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JEAN QUENTIN


Officier commensal de la Maison du Roi Louis XIV :
Perruquier ordinaire vers 1673 puis Porte-manteau (1676),
Premier barbier en survivance (1676) puis en titre (1679) dans les quatre quartiers,
Premier valet de la garde robe (1 charge en 1690 et une autre en 1697) jusqu'en 1717,
Maître d'hôtel 1704-1707.


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Portrait de Jean Quentin, gravure par Jogan en 1776, d'après François de Troy (1645-1730),
conservé au département des Estampes de la BNF
et les armes de la famille Quentin avec pour devise : "Semper Stabit Claritas"
Jean Quentin était un bon homme, qui se tenait obscurément dans son état, et qu'on ne voyait jamais qu'en fonction auprès du roi, mais Mme Quentin, bien faite, polie, fort à sa place, douce, obligeante et sachant fort bien le monde, joua un rôle plus important à la cour. (voir les Mémoires de Saint-Simon).




Ecuyer, baron de Champlost (dans l'Yonne ou Champagne Bourguignonne, achetée 7.500 livres), seigneur de ce lieu, de Villiers-sur-Orge, de Mercy et Vachy (Yonne), d'Epine-la-Raye, Bois-la-Raye et autres lieux, auteur de la branche des barons de Champlost.

Il existait, à cette époque, une catégorie d'hommes et de femmes oubliée par l'histoire et peu connue de l'opinion : les domestiques commensaux du roi. Lorsqu'on se représente le château de Versailles, on imagine aisément une cour chatoyante et nombreuse, mais on ne connaît guère ceux qui œuvrent en coulisse pour faire fonctionner cette immense machinerie. Les serviteurs du monarque parcourent en silence les couloirs du palais, tout entier consacrés au service de leur maître et de sa famille. Gentilhomme servant, valet de chambre, médecin, mercier de la garde robe, ils sont originaires de toutes les strates sociales du royaume, peuvent être gentilshommes d'épée, juristes ou artisans, et forment l'ensemble le plus hétérogène de l'époque. Un seul point les rassemble : leur "commensalité". En effet, en échange de leur service, ces domestiques sont nourris, blanchis et bien souvent logés près de leur maître. Ils partagent ainsi avec lui des moments d'intimité que le roi n'offre à personne d'autres, si ce n'est aux membres de sa famille ou à sa maîtresse officielle. Un grand nombre de privilèges, exemptions et franchises leur sont proposés au titre de cette proximité unique en son genre. L'amitié qu'ils peuvent parfois entretenir avec le prince, les nombreux privilèges commensaux, l'importance politique et stratégique de leurs charges leur permettent souvent d'effectuer un véritable bond social au sein d'une société d'ordres définitivement ouverte.





Jean Quentin était issu d'une famille ancienne, originaire de Bretagne que les troubles qui désolèrent cette province du temps de la duchesse Anne forcèrent à s'établir en Touraine ; le Nobiliaire universel de France 1 précise qu'un membre de la famille Quentin serait venu s'établir en Touraine, peut-être à la suite de cette princesse qui épousa le roi Charles VIII à Langeais le 6 décembre 1491. C'est en tout cas ce qu'attesterait un certificat délivré à Loches le 20 juillet 1781 et cité par Saint-Allais, précisant que cette famille était établie en Touraine depuis 300 ans.

Il est né à La Celle-Saint-Avant en 1637, de René Quentin, souvent orthographié Quantin, et Antoinette Binet, que l'on trouve prénommée René dans l'acte de baptême de son fils François, mais il s'agit sûrement d'une inadvertance du rédacteur car dans tous les autres actes elle a pour prénom Antoinette ou Toinette. Elle était la tante de Benoit Binet, qui doit être le célèbre perruquier de Louis XIV, qui faisait des perruques si extravagantes qu'on les désignait sous le nom de "binettes"...d'où l'expression avoir une drôle de binette. Certains prétendent cependant que ce fut son fils François Quentin qui fut le créateur de cette perruque dite à la binette nom qui aurait été emprunté à sa mère. Le chapelle Notre-Dame de Richebourg, sur les ponts de Beaulieu-les-Loches, contenait des armoiries de gueule damasquinées de sable, au chef d'or chargé de trois croix recroisetées au pied fiché d'azur qu'on dit être celle des Binet, au bas desquelles est l'écusson de celles des Quentin. (sentence du 18 août 1778). Ce serait donc bien aux Binet, marquis de Jasson, barons d'Andigny etc . que seraient alliés les Quentin. Petit-fils de Françoise d'Argouges, il se trouve ainsi cousiner avec les d'Amphernet. Restant dans les cousinages, notons que l'arrière petite fille de son cousin germain André Quentin, a épousé Jean-Baptiste Bonnin de la Bonninière de Beaumont, dont descend la comtesse O'Mahony, et auquel elle apporta notamment la seigneurie de Fontenay et une maison à Tours.

Jean était présent, le 16 novembre 1672, à l'église Saint-Julien de Versailles, témoin au mariage de son frère François. Il travaille alors dans la boutique de barbier de son frère et est simplement qualifié bourgeois de Paris, n'ayant encore aucune charge.

Berthier, généalogiste des ordres du roi, écrit le 19 avril 1787 à propos de Jean Quentin et de son frère François : On observe que deux généalogies manuscrites dont le nom de l'auteur est ignoré mais qu'une note mise à côté par M. Chérin apprend avoir été écrite de la main de M. Boulin conseiller en la cour des aides, conservée au cabinet de l'ordre du Saint-Esprit, donnent pour père à ce François et à Jean son frère, tige de la branche de M. de Champelost, un nommé Quentin, dont elles n'indiquent point le nom le disant né dans un état médiocre en la terre des Ormes Saint-Martin, lors appartenant à M. Pressart, conseiller au Parlement ajoutant que ce conseiller attacha à son service le même François et que le retrait de la terre de Richebourg, exercé par celui-ci avait été fait par connivence et pour se donner une origine noble, comme issu des seigneurs de Richebourg, on ne doit pas dissimuler que les faits et assertions sont de pures allégations inventées, qu'ils ne sont appuyés d'aucun titre, qu'ils sont dénués de toute vraisemblance et que l'auteur anonyme de ces généalogies est le seul qui les ait avancés, ils sont même opposés aux actes rapportés sur le degré de ce sujet et sur celui de son père, on y voit que celui-ci est né à Tours, qu'il est marié à la Selle-Saint-Avant, au diocèse de Tours, où il fait le plus constamment sa demeure et ensuite à la Haye, mais aucun acte ne prouve qu'il ait habité les terres des Ormes (...) M. Chérin, qui avait aussi fixé son opinion sur l'origine de cette famille d'après les deux généalogies ci-dessus mentionnées en avait pris une bien différente sur la communication qui lui avait été donnée du contrat de mariage de Jean Quentin tige de M. de Champlost et sans la considérer comme anciennement noble il la considérait du moins comme honorable, à l'égard de la sentence des Requêtes du Palais du 28 juin 1700 portant adjudication de la terre de Richebourg (...) et une autre sentence du 18 août 1778 a rectifié cette ascendance dans l'état où elle doit être.

