La chronique de Suzy Menkes

Le bâtiment audacieux de Frank Gehry pour la Fondation Louis Vuitton

The Louis Vuitton Foundation in the Bois de Boulogne – the ultimate coalition between art and luxury – opened this week on a high note.
Suzy Menkes Celebrating Louis Vuittons daring construction by Frank Gehry

De gauche à droite : Karl Lagerfeld, Anna Wintour, Peter Marino (Crédit : GETTY)

Le bâtiment audacieux de Frank Gehry pour la Fondation Louis Vuitton

La Fondation Louis Vuitton dans le Bois de Boulogne – alliance suprême de l’art et du luxe – a ouvert cette semaine en grande pompe.

Grande comment ? Comme la structure en verre et en acier de Frank Gehry, dont les voiles incurvées se dressent vert le ciel.

Le bâtiment audacieux de Frank Gehry pour la Fondation Louis Vuitton

La Fondation Louis Vuitton

« Un iceberg, une serre… un bateau », disait Bernard Arnault, PDG du groupe LVMH (Moët Hennessy Louis Vuitton), citant dans son discours d’inauguration les différents surnoms donnés au bâtiment qui flotte comme un nuage sur cet oasis de verdure de la banlieue parisienne.

Le magnat du luxe, dont la philanthropie a transformé ce rêve de fondation d’art moderne en réalité, a remercié l’architecte avant de recevoir lui-même de la part du président François Hollande un éclatant témoignage de gratitude pour sa générosité.

Le bâtiment audacieux de Frank Gehry pour la Fondation Louis Vuitton

De gauche à droite : Frank Gehry, architecte de la Fondation, le président François Hollande et Bernard Arnault, PDG du groupe LVMH (Crédit : GETTY)

Bien que le concept de riches mécènes finançant des temples privés de l’art soit déjà développé aux États-Unis, et que l’habitude de donner de l’argent pour des restaurations se soit répandue en Italie, la Fondation Louis Vuitton est un exemple rare en France, où l’État a toujours été le principal bailleur de fonds de la culture.

Le bâtiment audacieux de Frank Gehry pour la Fondation Louis Vuitton

De gauche à droite : Bernard Arnault, Frank Gehry et le président François Hollande (Crédit : GETTY)

Entouré par le gratin de la mode et de l’art – de Karl Lagerfeld à Jeff Koons –, Arnault, 65 ans, décrivait cette structure exceptionnelle comme ce qu’il pensait être le bâtiment le plus complexe construit à ce jour, et pourtant fait avec humour et dans des proportions humaines. La concrétisation d’un rêve qu’il porte depuis quinze ans.

Le bâtiment audacieux de Frank Gehry pour la Fondation Louis Vuitton

De gauche à droite : Delphine Arnault, directrice générale adjointe de Louis Vuitton, Nicolas Ghesquière, directeur artistique des collections Femmes chez Louis Vuitton, et l’actrice Michelle Williams (Crédit : GETTY)

À son tour, l’architecte américano-canadien Gehry, 85 ans, s’excusant pour son français limité, s’est dit conscient du fait que ce parc était un endroit sacré pour les Parisiens, enraciné dans leurs souvenirs d’enfance. Reconnaissant la gravité de sa tâche, il a ajouté : « J’espère que je ne me suis pas planté ! »

Il a aussi confié qu’il trouvait que Bernard Arnault était « un peu comme un artiste dans sa manière de penser », passionné par la musique et les arts. « Même moi, il m’écoutait ! », a-t-il plaisanté.

« C’est un miracle de l'intelligence, de la création et de la technologie », résumait Hollande, félicitant l’architecte pour sa réussite précédente à Bilbao, ville qu’il a redynamisée en 1997 avec le spectaculaire et moderniste musée Guggenheim.

Le bâtiment audacieux de Frank Gehry pour la Fondation Louis Vuitton

Natalia Vodianova et Antoine Arnault, directeur général de la marque pour hommes Berluti et président de Loro Piana (Crédit : GETTY)

Le président a déclaré que cette nouvelle « cathédrale de lumière », avec son architecture unique, était un bâtiment industriel qui incarnait « une révolution de l’art et de la technologie ».

Dans ce décor époustouflant, la soirée d’inauguration comptait des invités people comme Marisa Berenson, Sofia Coppola, Marion Cotillard et Michelle Williams, ainsi que des directeurs de musées du monde entier.

