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Ils vivent sur un blockhaus depuis 37 ans

La famille Docquois, sans le savoir, a fait bâtir, à Écault, une maison sur un terrain sous lequel était enfoui un vestige du Mur de l’Atlantique.

Temps de lecture: 4 min

Cette histoire est incroyable ! C’est celle des époux Docquois, qui habitent une maison située rue Jacques-Duclos, sur les hauteurs d’Écault. Cela fait exactement 37 années qu’ils ont fait construire leur résidence principale. Quasiment quatre décennies que Francis et Francine Docquois vivent dans leur maison… mais également au-dessus d’un véritable bunker, aussi vaste que l’habitation. « Vous voulez découvrir mon blockhaus ? », lance Francis, alors que nous venions tout juste de sonner à sa porte. Nous étions justement là pour ça!

Véritable vestige de la Seconde Guerre mondiale

Le propriétaire des lieux nous invite donc à entrer chez lui. D’une pièce à une autre, nous parvenons à une petite porte dérobée. « C’est là, indique-t-il. Attention à la tête et regardez où vous mettez les pieds, nous allons descendre. » En moins de deux, nous nous retrouvons au sous-sol de l’habitation, quatre à cinq mètres plus bas, non pas dans une cave mais bien à l’intérieur d’un blockhaus. Pas besoin d’être être spécialiste pour comprendre que le vestige date bien de la Seconde Guerre mondiale.

Comment tout cela est-il possible ? « Il y a 37 ans, quand j’ai acheté ce terrain pour y construire une maison, je n’avais pas connaissance de l’existence de ce blockhaus, affirme le retraité, âgé désormais de 74 ans. Je ne l’ai appris que six mois après l’entrée dans notre maison. » À l’époque, Francis perçoit des bruits anormaux. « Il fallait avoir l’oreille fine, se souvient-il. Ça faisait comme un bruit de résonance. » Il décide alors d’en parler au constructeur de sa maison. « Je lui ai réclamé de consolider la chape de béton, rapporte-t-il. Il m’a répondu que ce n’était pas possible car ma maison était construite sur un blockhaus. »

Une surface de 50 m2 environ

37 ans en arrière, Francis Docquois aurait pu attaquer le constructeur devant les tribunaux. Il a préféré jouir du blockhaus en question. « Le vestige avait été remblayé de terre, précise-t-il. Ça a duré plusieurs années, mais j’ai enlevé à la pelle des centaines, voire des milliers de seaux de terre.   J’ai tout remonté à l’aide d’une échelle. » C’est ainsi que l’habitant a mis à nu un blockhaus composé de plusieurs pièces, le tout représentant environ une surface de 50 m2. Un sacré sous-sol, tombé quasiment du ciel. « Un beau jour, j’ai vu les impôts débarquer, narre-t-il en guise d’anecdote. Ils ont mesuré la surface et m’ont dit qu’ils m’offraient (fiscalement parlant, ndlr) les deux petites pièces sur les côtés. Je leur ai répondu que c’étaient les Allemands qui me les avaient offertes. Depuis, j’ai dû payer deux impôts, un pour mon habitation, l’autre pour l’occupation du blockhaus. »

Quand il a souhaité utiliser le vestige et le transformer en vaste sous-sol, Francis Docquois est allé de surprise en surprise. « Un jour, j’ai découvert une salle qui était remplie de munitions, dont de nombreuses mines antichars, affirme-t-il. J’ai également mis à jour un souterrain qui menait à un autre blockhaus situé sur les hauteurs du quartier Manihen à Outreau.» À quoi pouvait bien servir ce vestige épais de plusieurs mètres ? « Je pense que c’était au départ un poste d’observation, car il y avait encore un périscope dans l’une des pièces, avance le retraité. Regardez ces crochets, montre-t-il au plafond. Ils servaient à accrocher des hamacs. Les soldats allemands, surtout les gradés, se réfugiaient ici lors des nombreux bombardements alliés. »

Une liste de noms

Un jour, Francis découvre un petit tube en cuivre au contenu surprenant. « Il y avait à l’intérieur une liste de noms, se rappelle-t-il. Des femmes qui, visiblement, avaient succombé aux charmes de l’occupant. » Il n’en dira pas plus mais précisera tout de même : « C’est comme cela que j’ai appris que beaucoup de femmes d’Écault avaient couché avec les Allemands.»

Francis Docquois descend de moins en moins dans sa cave… ou dans son blockhaus, il n’en a plus guère l’utilité. « Les marches pour y parvenir sont usantes pour mes vieilles jambes, met en avant le retraité. Il y a quelques années, mes enfants s’en servaient pour organiser des soirées privées. Tous les gamins d’Écault sont venus danser dans ce blockhaus. »

Une histoire qui n’aurait peut-être jamais vu le jour, ou qui ne serait pas remontée à la surface, sans la bonne oreille de Francis Docquois.