Jean Quentin fut un homme de génie à sa façon. L'auteur des Recherches historiques sur les perruques nous apprend que c'est de 1666 que doit dater la véritable naissance des perruques. Avant cette époque, elles étaient formées de matières diverses, préparées sans art, arrangées sans goût. Pendant que son frère François, barbier valet de chambre du Roi depuis 1670, rasait, peignait les cheveux naturels du Roi, ajustait sa perruque et causait avec lui des intérêts des princes et des bruits de la cour, Jean Quentin travaillait en secret à sa perruque d'un nouveau système. La protection de Louis XIV enflamma le génie de barbiers ; et tandis que Perrault construisait le Louvre, que Riquet creusait le canal de Languedoc, et Racine concevait Phèdre, le sieur Quentin imaginait de passer les cheveux au four, enfermés dans une pâte protectrice, de les tresser ensuite à leur extrémité, et de les coudre, ainsi préparés, sur une coiffe élastique et légère. Alors perruquier ordinaire du roi, il se fit ainsi connaitre en 1673 par l'invention des perruques au métier pour laquelle il reçut le 31 mai un privilège de deux ans de les fabriquer, perfectionner et vendre2. Puis le roi le patronna en lui accordant un privilège donné par lettres patentes datées du 17 octobre 1675 en vertu desquelles le sieur Quentin a droit et privilège de faire par tout le royaume toutes sortes de perruques au mestier. Ce privilège de faire et débiter seul ces fameuses perruques souleva une très sérieuse et très longue querelle. La corporation des barbiers-perruquiers-étuvistes protesta, ses jurés s'opposèrent à l'enregistrement du privilège. Le Parlement temporise. "La Vienne" (François Quentin, frère de Jean) intervient sans doute auprès du roi, à cette heure favorable où les barbiers sont écoutés ; Louis en parle à Colbert, puis Colbert à Seignelay. Les choses trainent, et Seignelay est contraint d'en référer au lieutenant de police de Paris Gabriel Nicolas de La Reynie par une lettre du 17 février 1676 : Le roy estant informé que les barbiers et perruquiers de Paris se sont opposés à l'enregistrement du privilège que Sa Majesté a accordé au sieur Quentin pour faire et débiter luy seul les perruques de la manière portée par le dit privilège, Sa Majesté m'ordonne de vous dire qu'elle veut que vous fassiez les diligences nécessaire pour faire enregistrer le dit privilège, sans s'arrester à l'opposition". Un an après, l'affaire n'est pas plus avancée, car Seignelay écrit encore à de Harlay, le 19 février : "Je vous écrivis l'année dernière pour l'enregistrement d'un privilège accordé au sieur Quentin, perruquier ordinaire du roy, de faire faire et débiter seul les perruques faites au métier. Mais ledit sieur Quentin ayant fait entendre à Sa Majesté par un placet que ses lettres ne sont pas enregistrées, Sa Majesté m'ordonne de vous dire qu'elle souhaite que cette affaire soit promptement terminée et que vous m'informiez des raisons de ce retardement". Il ne fallut donc pas moins que l'intervention toute puissante de Louis XIV qui fit agir plusieurs fois Colbert, pour que le Parlement enregistre le privilège le 20 février 1677. Le sieur Quentin traita alors de son privilège avec sa corporation, mais vingt-quatre des deux cents barbiers-perruquiers protestèrent contre le marché et Colbert prit lui même la plume ; le 7 janvier 1681 il écrivit au procureur général que le Roi souhaitait que le contrat fut promptement enregistré, et le parlement ne résista pas plus longtemps. Ainsi finit cette affaire qui avait duré six ans de procès, deux ou trois refus d'enregistrement, et des avis du Roi qui valaient lettres de Jussion, et "occupé le Roi autant que cent monarques auraient pu faire" pour mettre M. de Villiers (Jean Quentin était alors seigneur de Villiers-sur-Orge) en paisible possession de son privilège .


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Arrêt du Roi
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Dans son roman Le roi des ombres (Robert Laffont, 2012), Eve de Castro imagine ainsi Jean : "Il avait peu d'imagination mais les doigts agiles et l'esprit courtisan. Il s'ingénia à plaire à qui pouvait servir sa carrière et y réussit parfaitement. Ses clients devinrent ses protecteurs, ces protecteurs chantèrent ses louanges, la famille royale y prêta une oreille puis les deux, et ainsi, de bouclette en courbette, la fortune du barbier perruquier Jean Quentin s'affermit."

Quentin, ainsi est-il nommé par les éditorialistes du temps, a bientôt une charge de porte-manteau, ayant le quartier de juillet, à 600 livres de gages 3. Comme les onze autres porte-manteaux, il a la qualité d'écuyer et son office lui assure le droit d'entrer à cheval derrière Sa Majesté, partout où elle va , et de monter à cheval dans la cour du Louvre, ce qui n'appartient pas à tout le monde. Les porte-manteaux ont l'avantage de faire toujours leur service l'épée au côté. Ils se trouvent tous les matins au lever du Roi, et à certaines autres occasions comme au dîner, au souper et autres collations, où ils reçoivent du Roi le chapeau, les gants, la canne et même l'épée que Sa Majesté leur donne en garde. Ils se trouvent aussi à la chasse, à la promenade, à la Paume, au billard ou bien même au bal. A certaines cérémonies où le Roi a un manteau de parade, c'est le portemanteau qui lui ôte ou remet sur les épaules en l'absence du grand-maître de la garde-robe.

Puis il obtient, le 23 mars 1676, la survivance des quatre charges de "barbier valet-de-chambre" que posséde son frère François Quentin dit La Vienne, et qu'il remplace le 20 décembre 1679, lorsque La Vienne passe premier valet de chambre 4. Les gages étant de 700 livres par charge, cela lui rapporte donc 2 800 livres. Il devient, à son tour, constamment de service auprès du Roi, ayant les quatre quartiers : lors du lever du Roi, après la première entrée, Le Roi suffisamment peigné, le sieur Quentin, qui sert toute l'année, comme ayant les quatre charges de Barbier, et qui a le soin des perruques de Sa Majesté, lui présente ma perruque de son lever, qui est plus courte que celle que Sa Majesté porte ordinairement et le reste du jour. Sa Majesté ayant mis sa perruque, les officiers de la Garderobe s'approchent pour habiller le Roi qui fait entrer en même temps sa "chambre" 5. Un contrat passé devant notaire le 2 avril 1681, en la demeure du sieur Quentin, au dit Saint-Germain-en-Laye, le Roi y estant, qualifie notre perruquier de noble homme Jean Quentin, valet de chambre, barbier et perruquier ordinaire du Roi, de présent en cour à Saint-Germain-en Laye 6.


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François Quentin, dit "La Vienne", premier valet de chambre de Louis XIV, "tenant le carreau"
lors de la prestation de serment du chancelier Phélypeaux, le 9 septembre 1699 (croix or).

Déjà titulaire d'une charge de barbier, il en acquit trois autres en 1670 afin d'être constamment auprès de Louis XIV. Lorsqu'il devint premier valet de chambre du Roi en 1679, il abandonna ses charges de barbier du Roi à son frère Jean qui a son tour put être constamment de quartier auprès du roi. Ce François Quentin de la Vienne est la souche des Quentin de Richebourg, marquis de Champcenetz, terre qu'il acquit et fit ériger en marquisat en 1686. Cette branche a notamment compté le dernier gouverneur du château des Tuileries. Barbier-perruquier et étuviste, sa maison de bains à Paris était fréquentée par le roi. Il acheta le 22 décembre 1670 la charge de barbier valet de chambre du roi puis trois autres charges similaires sur les huit existantes ; premier barbier de sa majesté, premier valet de chambre ordinaire du roi, commissaire des guerres et à la conduite des gendarmes de la reine, conseiller du roi en ses conseils.


Comme nous le voyons, Jean Quentin était entré à la maison civile du roi et ainsi devenu un de ces officiers commensaux qui feront la fortune de leur descendance. Son frère et lui firent l'acquisition de charges de premier barbier, premier valet de garde robe, premier valet de chambre, maître d'hôtel, toutes charges achetées généralement fort cher. Ayant titre de valets de chambre du roi, ils étaient comptés au nombre des officiers de la maison et avaient bouche à la cour, à la table dite des Valets de Chambre. On peut lire dans L'Etat de la France de 1702 que "le sieur Quentin a 800 livres à prendre à la Chambre des deniers pour ses livrées ou sa bouche à Cour".

Le barbier avait pour fonction de peigner le roi tant le matin qu'à son coucher, lui faire le poil, nettoyer les dents, et l'essuyer aux bains et aux étuves, et après qu'il a joué à la Paume. L'activité du barbier était très importante car le monarque changeait de perruque plusieurs fois par jour. Il commençait par en coiffer une à son lever, il en changeait lorsqu'il allait à la messe, une nouvelle perruque l'attendait après son dîner, une autre après son retour de la chasse ou de la promenade ; il s'en couvrait d'une dernière avant d'aller souper. D'autres changements n'étaient pas exclus dans la journée. Les barbiers avaient également comme fonction de faire la barbe du roi, et ce, durant le règne de Louis XIV, un jour sur deux. En outre ils avaient en charge la toilette du roi qui, contrairement à ce qu'on dit souvent, était d'une propreté presque fanatique : il avait fait construire le superbe appartement des bains, on le frottait à l'alcool chaque matin avant la cérémonie du lever et il changeait de linge trois fois par jour.