Le bâtiment audacieux de Frank Gehry pour la Fondation Louis Vuitton

Anna Wintour et Karl Lagerfeld

Tous déambulaient dans le bâtiment en s’attardant moins sur les œuvres de Gerhard Richter ou d’Ellsworth Kelly, présentées dans de simples salles carrées, que sur la structure elle-même, où un jeu d’escaliers menait jusqu’à un toit-terrasse offrant une vue panoramique sur les lumières nocturnes de Paris, tour Eiffel comprise.

Pour Arnault, c’était une affaire de famille, puisqu’étaient présents sa femme, la pianiste Hélène Mercier, sa fille Delphine et son fils Antoine, avec sa compagne Natalia Vodianova. Rassemblés dans une pièce, ils contemplaient les premiers plans du bâtiment et une série de vidéos fascinantes montrant les différentes phases de la construction en accéléré ou au ralenti, les prises de vue ayant été réalisées depuis des drones survolant le chantier.

Le bâtiment audacieux de Frank Gehry pour la Fondation Louis Vuitton

La réalisatrice Sofia Coppola (Crédit : GETTY)

La grande famille de la mode était aussi au rendez-vous, de Karl Lagerfeld à Anna Wintour en passant par Pierre Bergé, cofondateur d’Yves Saint Laurent. Parmi les autres créateurs invités, on pouvait voir Raf Simons de chez Dior, Kris Van Assche de Dior Homme, Phoebe Philo de Céline, Jonathan Anderson de Loewe et, bien sûr, Nicolas Ghesquière pour Louis Vuitton, qui avait présenté son défilé de septembre dans le bâtiment encore vide.

Le monde de la mode avait alors pu découvrir en avant-première cette carapace argentée entourée de plans d’eau.

Le bâtiment audacieux de Frank Gehry pour la Fondation Louis Vuitton

De gauche à droite : les créateurs Raf Simons de chez Dior, Nicolas Ghesquière de chez Louis Vuitton et Riccardo Tisci de chez Givenchy (Crédit : GETTY)

Les « fondations » de ce bâtiment lumineux et aérien sont, métaphoriquement parlant, les sacs en cuir Vuitton, les robes Dior, les fourrures Fendi et les manteaux Céline… sans parler des bijoux, des montres et des montagnes de bouteilles de champagne vides.

Mais, après un quart de siècle pendant lequel la mode a caressé l’art dans le sens du poil et les stylistes aspiré à l’immortalité que l’on confère seulement aux purs artistes, Bernard Arnault est parvenu à créer un objet digne d’éternité.

Le bâtiment audacieux de Frank Gehry pour la Fondation Louis Vuitton

De gauche à droite : Delfina Delettrez, Carla Fendi, Sofia Coppola, le PDG de Louis Vuitton Michael Burke, et Silvia Fendi (Crédit : GETTY)

Lors de ce joyeux événement, où des poissons orange – symboles du signe astrologique qui est celui à la fois de Gehry et d’Arnault – flottaient en apesanteur dans le hall d’entrée, je n’ai eu qu’un seul moment de tristesse.

Le bâtiment audacieux de Frank Gehry pour la Fondation Louis Vuitton

Frank Gehry, l’architecte de la Fondation

Je me suis remémorée ma première impression de ce projet onirique, lorsque le regretté Yves Carcelle m’avait montré la maquette du bâtiment après le premier coup de pioche.

Le bâtiment audacieux de Frank Gehry pour la Fondation Louis Vuitton

Des lampes poissons dans l’entrée de la Fondation Louis Vuitton, clin d’œil au signe astrologique de Bernard Arnault et de Frank Gehry

Quand je lui avais exprimé mes doutes sur le fait que cet enchevêtrement de câbles d’acier – un peu comme les cheveux emmêlés d’une poupée Barbie – sorte réellement de terre un jour, il m’avait répondu avec son petit sourire malicieux : « Mais si, tu verras ! »

Le bâtiment audacieux de Frank Gehry pour la Fondation Louis Vuitton

Paris by night depuis le toit du bâtiment de Frank Gehry

J’aurais adoré qu’Yves soit là pour voir ces ailes de verre prendre leur envol vers le ciel.