereurs (art antique) ou des saints (art chrétien). Selon
les cas, le nimbe symbolise donc le pouvoir ou la sainteté. Évoquant la lumière qui émane des personnes
saintes, il est souvent jaune ou doré.
Oculus : ouverture pratiquée sur un comble de
voûte, ; également appelé œil-de-bœuf.
Panneton : pièce rapportée sur la barlotière, fixée
horizontalement et formant un anneau. Les pannetons supportent le panneau de vitrail et traversent le
feuillard. Ils sont bloqués par des clavettes, qui maintiennent le tout.
Paraison : quantité de verre en fusion nécessaire à la
fabrication d’un produit verrier.
Penture : bande de métal fixée à plat sur une porte
ou un volet, dans le prolongement du gond ; elle est
en partie fonctionnelle (renfort) et en partie décorative.
Plomb : baguette de plomb utilisée pour l’assemblage des pièces de verre dans un panneau. La
baguette a une forme de H avec double rainure, où
sont insérées les pièces de verre.
Pontil : barre de fer dont l’extrémité reçoit une petite
masse de verre en fusion, à laquelle on fait adhérer
l’objet en cours de fabrication.
Quadrilobe : motif décoratif composé de quatre
arcs de cercle égaux disposés symétriquement.
Registre : dans un tableau ou une composition où
les représentations sont disposées sur plusieurs lignes
horizontales, les lignes sont appelées des registres.
Rinceau : motif décoratif comportant une tige, des
feuilles, éventuellement des fruits ou des fleurs. Le
rinceau est souvent utilisé en bordure ou en galon
dans l’art roman. Quand des animaux ou des hommes
prennent place dans le rinceau, on parle de rinceau
habité. Il est souvent composé de motifs répétitifs et
peut être couvrant pour décorer une surface.
Rondel : pièce de verre peinte au format généralement circulaire ornant une vitrerie.
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Transept : nef transversale qui coupe la nef principale d’une église et lui donne la forme symbolique
d’une croix.
Triforium : à l’intérieur d’une église, le triforium est
un niveau situé entre les grandes arcades (éventuellement les tribunes) et les fenêtres hautes. Dans les
églises romanes et les premières églises gothiques,
le triforium comporte une galerie de circulation
ouvrant, par de petites baies ou des arcs, vers la nef.
Du côté extérieur de l’église, il est muré. À partir de
1240 environ, dans certaines églises, le mur extérieur
est remplacé par des vitraux ; le triforium devient
alors une claire-voie.
Vergette : baguette de fer de faible diamètre (0,6
à 1,2 cm), servant à renforcer le maintien des panneaux de vitraux. Le plus souvent, elle est placée à
l’intérieur de la baie et fixée dans la maçonnerie.
Verre plaqué : verre généralement obtenu par soufflage en manchon, comportant une couche de verre
blanc et une couche de verre coloré ; cette dernière
peut être abrasée à l’outil ou à l’acide, pour créer des
effets de bichromie sur une même pièce de verre.
Verre plat : verre blanc ou teinté de couleur uniforme, sans peinture ni décor.
Verrière : fermeture fixe d’une baie, utilisant le verre
comme moyen de clôture.
Vitrail : technique consistant à assembler des pièces
de verre, colorées ou non, peintes ou non, au moyen
d’un réseau de plombs (ou d’autres matériaux, depuis
le XXe siècle) ; œuvre résultant de l’utilisation de cette
technique.
Biblographie
Bibliographie
Ouvrages
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Articles
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Sitographie
Sitographie
− CDDP Aube, dossiers et parcours pédagogiques. Patrimoine : les verrières de la cathédrale de Troyes.
www.crdp-reims.fr/cddp10/ressources/mediatheque/dossiers/vitrail/default.htm
− CRDP Montpellier, espaces thématiques, arts et culture, art : architecture et lumière, dossier Thémadoc.
www.crdp-montpellier.fr/themadoc/Architecture/index.htm
− Site destiné aux professionnels du vitrail et au grand public :
www.infovitrail.com
− Site du Centre international du vitrail, à Chartres :
www.centre-vitrail.org/fr/accueil, 43.html
Sitographie
− Pierre Soulages parle…, collection l'École des Arts, Scérén/CRDP de Montpellier
Présentation du DVD
L’art du vitrail
Les Vitraux du IIIe millénaire [55 min]
Réalisateurs : Laurence Adeline-Ostrowski et Daniel Adeline, © SFPROD, 2006.
Technique du vitrail [21 min 40]
Réalisateur : Serge Grave, IPN, 1962.
Maître-verrier, l’art de la transparence [00 min.]
Réalisateur : Thierry Imbert, CNDP, 2010.
DVD réalisé par le service audiovisuel du CNDP.
Chef de projet :Catherine Goupil
Crédits photo :
Les photographie de la cathédrale de Bourges ont été réalisées par Philippe Bardelot
© Ph. Bardelot.