En 1668 François Félix, alors premier chirurgien du Roi, avait acquis aussi la charge de premier barbier, et ayant ainsi réuni en sa personne les deux offices, il obtint le 6 aôut un Arrêt du Conseil et des Lettres patentes, par lesquelles les privilèges et droits auparavant attribués à la charge de premier Barbier du Roi, furent désunis et séparés du Corps de cette Charge, et iceux unis et incorporés à celle de premier chirurgien. Il avait le titre de chef et garde des chartes, statuts et privilèges de la chirurgie et barberie du royaume. Il y avait huit barbiers valets de chambre servants par quartier (2 par quartier), ayant à eux huit la charge de premier barbier du roi que leur avait cédé par brevet de 1669 François Félix devenu chirurgien du roi, et dont ils devaient se partager les revenus. Ils avaient bouche à la Cour, à la table dite des Valets de Chambre. De plus ils avaient chacun chez le roi 700 livres de gages payées par les Trésoriers de la Maison, 150 livres de récompense au Trésor Royal et 100 francs pour fournir les peignes et les poudres de senteur, 500 livres tant de gages que de récompense au Trésor Royal et de plus 1 écu par jour pour leur dépense de bouche, à la Chambre des Deniers. Ils gagnaient en plus 250 livres supplémentaires, leur part de la charge de premier barbier du roi. Deux des barbiers furent attachés à Louis de France, le dauphin, chacun six mois. Ils avaient le droit de tenir ou faire tenir boutique en telle ville du royaume qu'ils voudront choisir leur domicile, même à Paris. Ils louaient chacun leur privilège à Paris ordinairement cent écus ; M. Quentin qui avait quatre charges, touchait donc 150 livres. Les Barbier pouvaient avoir chacun deux garçons en cette boutique, qui sachent la chirurgie.

L'auteur de l'Etat de la France de 1708 explique : Avant que le Roi se lève, le sieur Quentin qui est le Barbier, qui a soin des perruques, se vient présenter devant Sa Majesté, tenant deux perruques ou plus, de différente longueur ; le Roi choisit celle qui lui plait, selon ce qu'il a résolu de faire dans la journée.

La confection de perruques et des accessoires de coiffure était chose sérieuse, et réclamait un savoir faire important. Jean Quentin, devenu à son tour principal barbier du roi, passe contrat avec un perruquier de Lille qui s'engageait à fournir et livrer audit sieur Quentin en la ville de Paris, chez Monsieur Binet, rue Coquillière, près de la rue des petits champs, toutte les quantités des meilleurs cheveux qui se pourront trouver d'une bonne longueur, et de la couleur convenable au roi, ensemble toute la quantité de bons cheveux naturellement frisée pour le front et l'ornement du visage et de la couleur de sa Majesté 7.

Dans ses Mémoires complets et authentiques 8, le duc de Saint-Simon raconte en 1697 comment les deux frères Quentin, nommés Lavienne et Cantin, arrivèrent au service du roi : Ce Lavienne, qui avait fait plus d'un métier, était devenu baigneur, et, si à la mode, que le roi, du temps de ses amours, s'allait baigner et parfumer chez lui ; car jamais homme n'aima tant les odeurs, et ne les craignit tant après, à force d'en avoir abusé. On prétendait que le roi , qui n'avait pas de quoi fournir tout ce qu'il désirait, avait trouvé chez Lavienne des confortatifs qui l'avaient rendu plus content de lui-même, et que cela, joint à la protection de madame de Montespan, le fit enfin premier valet de chambre . Il conserva toute sa vie la confiance du roi (...) Lavienne, qui avait passé sa vie avec les plus grands seigneurs, n'avait jamais pu apprendre le moins du monde à vivre. C'était un gros homme, noir, frais, de bonne mine, qui gardait encore sa moustache comme le vieux Villars, rustre, très-volontiers brutal, pair et compagnon avec tout le monde, et ce qui est plaisant, parce qu'il n'en savait pas d'avantage (car il n'était point glorieux, et n'avait d'impertinence que l'écorce), honnête homme, ni méchant ni malfaisant, même bon homme et serviable. Il avait poussé son frère Cantin qu'il avait fait barbier du roi, puis premier valet de garde-robe. Celui-ci était un bon homme qui se tenait obscurément dans son état, et qu'on ne voyait jamais qu'en fonction auprès du roi.





Jean épouse le 8 avril 1676 au Pecq, église Saint-Wandrille, Marie Angélique Geneviève Poisson, de vingt ans sa cadette. Le contrat avait été rédigé le 3 avril et signé par le roi, la reine, le dauphin, les duc et duchesse d'Orléans, at autres hauts personnages de la cour. Les Poisson dotaient leur fille de 45 000 livres et le futur déclarait 65 000 livres de capital (voir ici le contrat). Née à Paris, paroisse de Saint-Germain-l'Auxerrois, le 15 octobre 1657, la mariée est la fille de Jean Poisson, Premier apothicaire du corps du roi et valet de chambre du roi, du dauphin et des enfants de France, seigneur de Souzy, dans l'Yonne et de Marie, fille de François Baranjon, aussi apothicaire et valet de chambre du Roi. Elle passa une enfance partagée entre Paris, Versailles et Souzy, où, le 25 août 1673 elle porta sur les fonts Alexandre Jozand, fils d'un jardinier du château, baptisé dans l'église de Souzy. Il ne faut pas confondre cette famille Poisson avec celle de la marquise de Pompadour, comme cela arrive parfois.


  

Registre de la paroisse Saint-Wandrille du Pecq 1668-1678, vues 115 et 116

Cejourd'hui huitième dudit mois et an que dessus, après les fiançailles et publication des bans entre Jean Quantin, perruquier et porte manteau du roi et Marie Angélique Magdeleine Poisson, fille de noble homme Jean Poisson, apothicaire et valet de chambre ordinaire du Roi, et de demoiselle Marie Baranjon, auxquelles publications personne ne se soit opposé comme il nous est apparu par la dispense de monseigneur l'archevêque du cinquième du présent mois, nous soussigné leur avons donné la bénédiction nuptiale en la chapelle de Madame Marie Le Gagneux, veuve de défunt François Baranjon, vivant apothiicaire et valet de chambre du Roi ; le dit marié assisté de François Quantin, écuyer, sieur de la Vienne, son frère, et de Benoit Binet, son cousin, et la dite mariée assistée du dit sieur Poisson, son frère, et de Louis et autre Louis Baranjon, ses oncles, et tous les autres parents et amis qui ont signé.






Le château de Souzy

Si le château de Souzy-la-Briche, près d'Etampes, fut reconstruit au XIXe siècle, et est maintenant une résidence présidentielle, l'église paroissiale placée singulièrement au milieu du canal situé dans son parc existait déjà du temps des Poisson. On y accédait par un pont construit devant le portail. C'est le frère d'Angélique qui en hérita. Le château passa en 1719 aux Cousinet, par mariage.




Contrat de mariage : Signatures du Roi [Louis XIV], de la Reine [Marie-Thérèse d'Autriche] et de du Dauphin,
suivies de celles du Duc d'Orléans, dit "Monsieur", frère unique du Roi, de son épouse [Elisabeth Charlotte de Bavière, seconde épouse], et "Mademoiselle" fille de "Monsieur", plus tard reine d'Espagne.


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Les époux demeurent à la cour de Versailles. Le 19 juin 1677 nait à Paris Jean, le premier enfant d'une fratrie qui en comptera quinze.

En décembre 1679, alors que Jean récupérait les quatre charges de barbier valet-de-chambre du Roi, et possédait une assurance de 30 000 livres, Marie-Angélique était retenue comme une des femmes de chambre de la princesse "Marie-Anne-Christine-Françoise-Thérèse-Josèphe-Antoinette-Cajetane-Hyacinthe-Félice-Victoire", sœur unique de l'Electeur de Bavière, laquelle épousa le Dauphin Louis le 7 mars 1680. Son brevet est daté du 18 janvier 1680. Cette charge, somme toute peu importante (120 livres de gages annuels), la plaçait néanmoins dans l'entourage royal, surtout après le décès en 1683 de la Reine, la Dauphine devenant alors la première dame de la Cour. La femme de chambre de la princesse, comme le valet de chambre des princes, était présente pour l'habiller et la coiffer au lever, lui servir ses repas quand elle les prenait dans ses appartements, la déshabiller au coucher, etc.

Le 10 juin 1681, Jean Quentin sacrifiant son intérêt personnel à l'utilité publique, cède à la communauté des barbiers perruquiers de Paris, son privilège pour la fabrication des perruques au métier pour la modique somme de 30 000 francs.

Le 2 décembre 1682, Sébastien Quentin, né l'avant-veille à Paris, est baptisé à Saint-Julien de Versailles. Le parrain est Sébastien Chauveau, secrétaire de la surintendance de la Reine, et la marraine est Maris Poisson, sa tante. Jean est alors qualifié de barbier valet de chambre ordinaire du roi et son épouse femme de chambre de madame la dauphine. Sébastien est le quatrième enfant du couple, Marie-Angélique et autre Jean étant nés avant lui.

Le 30 juillet 1683, la reine étant morte, la dauphine devient la première dame de la cour et la position de Marie-Angélique en devient beaucoup plus importante. Elle met néanmoins au monde Louis, baptisé le 9 décembre 1683, toujours à Saint-Julien de Versailles. Jean est alors qualifié de premier barbier du roi et son frère François, époux de la marraine, de premier valet de chambre du roi. Le 27 avril 1685 Jean baptise sa fille Olympe Angélique à Notre-Dame de Versailles. Son titre d'écuyer se trouve mentionné pour la première fois et il est qualifié barbier et valet de chambre du roi. Le parrain est un secrétaire du roi, contrôleur général de la Grande Chancellerie. Le 7 mai 1686 il est qualifié maistre Jean Quentin, equier [écuyer], premier barbier et valet de chambre ordinaire du roi au baptême de son fils Louis Philibert.

En 1687, Marie-Angélique reçoit par donation de ses parents en indivis avec sa sœur Olympe, la moitié des terres et seigneurie de la Gandinière, situées à Angers

Le 29 janvier de la même année, Jean achète la seigneurie de Villiers-sur-Orge au fils aîné de la marquise de Brainvilliers, Claude Antoine Gobelin, comte d'Offemont, et à son frère Louis. Il est qualifié dans l'acte de vente de premier Barbier et Valet de Chambre du Roi Louis XIV 9. Il obtient du Roi des lettres patentes par lesquelles S.M. lui fait don du droit de haute-Justice de sa seigneurie de Villiers-sur-Orge, données à Versailles en juillet 1689 10 et enregistrées au Parlement de Paris le 9 janvier 1690. Il en rendit hommage aux mains du chancelier le 13 septembre 1690. Seigneur et haut justicier de sa terre, il voulut en avoir tous les profits ; il obtint du Roi de pouvoir chasser au chien courant avec un homme (29 janvier 1691 11), mais le capitaine des chasses de Montlhéry lui permit de se promener le fusil à la main, seul et sans chien. Le Roi intervint encore et le maintint dans son privilège. Cette acquisition lui permit de se faire appeler Monsieur de Villiers.




La "Seigneurie", édifiée sous Henri IV, résidence des seigneurs de Villiers-sur-Orge
Habitation d'une architecture dépouillée, de 50m de long sur 7m de large, entourée d'un terrain d'environ 1ha clos de murs. Elle comporte un rez-de-chaussée (salon, salle à manger, cuisine etc.) surmonté d'un étage mansardé composé de 4 chambres à feu et 4 chambres froides.




Sur l'acte de naissance de ses jumeaux René-Joachim et Marie-Catherine (notre ancêtre) le 23 mars 1690, il est qualifié de barbier et valet de chambre du roi. Le 24 juin 1691, il enterre Marianne, née la veille. Il est qualifié premier barbier du roi, charge qu'il avait également récupérée.


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Registre de Notre-Dame de Versailles 1689-1690 -vue 99/108-
Le parrain de Marie-Catherine est Nicolas Duport, huissier de l'antichambre du Roi
et sa marraine est l'épouse de Gilles du Caroy, maître d'hôtel du Roi.




Le 20 avril 1690, la Dauphine meurt à 29 ans. Marie-Angélique, qui n'avait sans doute pas une vie très agréable auprès de cette princesse triste et malade, perd de fait sa place. Cette même année 1690, Jean se démit de sa charge de barbier valet de chambre du roi qui'il cumulait avec cellede porte-manteau du roi depuis 1676. Par brevet du 2 aoûtle roi accorda la survivance du démissionnaire à un dénommé Jean Bidault.

Moyennant la somme de 104 000 livres, le couple Quentin acquiert la charge de premier valet de garde-robe du Roi, de Jean Talon, conseiller du Roi en ses Conseils et secrétaire du cabinet de S.M., par acte passé devant Henri et Defnots, notaires à Paris, le 4 mai 169212; dans l'inventaire après décès du sieur Talon, se trouve "la grosse en parchemin d'un autre contract passé pardevant Desnots et Hemy, l'un des notaires soussignez, le quatriesme jour de may mil six cens quatre vingt douze, par lequel ledit feu sieur Talon a vendu sous le bon plaisir du Roy à Jean Quentin, escuyer premier barbier et valet de chambre de Sa Majesté, la charge de premier valet de garderobbe du Roy, dont le dit feu sieur Talon estoit lors pourveu et jouissant, moyennant la somme de cent quatre mil livres, en deduction de laquelle, et pour demeurer quite sur icelle par ledit sieur Quentin vers ledit sieur Talon, de la somme de trente six mil livres, iceluy sieur Quentin et dame Marie Angelique Madelaine Poisson, son epouse, ont ceddé et transporté avec promesse solidaire de garentir excepté des faits du Roy audit feu sieur Talon, deux mil livres de rente au denier dix huit à prendre sur les aydes et gabelles, montantes ensemble en principaux à pareille somme de trente six mil livres en quatre partie de cinq cens livre de rente chacune constituées audit sieur Quentin par Messieurs le Prevost des marchands et eschevins de cette ville de Paris par quatre contracts passez pardevant de Troyes et Nera, notaires au Chastelet de Paris, le vingtiesme novembre mil six cens quatre vingt trois, mentionnez audit contract de vente".

Jean est pourvu de cette charge, par brevêt donné à Versailles le lendemain. Il se démit de cette charge en faveur de son fils Jean par acte passé devant Le Cointe, notaire à Versailles, le 19 décembre 1703, et S.M. lui assura le prix de cette charge par brevet donné à Versailles le lendemain.

La garde-robe du Roi est dirigée par un grand maître de la garde-robe, charge que se transmettent les duc de La Rochefoucault ; les officiers de garderobe ont soin des habits et du linge de la personne du Roi. Il y a seize valets de garderobe servant par quartier, un valet de garderobe ordinaire et quatre premiers valets de garderobe servant par quartier ; ces derniers avaient la clef des coffres et couchaient dans la garde-robe. Celui qui est en quartier présentait au Roi ses chaussons, ses jarretières, et le soir, le maître de la garde-robe tirait la manche droite de la veste et du justaucorps de S.M., et le premier valet de garde-robe en tirait la manche gauche, recevait ce justaucorps, la veste et le cordon bleu ... Ensuite il défaisait la jarretière gauche, qu'il donnait au valet de garde-robe qui a déchaussé le Roi; après, il nouait le ruban de Ia manche gauche de la chemise de S. M. En l'absence du grand maltre et du maître de la garderobe, c'est le premier valet de garde-robe qui faisait tout le service de la garde-robe13. Ces charges, qui se vendaient cent dix ou cent quinze mille livres 14, conféraient la noblesse (héréditaire par édit de Louis XIV, 1653, puis non transmissible, par édit du même, 1699) et permettaient de se qualifier du titre d'écuyer. Officiers commensaux, il jouissaient de privilèges judiciaires (droit de commitimus, etc.), fiscaux (exemptions de taille et autres taxes), économiques (exemption de franc-fief, etc.), honorifiques (préséance dans les assemblées, dans les églises, etc.) et en plus étaient logés à la cour où ils bénéficiaient de nombreux avantages, tels que la bouche.

A l'occasion du baptême de sa fille Marie-Angélique, le 13 septembre 1692, il est qualifié d'escuyer premier valet de garde robe du roi. Le parrain de la petite Marie-Angélique est son oncle François Quentin de Vienne, premier valet de chambre du roi Louis XIV qui lui a fait l'honneur d'être le parrain de son fils Louis, baptisé quelques jours plus tôt dans la chapelle du château de Versailles.


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Registre de Notre-Dame de Versailles 1692-1693 (vue 37/173)
Baptème de Louis Quentin de la Vienne : le parrain est le Roi
-cliquer sur l'image pour voir l'acte-


En juillet 1693 Jean reçoit les lettres de noblesse qui seront enregistrées au parlement en septembre

Le 1er novembre 1693, c'est au tour de Françoise d'être baptisée à Versailles. Pour son père les qualités de premier valet de garde de robe et valet de chambre ordinaire Barbier du roi sont portées sur l'acte. Le 3 décembre 1695, il n'est plus que premier valet de garde robe du roi, comme précisé sur l'acte de baptême de sa fille Geneviève. Jean Quantin, escuyer, sieur de Villiers, premier valet de garderobe du roy et son épouse sont présents à la signature du contrat de mariage de Jean Poisson, seigneur de Souzy, docteur en Médecine de la Faculté de Paris, apoticaire et valet de chambre ordinaire du corps du Roy, Monseigneur le Dauphin, et des Enfants de France; leur beau-frère et frère, le 24 décembre 1695, de l'agrément et en présence de Sa Majesté Monseigneur le Dauphin , Messeigneurs les ducs de Bourgogne, d'Anjou et du Berry, Enfants de France , Madame la princesse douairière de Conti, Monseigneur Boucherat Chancelier de France, Monseigneur le marquis de Chasteauneuf Ministre et Secrétaire d'Estat, Monseigneur de Pontchartrain Controlleur Général des Finances, Monsieur le Marquis de Livry Premier Maistre d'hostel du Roy, Monsieur de Beschamesl des Ormes Controlleur général de la Maison de Sa Majesté, Madame la Mareschalle dela Motte. Jean est témoin à ce mariage qui eut lieu dans la chapelle du grand commun le 27 décembre et signe le registre de Notre-Dame de Versailles. On retrouve la même qualification sur l'acte de baptême de son dernier enfant Henri, en date du 23 août 1696.

Le 2 septembre 1696 le Roi déclare les officiers et dames de la maison de Marie-Adélaïde de Savoie, future duchesse de Bourgogne. Le marquis de Sourches en donne la liste dans ses Mémoires. Marie-Angélique y est citée comme première femme de chambre, dirigeant quatre femmes de chambres ordinaires. Elle ne reçut son brevet que le 28 octobre 1697, signé du roi et plus bas Phélypeaux. Cette place, à 300 livres de gages annuels, lui apportait une place privilégiée auprès de la duchesse. Le marquis nous apprend également, à la date du 1er octobre 1697 que le Roi avait donné une place de femme de chambre de la princesse "à la fille de Quentin, son premier valet de garde-robe, dont la femme était déjà première femme de chambre." Il s'agit de Marie, âgée d'une vingtaine d'années, qui épousera l'année suivante Louis-Charles Le Monnier Descartes, maître d'hôtel de la duchesse de Bourgogne.

Dans un règlement d'armoiries du 26 avril 1697 il est qualifié seigneur de Villiers. Le 4 octobre de la même année, Jean achète une autre charge de Premier valet de garde-robe dont il obtint la survivance pour son fils Louis. Dangeau précise, tome VI, page 202 : Fontainebleau le 4 octobre 1697 : Monsieur Quentin acheta la charge de premier valet de garde-robe qu'avait M. Félix ; il en donne 115 000 livres [~50,8 kg d'or] dont il paye 65 000 argent comptant et le reste dans un an. Le roi lui donne la survivance de cette charge pour un de ses enfants qui n'a que treize ans. M. Félix avait acheté cette charge pour son fils, 75 000 livres, au décès de Pierre Rose de la Chevalerie, en 1690 !

Saint-Simon nous décrit Madame Quentin bien faite, polie, fort à sa place, douce obligeante, et sachant fort le monde. Elle était femme de Cantin et belle-sour de Lavienne15. Elle usa de son influence pour placer ses proches dans les maisons du duc et de la duchesse de Bourgogne. Ainsi un chapelain nommé Poisson était dans la maison écclésiastique de la duchesse. Trois de ses filles furent femmes de chambre : Marie-Angélique, Marie-Catherine et Marie-Anne. Ces filles firent d'ailleurs de très beaux mariages.

Les fiançailles de la première (Marie-Angélique) eurent lieu le 25 février 1698 dans la chapelle du grand commun du château de Versailles, et la bénédiction nuptiale fut donnée le lendemain paroisse Notre-Dame par le grand vicaire de l'archevêque de Paris, à Louis-Charles Lemonnier, seigneur Descartes et autres lieux, maître d'hôtel ordinaire de madame la duchesse de Bourgogne et à Marie Quantin, seconde femme de chambre de madame la duchesse de Bourgogne. Jean Quantin est qualifié écuyer, seigneur de Villiers, premier valet de garderobe du Roi et Dame Angélique Poisson, première femme de chambre de madame la duchesse de Bourgogne


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Signatures sur le registre de Notre Dame de Versailles 26 février 1698




Anne Richou, sa nièce, épouse de Charles de Guisgne, barbier, valet de chambre du roi et ordinaire de monseigneur le dauphin, décède à Versailles le 19 juillet 1699. Jean est présent le 7 août 1699, avec son frère François, par devant Jean Le Camus, notaire à Paris, pour régler la tutelle des trois enfants mineurs. Il est qualifié grand oncle maternel, écuyer, premier valet de garde robe du roy (voir registre des tutelles septembre 1699).

En 1702, il fait l'acquisition de la terre et baronnie de Champlost, qui valait 7 500 livres de rente, "au moyen de l'adjudication qui lui en avait été faite sur le S. Sauvion de la Touanne par les commissaires du Conseil le premier février mil sept cent deux16" (aveu fait par Jean Quentin, fils, le 17 mars 1749 au comte de Saint-Florentin). Champlost restera dans la famille jusqu'en 1830, quand Alexandre de Combault, gendre de Jean-Marie Quentin, vend son domaine, qui comprend le château, pour 1.200.000 francs. Le nouveau propriétaire revendra le château, tout meublé et avec les fossé et jardins, 60.000 francs. L'acquéreur démolira ce magnifique château renaissance, construit sur un ancien château médiéval et qualifié de bijou architectural du XVIe siècle. Il n'en reste que des fossés, deux ponts, quelques pilastres, et des bâtiments à mansardes Louis XIV que l'on a affectés à la ferme.


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Ruines du château de Champlost
extrait du livre de Victor Petit "Châteaux de France des XVe et XVIe siècles"




Le 7 juillet 1702, "madame Angélique Poisson, première femme de chambre de madame la duchesse de Bourgogne, femme de Mre Jean Quentin, premier valet de garderobe du Roi, baron de Chanlot (c'est ainsi que se prononce Champlost) et seigneur de Villers" est marraine d'Angélique Gabrielle de Chenedé, fille d'un premier valet de garderobe du duc de Berry et de Gabrielle Bachelier. Le 10 décembre suivant, noble homme Jean Quentin, escuyer, seigneur de Villiers, valet de garde robe du roi enterre au Pecq son fils noble personne Jean Quentin, âgé de 22 ans, fils cadet.

Le 4 janvier 1704, Jean son fils aîné, épouse à Saint-Germain-l'Auxerrois Angélique, fille de Pierre Le Tessier de Montarsy, secrétaire du Roi et orfèvre-bijoutier, joailler ordinaire du Roi, et belle-sœur de Charles-Louis Félix, contrôleur général de la Maison du Roi. Le contrat, signé du Roi et de la famille royale, avait été passé devant Lambon et Marchand, notaires à Paris, le 30 décembre précédent. Parmi les amis présents au mariage, Marc de Voyer de Paulmy d'Argenson, lieutenant de Police, plus tard ministre, cousin de nos ancêtres Voyer de Paulmy.

Le 25 juin 1704 Jean achete d'Alexandre Lefebvre de La Faluère, pour 98 000 livres, une charge de Maître d'hôtel du roi, charge réservée aux nobles depuis Henri III, et dont le nombre a été limité à douze par Louis XIV. C'est en cette qualité qu'il accompagna le duc de Bourgogne, nommé en 1706 généralissime des armées de Flandre. Dans cette charge, il servait au quartier de janvier (premier trimestre), et s'il pouvait résider à la cour toute l'année, c'était grâce à ses autres emplois. Il en obtint la survivance pour son troisième fils Louis-Philibert dit La Godinière (Sourches).

Le 7 janvier 1705, Pierre Le Tessier de Montarsy, qui ayant prêté en 1692 une somme importante d'argent à Jean-Nicolas de Francine, gendre de Lully et directeur de l'Académie Royale de Musique (Opéra), cède son obligation à Jean (et à son épouse) qui devient ainsi directeur associé de l'Opéra17.

Le 10 novembre 1705, il rend hommage au comte de Saint-Florentin de ses terres champenoises ; il y est qualifié Baron de Champlost, seigneur de Mercy, Bois-de-la-Raye, Vachy et autres lieux en Champagne.

Jusqu'en 1706, la duchesse de Bourgogne s'était volontier laissée courtiser, entretenant des "aventures galantes" notamment avec le marquis de Nangis (futur maréchal, qu'une rumeur circulant à la cour disait être le père des enfants de la duchesse et donc de Louis XV), le marquis de Maulévrier (neveu de Colbert, jaloux du précédent, qui se suicida en 1706), l'abbé de Polignac ou le jeune duc de Fronsac (futur duc de Richelieu qui se ventait, faussement selon la Palatine, d'avoir couché avec la duchesse). Quoiqu'il en soit, ce qu'il faut noter ici c'est que les correspondances entre les amants (ou prétendants, car "sous le voile gazé des mots" des éditorialistes aucune preuve de culpabilité n'a jamais été apportée), les rendez-vous clandestins, se faisaient par l'entremise de la première femme de chambre, dont chacun connaissait la discretion. Saint-Simon raconte comment ses fonctions la rendirent complice d'une intrique qui conduisit au suicide Maulévrier, gendre du maréchal de Tessé : Madame Cantin, amie intime de Tessé, trompée par le gendre, crut recevoir de sa main des billets du beau-père, et les regardant comme sans conséquence, elle les rendait. Maulévrier, sous le nom de son beau-père, recevait, crut-on, la réponse aux billets par la même main qui les avait remis18.

On apprit en effet, le 2 avril 1706, le suicide de François-Edouard Colbert, marquis de Maulevrier, gendre du maréchal de Tessé. Saint-Simon nous dit que dès le lendemain, samedi saint, Mme Quantin alla à Paris chez ce malheureux, où dès auparavant elle avait fait divers voyages. Elle était toute à Tessé. On prête à la duchesse de Bourgogne quelques aventures, pas toutes avérées, facilitées par sa première femme de chambre. Son mari mourra néanmoins sans jamais soupçonner qu'elle eut des regard pour un autre que lui. Il en tomba pourtant sur Nangis (Louis-Armand de Brichanteau de Nangis, plus tard Maréchal de France). Toute la Cour, assidue et éclairée, s'aperçut de ce qui avait été caché d'abord avec tant de soin. Mais, soit crainte, soit amour de cette princesse, qu'on adorait, cette même Cour se tut, vit tout, se parla entre elle, et garda le secret qui ne lui était pas même confié19 . Le marquis de Maulévrier, qui éprouvait une grande passion pour la princesse, était très jaloux de Nangis et commença de courtiser. Après avoir essayé de se faire entendre, il hasarda d'écrire. Les amants s'écrivaient régulièrement et cette correspondance se faisait par l'entremise de Marie-Angélique : On prétendit que Madame Quantin, amie intime de Tessé, trompée par le gendre, crut recevoir de sa main des billets du beau-père, et que, les regardant comme sans conséquence, elle les rendait [remettait]. Maulévrier, sous le nom de son beau-père, recevait, crut-on, les billets par la même main qui main qui les avait remis. Je n'ajouterai pas ce qu'on crût au-delà. Quoi qu'il en soit, on s'aperçut de celui-ci comme de l'autre [Nangis], et on s'en aperçut avec le même silence.

Le 18 octobre 1706, sa fille Marie-Catherine est fiancée à Louis Le Bas de Girangy, conseiller du roi, trésorier général des gardes et grenadiers de sa majesté. Les fiançailles avaient été célébrées dans l'appartement de madame la duchesse de Bourgogne par son aumônier et en présence du curé de Versailles, selon l'habitude réservée aux filles de la première femme de chambre de la Dauphine, qui était à cette époque la mère de la mariée. Le mariage eut lieu à Paris, église Saint-Roch, avec permission du curé de Notre Dame de Versailles, comme cela est précisé dans le registre de cette église à cette même date. Dans cet acte, Jean Quentin est qualifié maître d'hôtel du roi et premier valet de garderobe de sa majesté, baron et seigneur de Champlost et Villiers sur Orge.

Le samedi 8 janvier 1707, la duchesse de Bourgogne accoucha d'un prince. Il y avait déjà plus de dix jours que l'on attendait l'évènement et quand il arriva, madame Quentin, raconte Dangeau, s'étant levée avec toute la diligence imaginable dès l'instant qu'elle eut appris ce qui se passait, donna ordre qu'on allât quérir M. Clément (le médecin). Le 27 mars 1707, le roi choisit le frère d'Angélique, Jean Poisson, un de ses médecins par quartier et de ses apothicaires, pour être premier médecin du duc de Bretagne, servant aussi auprès du duc de Berry. Le 14 décembre 1707 le Roi donna la place de premier valet de garde-robe du duc de Berry "à un quatrième fils de Quentin, qui se nommait La Corbière [René-Joachim Quentin de La Corbière] et qui ne faisait que de sortir de dessous l'aile du précepteur, c'est à dire qui n'était rentré dans les mousquetaires du Roi que depuis le voyage de Fontainebleau." Et Sourches de commenter que Ce n'était pas mal allé à lui d'avoir encore attrapé pour son quatrième fils une place qui valait 6 000 livres de rente, après avoir fait deux de ses enfants premiers valets de garde-robe du Roi et un maître d'hôtel ; mais sa femme, qui était une sœur de Poisson, premier médecin de Monseigneur, était une des plus habiles femme de France, et tous ses enfants se tournaient à bien.

Dans l'Etat de la France de 1708, nous voyons que Jean (avec ses fils Jean et Louis en survivance) partageait avec MM. Gabriel Bachelier et Claude-Nicolas-Alexandre Bontemps l'honneur de présenter le matin au Roi ses chaussons et ses jarretières, et le soir de lui tirer la manche gauche de sa veste et de son justaucorps, le privilège de la manche droite étant réservé au maître de la garde-robe, Jean-Baptiste Colbert, marquis de Seignelay. Il est également signalé comme servant toute l'année, ayant quatre charges de premier barbier.

Il fit avec son frère et avec ses cousins Quentin de Touchebrantes renouveller la fondation faite par leurs ancêtres en la ville de Loches, par acte passé devant Le Comte et Chevalier, notaires à Versailles, le 1er mars 1710.

A la date du 12 août 1710, Saint-Simon écrivait : (La Vienne) avait un frère qui s'appelait Quentin, qui avait les quatre charges de barbier du roi, dont la femme était première femme de chambre de Mme la duchesse de Bourgogne, avec du mérite et de la considération, et dont le fils était premier valet de garde-robe du roi, duquel toute la famille tirait beaucoup.

Une autre de ses filles, Marie-Anne, bénéficia pour ses fiançailles, de la même faveur que sa sœur, le 13 juin 1711 au château de Marly, dans la chambre et en présence de Madame le Dauphine et de toute la cour, la veille de son mariage, à Fontenay-Saint-Père, avec Jean-René Jouenne, seigneur d'Esgrigny, Fontenay-Saint-Père, écuyer, colonel du régiment de Forez, brigadier des armées du roi, inspecteur de la milice des généralités de Paris et d'Orléans (Contrat du 13 juin 1711, signé par le roi et la Cour, passé devant Le Chanteur et Dutartre, notaires à Paris20). Jean, qualifié écuyer, baron de Champlost, conseiller du Roi, maître d'hôtel et premier valet de garderobe de Sa Majesté signe "Quantin de Champlost". Les frères de la mariée sont tous là ; ils sont tous écuyer et premier valet de garderobe et signent "Quantin de Villiers", "Quantin de la Corbière", Quantin de Richebourg" ...



Signatures apposées sur le registre de la paroisse Saint-Denis à Fontenay-Saint-Père 1696-1712 vue 185/192



Le 8 mars 1710, Pierre Le Tessier de Montarsy décède subitement en son château de Bièvre. Une de ses filles avait épousé en 1703, Jean, le fils aîné de Jean. En tant que joaillier ordinaire du roi, M. de Montarsy était dépositaire d'une partie des joyaux de la couronne. Un officier de l'argenterie, dépêché à Paris pour rentrer en possession des bijoux royaux constata qu'il en manquait pour plus de 250 000 livres. Les apparences accusaient le gendre, qui ne put fournir d'explication plausible de sa conduite (il avait pris les clés du bureau de Paris la veille de la mort de son beau-père) mais les poursuites commencées contre lui furent arrétées par le crédit de son père et de son oncle, tous deux favoris de Louis XIV. Mais le roi ne consentit à étouffer l'affaire qu'en prélevant sur la succession du défunt le prix des joyaux disparus et c'est ainsi que la seigneurie de Bièvre fut vendue. Très affectée par cette affaire, Mme Quentin (née Montarsy), mourut dans les premiers jours de 1711.

La duchesse de Bourgogne devient Dauphine de France en 1711. L'année suivante on retire à Mme de Mailly l'administration de sa garderobe, et on la donne à sa première femme de chambre. Marie-Angélique ne gardera cette fonction que dix jours, suite aux hauts cris de la comtesse de Mailly qui pensait que cela lui faisait du tort. Voici comment Dangeau présente l'incident, le 4 janvier, dans son Journal21 : « Il y a quelques petits changements sur la garde-robe de Madame la Dauphine, qui se plaignoit de temps en temps que quelques petites choses dont elle avoit besoin lui manquoient. Mme de Mailly, qui est dame d'atour, a prié Mme Quentin, qui est la première femme de chambre, qui est fort entendue et qui sert Madame la Dauphine à son gré, de se charger de tous ces petits détails-là ; mais Mme Quentin n'a pas voulu avoir une somme réglée pour ces dépenses-là. Elle soulagera de beaucoup de petits soins Mme de Mailly, lui montrera tous les mois la dépense, et Mme de Mailly ne se mêlera plus que de faire faire les grands habits. Ce changeraent-là a fait plus de bruit ici et à Paris qu'il n'en devoit faire. » Saint-Simon trouvant cette relation trop "politique" fit l'addition suivante dans ses Mémoires : « Il arriva, dans tous les premiers jours de cette année, un fâcheux dégoût à Mme de Mailly, dame d'atour de Madame la Dauphine. La dépense de sa garde-robe passoit de loin le double de celle de la feue Reine et, avec cela, la princesse manquoit tellement de tout ce qui fait la commodité, la nouveauté, et l'agrément des parures, que le cri en fut public et que les dames prêtoient journellement à la Dauphine des palatines, des manchons, et toutes sortes de colifichets. L'indolence de Mme de Mailly laissoit tout faire à une de ses femmes de chambre, qui se croyoit nièce de Mme de Maintenon parce que sa maîtresse l'étoit. Desmaretz, de plus en plus ancré, avoit des prises continuelles avec la dame d'atour sur sa grande dépense, et sur les payements, qu'elle pressoit avec hauteur. Il s'en lassa ; il en parla à Mme de Maintenon et au Roi, qui consultèrent la Dauphine. Sa patience et sa douceur s'étoient lassées aussi après des années de silence et de tolérance, tellement que l'administration de la garde-robe lui fut ôtée, et donnée à Mme Quentin, première femme de chambre, et celle de Mme de Mailly fut chassée pour s'être trouvée avoir bien fait ses affaires aux dépens de la garde-robe et des marchands. Mme de Mailly cria, pleura, dit qu'on la déshonoroit, et tempêta tant auprès de Mme de Maintenon, qu'au bout d'une quinzaine on lui rendit quelque sauve-l'honneur ; mais le réel et l'autorité sur la garde-robe, elle ne put les rattrapera. Elle ne fut plainte de personne: l'excès de la gloire dont elle étoit lui avoit aliéné tout le monde, scandalisé d'ailleurs de voir la Dauphine si mal servie. »

Le 26 août 1710, Jean Quentin eut "une grande faiblesse" en entendant la messe avant le lever du roi, et Sourches précise que comme il était fort usé par les longs services qu'il avait rendus au roi avec une assiduité merveilleuse, et qu'il avait plus de soixante-douze ans, on regardait cet accident comme très dangereux. Le lendemain il donnait de bonnes nouvelles, disant que le 27 on apprit que Quentin était hors de danger, l'émétique lui ayant fait de très bons effets. Le 27 octobre 1710, le roi accorde à La Corbière, 4e fils des Quentin, les quatre charges premier de premier valet de garde-robe du duc de Berry, avec faculté de les séparer et de les vendre.

Le 12 juin 1711, le roi et la famille royale signèrent le contrat de mariage de leur fille Marie-Anne avec Jean-René de Jouanne d'Esgrigny. Les Quentin donnaient 80 000 livres de dot à leur fille. Les fiançailles eurent lieu dans l'appartement de la Dauphine. Faisant partie des privilégiés régulièrement invitée à Marly, Mme Quentin était du voyage du 7 octobre 1711, qui fut pour elle le dernier. En effet, le 12 février 1712 la duchesse de Bourgogne, dauphine depuis quelques mois, mourut de la rougeole, maladie qui emporta six jours plus tard son mari, le duc de Bougogne. Marie-Angélique s'occupa du deuil et assura la garde des affaires personnelles de la princesse jusqu'à ce que l'inventaire en soit dressé. Elle perdait à nouveau sa place mais obtint 6 000 livres (à peu près les apointements de sa charge) de pension viagère par brevet donné à Versailles le 10 mars 1712 (sur décision du roi, rapportée par Dangeau, entrée du 6 mars).

Le 31 septembre de cette même année 1712, Jean fait une attaque d'apoplexie, comme l'indique Sourches : Ce jour là Quentin, premier valet de la garde-robe du Roi, eut une seconde attaque d'apoplexie, qui lui fit perdre le libre usage de la parole, et sur le champ, on lui donna de l'émétique qui lui fit un assez bon effet.

Le roi meurt le 1er septembre 1715. La Cour quitte alors Versailles et les Quentin obtiennent un logement au Louvre. Le 3 mars, Jean démissionne de sa charge de barbier du roi22. Le 15 octobre 1716, retenue de barbier du roi23. dans lequel Jean décéde d'une attaque, le 7 mars 1717. Il est enterré le 13 à Saint-Germain-l'Auxerrois. L'annonce de son enterrement porte premier valet de garde robe du Roi. On disait de lui que c'était un bon homme, qui se tenait obscurément dans son état, et qu'on ne voyait jamais qu'en fonction auprès du Roi. Cet appartement était situé "dans la cour du Vieux Louvre au premier de l'escalier qui conduit aux archives du conseil." L'inventaire après décès eu lieu le 9 avril24. Le partage de sa succession se fit le 26 février 172025 et le montant des biens, dettes et charges déduites, s'élevait à 173 366 livres, dont Marie-Angélique possédait la moitié, selon son contrat de mariage. Cinq tableaux sont mentionnés, dans la chambre de Mme Quentin, à savoir deux de Louis XIV, un de Monseigneur, fils de Louis XIV et deux du duc de Bretagne. Elle obtint également une pension viagère par brevet donné à Versailles le 10 mars 1712 (?) comme veuve de Jean Quentin. Elle fit quittance à ses enfants le 22 août 172826. Elle mourut le 26 juin 1731 au Louvre et fut inhumée le lendemain aux Jacobins de la rue Saint-Honoré. Son inventaire après décès eut lieu le 4 mars 173227 et le compte d'exécution testamentaire le 17 août 173328 et le partage les 1er septembre 173329 et 15 mars 173530.



Registre de clôtures d'inventaires 1714-1725 (AN Y5282 vue 56/305)
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Du 23e avril 1717
Est comparue dame Marie Angélique Poisson, veuve de Messire Jean Qantin, chevalier, seigneur de Villiers et autres lieux, conseiller et Maître d'hôtel du roi, et son premier valet de garde-robe, demeurant à l'ancien Louvre, paroisse Saint-Germain l'Auxerois, tant en son nom à cause de la communauté de biens qui a été entre le dit défunt son mari et elle, qui acceptera ou renoncera ainsi qu'elle avisera par conseil, que comme tutrice de Messire Henry Quantin de Richebourg, son fils mineur, enseigne au régiment des gardes françaises de Sa Majesté, laquelle a affirmé véritable inventaire fait à sa requète le 9 avril 1717 et jour suivant, passé par devant Rigault et Mansard, notaires à Paris, en la présence de Messire Jean Quantin, chevalier, baron de Champlost, Messire Louis Quantin de Villiers, chevalier, Messire Louis-Philibert Quantin, chevalier, conseiller Maître d'hôtel du roi, de Messire René Joachim Quantin de la Godinière, chevalier, seigneur de Villiers-le-Bruslé, premier valet de chambre de Monseigneur le duc de Berry, Messire Louis-Charles Le Mosnier des Cartes cy-devant maître d'hôtel de Madame la dauphine, Messire Louis Le Bas de Girangy, conseiller du roi trésorier général des gardes du corps de Sa Majesté, seigneur de Claye, à cause de dame Marie Catherine Quantin son épouse, Messire Jean René Jouanne d'Escrigny et de Fontenay, colonel d'infanterie, à cause de dame Marie Quantin son épouse, et de Messire François Pierre Le Mosnier, baron de ? et autres lieux, aussi greffier en chef du parlement, au nom et comme subrogé tuteur dudit mineur ; Et est le dit inventaire tenu pour clos.



Portrait de Marie-Angélique Poisson, baronne de Champlost, coiffée d'un bonnet de dentelles brodées et d'une mantille noire.
Au revers un ancien texte manuscrit à la plume et encre brune donne l'identité du modèle, son lien marital avec Jean Quentin, et la provenance du tableau.
Le modèle est en costume de veuve, ce qui situe le tableau entre 1717 et 1731.
-image tirée du catalogue Drouot de novembre 2016-




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Jean Quentin (1677-1754), dit Champlost, fils de Jean et Angélique Poisson,
Gravure de Jogan d'après Van Loo
Champlost confirmée et de nouveau fut érigée en baronnie en juin 1721 (O/1/75 fol.291v°)
Il était premier valet de garderobe en avril, mai, juin et son frère Louis en juillet, août, septembre.





       Jean Nicolas Dufort de Cheverny (ci-contre) parle des Quentin dans ses mémoires. D'abord de son grand-oncle Jean Quentin : "Je me souviens avoir été conduit fort jeune chez M. Quentin de Champlost, au vieux Louvre, tandis qu'on attendait des nouvelles de la maladie du Roi à Metz [en 1744], et je me rappelle avoir vu le peuple embrasser le cheval du courrier qui publiait la convalescence.Je n'oublierai jamais d'avoir vu, dans la rue Saint-Antoine, l'entrée que le Roi fit à son retour et les fêtes qui se donnèrent à cette occasion. Ce Champlost, mon grand-oncle, descendait de madame Quentin, femme de chambre de la Reine. Les mémoires du temps font mention du crédit dont elle jouissait. Ces Quentin sont cousins germains des Quentin, marquis de Champcenetz, dont un descendant a malheureusement péri dans la Révolution. Champlost, le dernier, est mort en prison après le 10 août ; il était premier valet de chambre de Louis XVI." Ensuite du fils de ce dernier, Marie-Louis :"Le Roi, toujours aimable dans son intérieur, le fut encore plus cette année-là ; quelquefois il contait agréablement des histoires très-gaies, sans passer les bornes de la décence et de l'honnêteté. Quentin, baron de Champlost, avait acheté de Quentin, marquis de Champcenetz, la charge de premier valet de chambre. Le Roi, qui le connaissait depuis son enfance, le traitait à merveille. Champlost était extraordinairemnt laid, mais il avait des grâces, l'air noble et les manières d'un grans seigneur. Son seul défaut était d'aimer les femmes à la folie, et d'être peu délicat sur le choix. Le Roi, comme les prédicateurs qui disent autrement qu'ils ne font, voulait le retenir, et lui disait souvent qu'à leur âge tout libertinage étai mortel ; enfin il lui parlait comme à un ami." Et nous avons également cet intéressant passage lors du décès de Madame de Pompadour : "Champlost, premier valet de chambre, était alors de service et couchait dans la même chambre que le Roi. Un cordon de sonnette, passé dans son bras et tenant au lit du Roi, était le sisgnal si, dans la nuit le Roi avait besoin de lui. Le Roi dormait peu et se levait, aussitôt évéillé, pour se dérober même à son intérieur et passer dans son cabinet. Enfin le jour de l'enterrement de la marquise arriva. Le Roi, par les ordres de qui tout se faisait, savait l'heure. Il était six heures du soir, en hiver, et par un temps d'ouragan épouvantable. La marquise avait par son testament demandé à être enterré aux Capucines, place Vendôme, où elle avait arrangé un superbe appartement. Le Roi prend Champlost par le bras ; arrivé à la porte de glace du cabinet intime, il fait fermer la porte d'entrée, et se met dehors avec lui, sur le balcon. Il garde un silence religieux, voit le convoi enfiler l'avenue, et malgré le mauvais temps et l'injure de l'air auxquels il paraissait insensible, il le suit des yeux jusqu'à ce qu'il perde de vue tout l'enterrement. Il rentre alors dans l'appartement ; deux grosses larmes coulaient encore le long de ses joues et il ne dit à Champlost que ce peu de mots : " voilà les seuls devoirs que j'aie pu lui rendre !" Ce témoignage est important car il dément, avec d'autres, le mot frivole qu'on a prêté au Roi à cette occasion et qui est :"Mme la marquise aura bien mauvais temps pour aller à sa dernière demeure".



Marie-Catherine Quentin et Louis Le Bas de Girangy, conseiller du Roi, trésorier des Gardes du Corps, furent mariés par contrat signé du Roi et de la Famille royale, passé le 16 octobre 1706 devant Lignet et Bellanger, notaires à Paris (voir ici). Ils donneront une quittance de dot à leurs père et mère par acte passé devant Bellanger et Lignet, notaires, le 14 décembre 1706.
Les fiançailles eurent lieu le 18 octobre dans l'appartement de la duchesse de Bourgogne et le mariage paroisse Saint-Roch à Paris.


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Fiançailles de Marie-Catherine Quentin et Louis Le Bas de Girangy le 18 octobre 1706,
et autorisation du mariage paroisse Saint-Roch à Paris







Sources principales :
Le Centre Généalogique de Touraine : « Les Quentin » (Eric Hamoir et Pierre Robert)
Les domestiques commensaux du roi de France au XVIIème siècle (Sophie de Laverny)
Dictionnaire critique de biographie et d'histoire : errata et supplément (Auguste Jal)
Tableau généalogique, historique, chronologique, héraldique et géographique (de la Motte et de Combles)
Au service du roi dans les coulisses de Versailles (Mathieu da Vinha)
Travaux de Giselle Ollivier
Archives familiales de Damien Labrot


1 tome XVI p 345, 1487-1491 
2 O1 17, fol.95v° 
3 Etat de la France 1676 
4 Mémoires Saint-Simon tome 4 
5 Etat de la France 1708 
6 Revue de l'Histoire de Versailles 1939 
7 Les valets de chambre de Louis XIV, Mathieu da Vinha, Tallandier 2015, pages 181-182. 
8 Tome II page 74 
9 AN MC ET/CVI/71 
10 O/1/33 fol.178 
11 (O/1/35 fol.28 et fol.45 
12 AN ET/LVIII/178) 
13 État de la France, tome I, p. 195 et 196 
14 Journal de Dangeau, tomes IV, p. 78, et VI, p. 203.)nbsp;
15 Mémoires volume II page 74 
16 Aveu fait par Jean Quentin, fils, le 17 mars 1749 au comte de Saint-Florentin 
17 AN E1970 f°84 
18 Mémoires volume IV page 355 
19 Saint-Simon, pour l'année 1704 
20 AN, MC, Etude LXXXIX, 228 
21 tome XIV, p. 54-55 
22 AN O/1/59 fol.31 
23 AN O/1/59 fol.180 v° 
24 AN MC/ET/LIX/171 
25 AN MC/ET/LIX/181 
26 AN MC/ET/LIX/202 
27 AN MC/ET/LIX/209 
28 AN MC/ET/LIX/212 
29 AN MC/ET/LIX/212 
30 AN MC/ET/LIX/215 









Lien de Parenté

Jean QUENTIN
¦
Marie-Catherine QUENTIN
¦
Pierre-René LE BAS de GIRANGY
¦
Charles-Pierre LE BAS de GIRANGY
¦
Adèle LE BAS de GIRANGY
¦
Marie-Eugénie GARNIER de FALLETANS
¦
Maurice, comte O'MAHONY




Quantin Jean Barbier du Roi : concession de haute justice dans la terre de Villiers-sur-Orge 1689 O/1/33 fol. 178 Quantin Jean L'un des barbiers valets de chambre du roi : permission de chasser dans l'étendue de sa terre de Villiers 1691 O/1/35 fol. 28 Quantin Jean Barbier du Roi : démission 8 février 1716 O/1/60 fol. 20 v° Quentin François sr de La Vienne Barbier valet de chambre du Roi 1670 O/1/14 fol. 236, 275, 501, 510 v° Quentin François sr de La Vienne Valet de chambre du Roi 1671 O/1/15 fol. 294, 295, 338 Quentin François sr de La Vienne Assurance pour les 4 charges de barbiers valets de chambre 1672 O/1/16 fol. 194 Quentin François Pourvu du privilège des perruques à métier 1681 O/1/25 fol. 206 v° Quentin Jean Perruquier du Roi : privilège 1673 O/1/17 fol. 95 v° Quentin Jean Porte-manteau ordinaire : privilèges pour faire des perruques 1675 O/1/19 fol.272 v° Quentin Jean et son frère François sr de La Vienne Barbier valet de chambre du Roi 1676 O/1/20 fol. 118 v° Quentin Jean Perruquier ordinaire du Roi : privilège 1677 O/1/21 fol. 51 Quentin Jean Barbier valet de chambre du Roi 1679 O/1/23 fol. 441 v° Quentin Jean et François Quentin sr de La Vienne Barbier du Roi valet de chambre 1680 O/1/24 fol. 29, 35, 280 v° Quentin Jean Barbier du Roi 1690 O/1/34 fol. 204 Quentin Jean L'un des barbiers valets du Roi : permissions de 1691 O/1/35 fol. 45 faire chasser dans sa terre de Villiers Quentin Jean Retenue de barbier du Roi : démission 15 octobre 1716 O/1/59 fol. 180 v° Quentin sr Jean Traite pour le privilège des perruques au métier 1681 O/1/25 fol. 223 v° Quentin sr Jean Barbier du Roi : renvoi d'un placet au contrôleur général 1688 O/1/32 fol. 357 Quentin sr Jean Barbier du Roi : don de rachat des terres 1689 O/1/33 fol. 393 Quentin sr Jean Premier barbier du roi : permission de chasser dans sa terre de Villiers près Monthléry 1691 O/1/35 fol. 407 v° Quentin sr Démission de barbier du Roi 3 mars 1715 O/1/59 fol. 31